Le projet de loi portant code électoral a été adopté le week-end dernier
à une très large majorité par les députés de l’Assemblée nationale
camerounaise.
Mais sous nos tropiques, il ne suffit pas que les députés du groupe majoritaire votent une loi pour mettre un terme au débat et à la polémique. Au Cameroun où, plus qu’ailleurs, la polémique est un sport favori, elle enfle, enfle, enfle. Avant même la promulgation de la loi, et peu après son adoption, les avis sont toujours aussi tranchés, les positions aussi radicales. Et pourtant le travail parlementaire s’est déroulé selon les procédures réglementaires en vigueur à l’hémicycle. La plupart des exigences formulées par les représentants du peuple ont été examinées et prises en compte. L’opposition avait demandé un code électoral unique. Nous y sommes ! Elle avait exigé la refonte des listes électorales. Nous y sommes ! Elle avait revendiqué la biométrie. Nous y sommes ! Sur tous ces points, l’opposition camerounaise a obtenu gain de cause. Elle a crié victoire au rythme de « On a gagné ; le pouvoir a capitulé » !Lorsque le même pouvoir, non pour des raisons spécieuses, mais avec force arguments de droit, refuse de céder sur l’élection présidentielle à deux tours ou le bulletin unique, l’opposition, la mauvaise foi chevillée au corps, et voulant gagner à tous les coups, pousse des cris d’orfraie. C’est la loi du tout ou rien : tout ce qu’elle propose est bon, rien de ce que le pouvoir entreprend ou initie n’est digne d’intérêt. Ce manichéisme est de mauvais aloi. Certes, on aurait pu faire mieux pour le projet de loi portant code électoral. Mais la perfection n’était pas de ce monde, on n’a pas fait pire. Autrement dit, le texte adopté comporte des avancées incontestables et significatives dans le processus d’amélioration et de transparence des élections dans notre pays et, plus généralement, dans le processus de modernisation de la démocratie camerounaise. Ce qui importe, en effet, c’est non pas le juridisme auquel se livrent certains mais la portée politique et l’impact de la loi sur l’organisation des élections au Cameroun. A cet égard, les pouvoirs publics n’ont pas eu d’états d’âme : entre le souhaitable et le possible, ils ont fait leur choix. Ce choix se situe entre le réalisme et le pragmatisme. Tant pis pour ceux qui continuent à poursuivre de vieilles lunes voire des lubies et à caresser des chimères.Post scriptum :Stupeur, stupéfaction et tremblements. Emoi, consternation pour les uns ; jubilation pour les autres. Deux grands dignitaires du régime, militants du Rdpc, séjournent depuis lundi à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Lorsqu’un ancien Premier ministre et un ministre d’Etat sont incarcérés, l’information est loin d’être banale. Elle fait l’effet d’une bombe. Et réveille dans les esprits et les mémoires cet avertissement de Paul Biya du haut de la tribune du 3ème Congrès ordinaire du Rdpc, le 15 septembre 2011 : « Sachez que ma détermination à combattre ce fléau [corruption et détournement des deniers publics] est totale et que la lutte contre la corruption va se poursuivre en s’intensifiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois ». Nous y sommes. Un membre du Bureau Politique et un autre du comité central du Rdpc viennent d’être emportés sous les serres acérées de «l’Epervier ».Au-delà des considérations humaines et des sentiments individuels que l’on peut éprouver en pareille circonstance, quelques principes demeurent constants :le respect de la présomption d’innocence et des règles de l’Etat de droit ;le refus de condamner toute personne avant tout jugementla nécessité du bon fonctionnement de toutes les institutions de la République, en particulier la Justice. La tenue ce jour des travaux du conseil supérieur de la Magistrature constituera à cet égard un important indicateur, notamment en ce qui concerne la mise en place du Tribunal criminel spécial et de nouvelles juridictions. Ces nouveaux « équipements et instruments » judiciaires permettront-ils de lutter plus efficacement contre la corruption et les détournements des deniers publics ? A la justice de trancher la question en évitant, autant que faire se peut, la loi du Talion.
Christophe MIEN ZOK