A la charge de ceux qui estiment que la justice camerounaise est inféodée à l’exécutif, l’éventail des procédures judiciaires dans le cadre de l’opération épervier traduit plutôt l’expression achevée de l’Etat de droit.
A la question de savoir si l’opération d’assainissement de la moralité publique en cours au Cameroun, marquée par les condamnations judiciaires des prévaricateurs de deniers publics se conjugue avec le respect de l’état de droit, la réalité incline à l’affirmative. Et pour cause, le Cameroun est un Etat de droit. C’est-à-dire, un Etat dans lequel tous les citoyens, sans exclusive, sont autant que l’Etat lui-même susceptibles de répondre de leurs actes devant la justice, un Etat où les droits de l’homme et les libertés publiques sont respectés et où les valeurs démocratiques et de bonne gouvernance font bon ménage avec une justice indépendante. Théoriquement, le corpus juridique et institutionnel du Cameroun est bel et bien adapté aux exigences d’un Etat de droit. Au plan pratique, sous l’égide du président Paul Biya, le pays a réalisé au cours des dernières décennies d’incontestables avancées dans la matérialisation de l’Etat de droit, avec entre autres l’adoption du nouveau code de procédure pénale qui fait une part belle aux droits de l’homme, la création de nouvelles institutions judiciaires spécialisées pour renforcer la célérité des procédures et l’efficacité de la justice. D’ailleurs, l’expérience que le pays accumule au fil des ans en matière de lutte contre la corruption doublée à son dispositif institutionnel qui encadre la croisade contre ce mal, sont plutôt source d’inspiration pour plusieurs pays. Vu sous cet angle, l’on comprend bien que sur ce terrain, le Cameroun n’a pas de leçons à recevoir des observateurs, encore moins de certains diplomates accrédités sur son territoire. Comment appréhender le coup de gueule de l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun et ses acolytes qui se plaignent d’une justice inféodée à l’exécutif ? A vrai dire, le plénipotentiaire américain dont on admire les qualités et la pro-activité s’est, une fois de plus, perdu en conjecture. Ceci pour deux raisons. D’abord parce que la convention de Vienne sur les relations diplomatiques confine l’ambassadeur dans son pays d’accueil à la fonction de représentation, de négociation et de défense des intérêts de son pays d’origine. En proscrivant, du même coup, toute ingérence dans les affaires internes de l’Etat. Ensuite, en sa qualité de représentant d’un pays ami du Cameroun, les positions du diplomate devraient épouser la logique de la consolidation non seulement des relations bilatérales entre les deux pays, mais aussi de la paix, de la moralité publique et du respect des institutions camerounaises. Que non ! Le plénipotentiaire des Etats-Unis qui décide de sortir du giron juridique international, n’a d’autre objectif que de provoquer la polémique à travers une lecture erronée des procès de corruption. Indépendance de la justiceEn scrutant aux premiers abords la vague des procès de corruption bouclés ou en cours au Cameroun, l’on se rend à l’évidence que la justice camerounaise reste et demeure indépendante. A côté des condamnations enregistrées çà et là dont la certitude des faits n’a pas occulté les débats hautement contradictoires au fond, l’on note des acquittements. Le plus récent en date est perceptible dans l’affaire ministère des Finances et communauté urbaine de Douala contre Edouard Etondè Ekoto et compagnie dont la décision d’acquittement a été rendue le 12 octobre 2012 par le tribunal de grande instance du Wouri siégeant en matière criminelle. Une décision d’acquittement qui intervient à la suite de celle libérant Otélé Essomba dans l’affaire Etat du Cameroun contre Atangana Mebara.Malheureusement, seules les décisions de condamnation ont jusqu’ici défrayé la chronique, alors que les actes d’acquittement sont très vite oubliés. Or, dans un cas comme dans l’autre, c’est le résultat d’une justice impartiale rendue dans le respect des droits de la défense, notamment le principe du contradictoire et celui du double degré de juridiction. Loin des procès d’intention qui fusent de part et d’autre, l’on découvre une justice camerounaise indépendante et forte, qui ne saurait fléchir ni face à la prétendue pression du pouvoir exécutif ni à celle du législatif, encore moins de la charge diplomatique. La raison la plus probable est à n’en point douter que la justice ne fait que son travail, celui de dire le droit.
Joseph Wylphrid Mikoas