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La Politique

Code électoral unique : Marathon d’un accouchement difficile

 D’abord une session ordinaire, puis, une session extraordinaire de
l’Assemblée nationale ; des débats houleux et une séance plénière non
stop de près de 11 heures pour que les députés adoptent ce projet de
loi.

Rien, absolument rien n’aura été ordinaire dans le processus de l’examen et de l’adoption du projet de loi portant code électoral déposé par le gouvernement sur la table des députés. Initialement prévu pour être examiné en session ordinaire, le projet de texte sera finalement retiré et réintroduit aux fins d’un examen en session extraordinaire. Les députés, comme un seul homme, ayant réservé comme une fin de non recevoir à ce projet de loi qu’ils recevaient le lundi 2 avril 2012, deux jours seulement avant la clôture de la session ordinaire. « Il nous faut du temps », ont-ils clamé en chœur. Une exigence qui sera entendue.Une session extraordinaire est convoquée pour le jeudi 5 avril, avec un seul point à l’ordre du jour : l’examen en vue de l’adoption éventuelle, du projet de loi portant code électoral. Et c’est précisément le lundi 9 avril que les députés ont entamé l’examen au fond du texte, beaucoup d’élus ayant mis à profit le week-end pascal pour éplucher dans tous leurs détails, les contours d’un texte élaboré pour révolutionner et moderniser le système électoral camerounais.La réunion du groupe parlementaire Rdpc tenue ce 9 avril au palais des Congrès est à la fois passionnée et houleuse. Les députés, membres du groupe RDPC font des critiques. Ils ont de sérieuses  récriminations sur le projet de texte. En particulier sur les dispositions de l’article 161 alinéa 4, du projet de loi qui prévoit la déchéance du député exclu ou démissionnaire de son parti. Les parlementaires crient haro et soulignent à grands traits l’inconstitutionnalité de la disposition, de même que celle de l’article 178 alinéa 2 sur la déchéance des conseillers municipaux. Ils sont aussi préoccupés par le montant des cautionnements revus à la hausse, notamment pour les candidats aux législatives et municipales qui, ainsi que le prévoyait le texte initial, devraient débourser 5 millions de francs pour les candidats aux législatives et 100 mille francs pour les conseillers municipaux. « Trop élevé », soutiennent les députés qui n’acceptent pas non plus les dispositions de l’article 160 (2) relatives au salarié du secteur privé, élu député et dont le contrat de travail était menacé de suspension pendant la durée du mandat. Côté opposition parlementaire, les récriminations portent sur des points connus : limitation des mandats présidentiels, bulletin de vote unique, deuxième tour à l’élection présidentielle, majorité électorale à 18 ans etc. ConcessionsC’est sous cette ambiance que s’ouvrent les travaux en commission. Les débats sont passionnés, les députés affirment que leur demande de retrait des dispositions sur le mandat impératif est « non négociable ». Le gouvernement doit faire quelque chose. « Le gouvernement prend acte de la pertinence des observations des députés » et, affirme le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, « est prêt à faire des concessions ». Le mardi, 10 avril, plus de 500 amendements au projet de loi sont introduits par les députés. Les concessions du gouvernement se confirment. L’article 161 (4) est retiré, de même le 178 (2). Le problème du salarié du privé élu député est évacué, puisque réglé par le code du travail, le cautionnement des conseillers municipaux est revu à la baisse et ramené à 50. 000 francs, celui des députés à 3. 000. 000 de francs, de quoi satisfaire les députés du Rdpc. D’autant que les amendements proposés par l’opposition relatives à l’augmentation du nombre de députés, la majorité électorale, la durée du mandat du président ou le nombre de tours de la présidentielle ont été purement et simplement rejetés, au motif qu’ils étaient anticonstitutionnels. « Ce sont des considérations d’ordre constitutionnel qui ne peuvent être examinées dans le cadre du code électoral », a répondu le président de la commission des lois constitutionnelles à l’Assemblée nationale. Il fallait attendre la séance plénière d’adoption pour avoir l’avis de la chambre entière. Politique spectaclePrès de 11 heures d’horloge non stop. Une séance plénière marathon et pour le moins mouvementée. L’honorable Benadzem du Sdf est le premier à demander la parole pour poser la question préalable du retrait du projet de loi portant code électoral. Le député rappel que « toutes les demandes et autres amendements introduits par le Sdf ont été rejetés au motif qu’ils sont anticonstitutionnels ».  « Qui sont ceux qui sont pour le retrait du code électoral ? », interroge le président de l’Assemblée nationale. La question préalable posée, il faut passer au vote. Le résultat est sans appel : 21 députés sont pour le retrait du code électoral, 120 sont pour son maintien et son examen. Après le vote, Patricia Tomaïno Ndam Njoya est la première à sortir de l’hémicycle non sans avoir balancé par terre le projet de loi, suivie par les autres députés Udc. Les élus Sdf se lèvent, entonnent l’hymne national sous le vacarme des députés Rdpc avant de sortir eux aussi, de l’hémicycle. « C’est de la politique spectacle », crie un député du Rdpc qui soutient qu’ « ils ont examiné tout le texte avec nous en commission, ils ont proposé des amendements, ils ne sont jamais sortis de la salle, certainement parce que là-bas, il n’y a ni caméra, ni observateurs. Ils veulent se faire voir par on ne sait qui ».N’empêche, le texte continuera d’être examiné en présence des élus Rdpc et de ceux de l’Undp et de Jean Jacques Ekindi du Mp, ces derniers qui, pourtant, ont demandé le retrait du texte, ne quitteront l’hémicycle qu’au moment de l’adoption. « N’en déplaise à certains et en attendant la promulgation par le président de la République, le Cameroun a désormais son code électoral unique !», dira le président de l’Assemblée nationale dans son discours de clôture. Pour Cavaye Yéguié Djibril qui a appelé les Camerounais à la vigilance, le code électoral adopté est « un texte novateur qui consacre l’unité institutionnelle d’Elecam, le retrait de l’administration de l’organisation et de la gestion des élections ; il confirme la volonté des pouvoirs publics de vouloir garantir la transparence et de mettre en place, par le biais de la biométrie, un fichier électoral fiable », conclut Cavaye Yeguié Djibril.
 
Simon Meyanga

Simon Meyanga

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