Toute goutte de sang humain versé est une goutte de trop. Au nom de ce sacro-saint principe humaniste et du respect de la vie humaine, « les crimes rituels » qui défraient la chronique dans certains quartiers de la capitale méritent toute notre attention.
L’émotion et la psychose provoquées par ces faits divers sont amplement justifiées. Car si les morts provoquées par les accidents de la circulation, les meurtres et assassinats, les multiples maladies ne se comptent plus et n’émeuvent plus personne, les crimes rituels de Mimboman relèvent d’une autre catégorie. Ils prennent une ampleur d’autant plus grande que le Cameroun et la communauté internationale célèbrent ce 6 février la journée contre les mutilations génitales. Alors que l’excision tend à disparaître, voilà qu’apparaît une autre forme de mutilation beaucoup plus grave car radicale et fatale. Non seulement les principales victimes sont des jeunes filles pleines de vie mais qui plus est, de nombreux indices semblent indiquer que le mode opératoire de leur assassinat obéit à un rituel : organes génitaux mutilés ou amputés, yeux crevés, membres repliés… Ces victimes, choisies pour leur sexe et leur âge, seraient donc sacrifiées sur l’autel de sombres, obscures et macabres pratiques ! Au-dela des jolis seins d’innocentes jeunes filles violées, mutilées et torturées, se cacheraient donc des desseins horribles et inavouables ! Ces crimes sont loin d’être virtuels.
Que l’on ne nous dise surtout pas que les rites auxquels on fait allusion constituent un tremplin pour quelque ascension sociopolitique ou économico-financière ! Non ! Que l’on ne tente surtout pas de nous faire croire que les commanditaires de ces crimes seraient en quête de pouvoir et de positionnement politico-administratifs ! Ce serait une honte, une insulte, un…crime contre les nobles valeurs de la politique, la vraie. Et si jamais cela était le cas, rappelons à ceux qui l’auraient oublié que la vie est « antérieure et supérieure à la politique ». Autrement dit, avant la politique, il y avait la vie et elle reste intouchable, au-dessus de la politique. La nécro-politique, ou la politique qui sème la mort et la désolation sur son passage, est la négation même de la politique.Voilà pourquoi ce qui se passe dans certains quartiers de la capitale a une résonance nationale. Au moment où le Cameroun s’apprête à célébrer la fête nationale de la jeunesse, ces crimes rituels dont les principales victimes sont des jeunes interpellent toute la société.
Après les condamnations énergiques et l’expression justifiée de l’indignation générale, les pouvoirs publics ont intérêt à mettre rapidement un terme à ce mauvais feuilleton. Les premiers résultats des enquêtes semblent aller dans le bon sens. Ces apprentis-sorciers d’un autre genre commencent à tomber dans les filets de la police. Après les lampistes et les exécutants de ces basses besognes, restera le tour des commanditaires, véritables donneurs d’ordres dont les mobiles doivent être découverts. Quoiqu’il en soit, le tribunal de l’histoire ne les acquittera pas : quelles que soient leurs motivations, on ne leur pardonnera jamais d’avoir ôté brutalement et sauvagement la vie à d’innocentes jeunes filles qui ne demandaient qu’à vivre. Toute la société camerounaise elle-même devra se regarder dans le miroir et se poser la question : avons-nous toujours su protéger nos enfants, nos jeunes contre tous les dangers et les risques qui les guettent ? Car au Cameroun d’aujourd’hui, il n’y a pas que les meurtres ou les crimes rituels qui créent l’effroi. Tous ces jeunes et enfants abandonnés à eux-mêmes dans les rues de nos villes sont eux aussi à la merci des prédateurs du sexe et des adeptes des pratiques occultes. Il revient à l’Etat, au gouvernement, à la société toute entière de les protéger contre tous ces ennemis sans visage, sans foi ni loi et qui viennent allonger une liste déjà longue : drogue chômage, précarité, délinquance… Si la jeunesse est le fer de lance de la nation, alors il faut battre le fer tant qu’il est chaud pour éradiquer tous les maux qui menacent la jeunesse camerounaise. A l’insécurité socioprofessionnelle des jeunes que combattent sans relâche les pouvoirs publics, nous n’avons pas le droit d’ajouter l’insécurité physique des jeunes, filles ou garçons.En tout état de cause, à quelque chose malheur est bon : les crimes rituels qui secouent la capitale doivent permettre à la société camerounaise de poursuivre un combat qui est loin d’être virtuel : la protection de la jeunesse et la quête de son bien-être.
CMZ
Christophe MIEN ZOK