Le Secrétaire adjoint à la communication du Secrétariat général du Comité central du Rdpc, explique les enjeux de la mise en place du Sénat au Cameroun.
L’Action : Monsieur le ministre, pour la première fois de l’histoire du Cameroun, les candidats aux sénatoriales vont aller à la conquête des suffrages des électeurs le 14 avril 2013. Quelle sont les enjeux de cette consultation ?Pierre Moukoko Mbonjo : Je voudrais dire à votre suite que c’est un tournant historique dans la mise en place des institutions démocratiques de notre pays. Il vous souvient que la Constitution de 1996, dont le père est incontestablement le président Biya, a prévu la mise en place d’une deuxième chambre. Notre parlement était composé jusque-là de la seule Assemblée nationale, et depuis lors la Constitution prévoit que nous ayons un Sénat. Et contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat ne représente pas directement le peuple camerounais. Il représente ce qu’on appelle techniquement les collectivités territoriales décentralisées, c’est-à-dire les communes aujourd’hui et demain les régions. Pour le premier cas, c’est l’ensemble du peuple jouissant d’une majorité électorale de 20 ans et dûment inscrits qui va aux urnes choisir ses représentants à l’Assemblée nationale. Il se trouve que notre République est depuis 1996 une République unitaire décentralisée. Ceci veut dire que le pouvoir qui est exercé par les institutions nationales, une partie de ce pouvoir est redonné au peuple à travers les conseils municipaux et demain les conseils régionaux. C’est ce qu’on appelle la décentralisation du pouvoir à travers un transfert de certaines compétences, et qui est différente de la fédération du pouvoir. Ceci pour une meilleure efficacité, une plus grande proximité dans la gestion et une plus grande prise en compte des aspirations des populations. Or, elles doivent avoir un lieu où leurs représentants se retrouvent pour débattre des préoccupations de la base. C’est pour cela que les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect. Pour que la décentralisation tienne au niveau de la base, il faut qu’il y ait son pendant au niveau du sommet.Comment concrètement ce pouvoir va-t-il s’exercer par rapport à l’Assemblée nationale puisque les deux chambres vont légiférer ?En réalité il est question pour les populations de s’assurer que leurs préoccupations vont se traduire dans les lois qui vont être votées. C’est d’une importance capitale. Lorsque les projets de lois vont arriver, ils vont être déposés en même temps sur le bureau de l’Assemblée nationale qu’à celui du Sénat. Les deux vont commencer à les étudier en même temps. Mais le Sénat va attendre que l’Assemblée nationale ait pris une décision qui est le vote de la loi. Dès lors que la loi a été votée, le président de l’Assemblée nationale la transmet au Sénat. Ce dernier dispose de dix jours pour regarder si les intérêts des collectivités territoriales décentralisées sont pris en compte. C’est fondamental. Si tel est le cas, le Sénat adopte le même texte que l’Assemblée et le renvoie à l’Assemblée. A partir de ce moment, le président de l’Assemblée dispose de quarante-huit heures pour la transmettre au président de la République qui promulgue. Maintenant, si le Sénat se rend compte du contraire, il fait des amendements sur la base d’une majorité simple. Le texte est renvoyé à l’Assemblée qui revoit sa copie. Mais la décision finale revient quand même à l’Assemblée, parce que c’est elle qui est élue au suffrage universel direct. Si elle est d’accord, elle adopte les amendements du Sénat, sinon elle n’en tient pas compte, toujours à la majorité absolue simple. Dernière chose, le Sénat décide de rejeter l’ensemble du texte, parce qu’il a le pouvoir de dire “nous ne sommes pas d’accord de telle partie à telle partie, ou avec l’ensemble de la loi”. Dans ce cas, la loi repart à l’Assemblée qui peut passer outre ce « véto » du Sénat, à condition de disposer d’une majorité absolue. Mais il peut arriver une situation de blocage où il n’y a pas de majorité absolue à l’Assemblée pour passer outre le blocage du Sénat. A ce moment-là, le président de la République qui est le chef de l’Etat comprenant l’Assemblée nationale et le Sénat, intervient pour mettre en place une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs pour trouver une solution. Si la solution est trouvée, il y a vote de la loi. Mais si jusque-là il n’y a pas de solution, le président peut décider purement et simplement de retirer la loi si elle vient de lui.Qu’est-ce que ça donne au finish? En d’autres termes quelle en est l’utilité ?Au final donc, nous avons non seulement ce que nous appelons en anglais “watch” dog, c’est-à-dire la sentinelle des collectivités locales au niveau du Sénat, mais en plus, le Sénat de par deux caractéristiques essentielles à savoir l’âge des sénateurs et le mode d’élection, confèrent au Sénat la faculté de décision pondérée. Ici, on suppose qu’à partir de 40 ans, on agit avec sagesse et pondération. Vous le savez aussi que pour être député il faut avoir 23 ans. Pour se présenter comme président de la République, il faut avoir 35 ans. Vous voyez la différence. Ca veut dire que lorsqu’on est en face d’un projet de loi, on peut prendre du recul, laisser de côté les intérêts partisans pour privilégier les intérêts de la République. Donc, les amendements que le Sénat fait, c’est un peu les conseils de sage qu’il envoie à l’Assemblée nationale qui est le lieu qu’on estime de passion et de bouillonnement. Compte tenu de tout ce que vous dites, il serait hasardeux de confier cette institution qu’est le Sénat à de mains inexpertes. C’est exactement pour cela que cette fois notre parti, le Rdpc, n’a pas voulu passer par la phase des primaires. Parce que nous avons constaté qu’au niveau du Secrétariat général du Comité central, que les primaires, il est vrai c’est un exercice démocratique, mais les primaires peuvent aussi laisser passer certaines personnalités qui ont gagné, mais qui n’ont pas nécessairement le profil souhaité pour le Sénat. Le Sénat est un lieu où il faut des gens pondérés, pétris d’expérience. Et les critères d’investiture étaient le militantisme, la compétence, l’expérience, le savoir-faire, de manière à ce que nous ayons des candidats qui demain, s’ils ont la confiance des électeurs, seraient très utiles à la nation. C’est pour cela que nous invitons les conseillers municipaux, toutes tendances confondues, à faire confiance aux listes du Rdpc qui ont été préparées de façon très rigoureuse. Nous sommes convaincus que nos candidats aideront le Cameroun à marquer un nouveau pas dans la voie de la consolidation de notre démocratie, cela pour le grand bien du peuple camerounais.Surtout que c’est le Rdpc qui a accompagné le chef de l’Etat dans la mise en place de la décentralisation. Je crois, même s’il ne faut jamais préjuger du vote. Mais, nous pensons que vu le profil de nos candidats, nous allons en toute confiance et en toute humilité devant ces grands électeurs, leur demander de faire confiance aux nôtres en leur accordant leur suffrage.
Interview : William Monayong