Le chairman du SDF excelle dans l’art du contre-pied et du zigzag. Les Camerounais ne parviennent plus à suivre ses dribbles déroutants.n a beau vouloir se retenir, se contenir et même s’abstenir de tout commentaire ou réaction à chaque sortie politique ou déclaration médiatique de Ni John Fru Ndi, on n’y parvient pas.
On a beau se faire violence pour garder le silence sur ses louvoiements, ses zigzags et ses positions aussi ambigües que contradictoires. On aurait pu, en cette période d’apaisement post-électoral, rester indifférent à la suite de ses dernières déclarations. On aurait même voulu faire le strict minimum en lisant ces déclarations avec des œillères pour n’en retenir que les aspects positifs. Exercice risqué et compliqué sur le plan intellectuel. Que les exégètes de la pensée profonde de Fru Ndi lèvent le doigt. Que ceux qui sont capables de suivre et de nous expliquer clairement le raisonnement du chairman du SDF se manifestent rapidement. Car au rythme où s’accumulent les malentendus et les incompréhensions et avec son art consommé du contrepied, les Camerounais peuvent se perdre en voulant le suivre. Revue non exhaustive de quelques épisodes précédents.Dans une énième déclaration publiée le 25 octobre, le SDF rappelle : « nous avions durant des mois, averti tout le monde qu’il ne pouvait pas avoir d’élections libres et transparentes avec Elecam dans sa configuration actuelle ». Tout le monde sait maintenant ce qu’il est advenu de cette position. Le SDF, qui a longtemps demandé aux Camerounais de ne pas s’inscrire tout en les renvoyant à leur propre conscience, a fait volte-face deux semaines avant la clôture des inscriptions sur les listes électorales et est allé aux élections avec… Elecam. Le parti de Bamenda a oublié au passage ses revendications sur les fameux onze points non-négociables. Les Camerounais et les observateurs ont eu du mal à suivre cette démarche tortueuse, sinueuse et filandreuse. Flou non artistique garanti ! On ne reviendra pas sur l’autre déclaration de Yaoundé publiée le 17 octobre par le Groupe des « sept mousquetaires » qui intimait l’ordre à la Cour suprême d’annuler le scrutin du 9 octobre 2011, faute de quoi les populations étaient appelées à défendre leurs droits à travers des manifestations publiques. Tollé général. Condamnation tous azimuts. Nouvelle incompréhension : les Camerounais n’ont retenu de cette prise de position que les risques de désordre, de violence, de trouble et de chaos. Fru Ndi et ses petits copains ont dû alors batailler ferme pour clarifier leur pensée. Trop tard, le mal était fait. L’initiative a fait pschitt ! Or ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément… As de l’ambiguïté, expert du contrepied, spécialiste du « double je », Fru Ndi vient de remettre ça. Un grand moment de casuistique digne de figurer dans une anthologie. Première étape : le 25 octobre, le SDF publie la déclaration ci-dessus mentionnée. On peut y lire : « le SDF prend acte de la proclamation par la Cour constitutionnelle (sic) des résultats des élections du 9 octobre 2011 en faveur de M. Biya ». Même si le document parle plus loin de mascarade, les observateurs remarquent le revirement et le virage à 180 degrés par rapport aux positions précédentes. Mais ils saluent néanmoins « l’avancée » ainsi enregistrée et qui va dans le sens de l’apaisement. L’euphorie est de courte durée. « L’avancée » cache un recul et une reculade. Dans une interview (en langue anglaise) parue dans Cameroon Tribune deux jours plus tard, John Fru Ndi fait marche arrière : « j’ai pris acte des résultats et de la manière dont la Cour suprême a jugé le contentieux et proclamé Paul Biya vainqueur. Je n’ai pas pris acte de la victoire de Paul Biya ». Wandaful ! Comprenne qui pourra ! Comment peut-on prendre acte des résultats d’une élection sans tenir compte des effets produits par ces mêmes résultats c’est-à-dire la victoire de Paul Biya ? Un tel niveau de sophisme nous dépasse. Sur ce terrain, Fru Ndi, le filandreux, le funambule n’a pas de concurrent. Mais à force de pratiquer la danse Bafia sur une corde raide ou élastique, on finit par tomber. Tous les acrobates vous le diront.
Christophe MIEN ZOK