La scène politique est loin d’être une cour de récréation où les enfants se livrent à des jeux innocents. Et encore, même dans les cours de récréation des établissements les plus huppés, les jeux de mains virent très souvent aux jeux de vilains dominés par les coups bas et les crocs-en-jambe.
Le Vatican et le Saint Siège n’échappent pas, eux aussi, à ces turpitudes humaines. Il faut par conséquent être naïf pour s’étonner des derniers rebondissements, sous forme de dérives ou de dérapages médiatiques, enregistrés depuis quelques semaines au Cameroun au travers d’un feuilleton médiatico-politico-judiciaire.Sous prétexte de défendre et de soutenir l’Etat, la République, le Rdpc et le Président de la République, des organes de presse se livrent depuis quelque temps à un lynchage médiatique systématique de personnalités soupçonnées, à tort ou à raison, d’accointances politico-sexuelles avec d’anciens hauts responsables de la République aujourd’hui en délicatesse avec la justice camerounaise. Au nom de la liberté de la presse, par lâcheté, par peur des représailles ou tout simplement par complicité, l’establishment se tait et se terre. C’est de bonne guerre : la solidarité n’est pas la chose la mieux partagée dans le monde politique. Tant que les tuiles tombent sur la tête de quelques-uns, victimes expiatoires ou collatérales d’on ne sait quelle bataille, les autres ne se sentent pas concernés. Cette attitude n’est pas nouvelle. En 2006, au plus fort de la publication des listes des présumés homosexuels, les « victimes » ne croulaient pas sous les témoignages de sympathie ou de compassion. Au contraire, on s’en gaussait, on riait d’eux sous cape ou à gorge déployée : ils étaient livrés à la risée du public et à la vindicte populaire. Seuls contre tous. Au congrès extraordinaire du Rdpc en juillet 2006, le président de la République avait sifflé la fin de la récréation en déclarant : « Je suis pleinement conscient de l’importance du rôle des médias en démocratie. La presse jouit au Cameroun d’un environnement, notamment législatif, plutôt favorable. Elle bénéficie d’une aide de l’Etat. Le prix de cette liberté, c’est la responsabilité, c’est le professionnalisme. Il s’agit là, non seulement de morale publique, mais aussi de respect de la vie privée, laquelle est protégée par la loi. Certains organes de presse paraissent l’avoir oublié. Il est temps qu’ils se ressaisissent afin que la profession dans son ensemble puisse jouer le rôle qui lui revient dans la formation d’une conscience politique nationale, indispensable à l’acquisition d’une véritable culture démocratique ».Après cette sortie présidentielle sous forme de rappel à l’ordre, ce fut l’accalmie. Elle vient d’être rompue par quelques thuriféraires en mal de reconnaissance et de positionnement qui ne supportent aucune contradiction ni concurrence dans l’exercice de leurs « missions ». Ils se déclarent les supporters les plus fervents de Paul Biya, les défenseurs les plus intrépides et les plus irréductibles de la République, les militants les plus convaincus du Rdpc. Gare à celui qui osera les contredire et s’interroger sur le sens de toute cette agitation et les conséquences de cet activisme. Gare à celui qui osera les critiquer. En guise de réponse, le malheureux aura droit à des représailles médiatiques foudroyantes sous forme d’attaques personnelles, y compris les plus grossières et les plus abjectes. Voilà comment s’est ouverte sur fond de tribalisme et de règlement de comptes, la nouvelle saison des « petits meurtres entre camarades ». Voilà comment le plaidoyer prodomo d’un justiciable en difficulté a dégénéré en attaques ad-hominem dans la presse, ajoutant de la turpitude à la turpitude au risque de fragiliser la cohésion du Parti en ces moments difficiles. La dignité d’une cause ne saurait justifier l’indignité des arguments et la bassesse des moyens utilisés pour servir ladite cause. On ne peut pas prétendre servir et soutenir le Président de la République, l’homme qui privilégie le débat d’idées par rapport au combat dans la rue et dans la boue, avec des arguments indignes et orduriers. On ne peut pas prétendre être militant du Rdpc, le parti du dialogue, de la discussion et du débat, Parti reconnu pour son autocritique et dont le Président national, Paul Biya, proclame et professe que « la tolérance est l’arme des forts », et manquer à ce point de tolérance, en versant dans la stigmatisation, la dénonciation sans preuve et l’accusation facile. On ne peut pas prétendre défendre la République en violant les règles élémentaires de la bienséance républicaine : respect de soi-même, respect des autres, sens des responsabilités. Le débat citoyen et républicain se déroule sur les hauteurs de la pensée et les cimes des arguments et non dans la boue des vilenies et les caniveaux des ragots. Reptile ou volatile, il faut choisir. Depuis deux décennies, sous l’impulsion de la hiérarchie du parti, l’Action a choisi de se mettre au dessus de la mêlée et de prendre de la hauteur. C’est valable pour les adversaires et les contempteurs du parti, à fortiori pour les camarades. Aussi, le torrent de boue et de salissures récemment déversées dans la presse sur certaines personnalités n’honore-t-il ni leurs auteurs, ni leurs manipulateurs, encore moins la profession de journaliste. Si elles ont été commises au nom du soutien au Président de la République et au Parti, ces pratiques ne sont pas dignes du Rdpc, ni de la République, ni du chef de l’Etat dont certains se réclament parfois un peu trop bruyamment. Même si certains de ses militants bien connus se livrent à ce petit jeu du massacre politique par médias interposés, le Rdpc ne saurait les tolérer, encore moins les cautionner. Il doit les condamner aux noms de la morale politique, de l’éthique républicaine et citoyenne et de ses propres valeurs, notamment le respect des libertés et des droits de la personne humaine. En guise d’épilogue, laissons, à nouveau la parole à Paul Biya, l’inspirateur, l’artisan et le bâtisseur de la République exemplaire : « la République exemplaire que nous bâtissons est une République ouverte aux critiques constructives, sans revendication du monopole de la vérité. La République exemplaire est une République de liberté, de tolérance et de civisme ». Qui dit mieux ? Paul Biya saura reconnaître, parmi ses partisans, ceux qui font preuve d’exemplarité.
Christophe MIEN ZOK