La différence entre les deux chambres du parlement camerounais, l’Assemblée nationale et le Sénat ne se situe pas au niveau des personnes représentées, mais seulement au niveau des modalités de la représentation.
Le Cameroun aura bientôt ses tout premiers sénateurs. Deux décrets fixant les modalités et la date de l’élection de ces élus ont été rendus publics mercredi 27 février 2013, par le président de la République, Paul Biya. En clair, à partir du 14 avril prochain, les sénateurs seront élus au suffrage universel indirect pour une période de cinq ans. Du coup, le citoyen lambda en est à s’interroger sur l’opportunité de cette deuxième chambre au parlement camerounais. Autrement dit, quand on évoque le sénat : il se demande Qu’est ce que c’est ? En quoi il se distingue de l’Assemblée nationale ? Qu’est ce qu’il lui ajoute en quantité et en qualité ?Une « deuxième chambre » est une assemblée qui participe aux fonctions que la Constitution attribue au Parlement, notamment quant à l’exercice d’une compétence législative générale.On recense à travers le monde, pas moins de quatre vingt constitutions qui prévoient une deuxième chambre. Ce chiffre démontre l’importance que prend aujourd’hui cette institution qui se trouve à la fois dans les pays peuplés de la planète (Fédération de Russie, Argentine, Etats unis, Egypte…) comme dans certains petits Etats (Bahamas, Bahreïn, Antigua, Barbade, Belize, îles Fidji, Grenade, Jamaïque, Lesotho, Sainte-Lucie, Trinité et Tobago, Oman). Les deuxièmes chambres ne se présentent pas selon un modèle uniforme et homogène. Chaque chambre exprime, en ce qui la concerne, la réalité nationale de son pays, la diversité des sociétés qu’elle représente. D’ailleurs, les deuxièmes chambres ont des dénominations très variées : Chambre des Lords (Royaume uni), Sénat (Etats unis), Bundesrat (Allemagne), Conseil des Etats (Soudan), Chambre des conseillers (Japon), etc.Contrairement aux premières chambres, qui ont une même source de désignation, une plénitude de compétences, des pouvoirs et des statuts comparables, les secondes chambres n’ont pas un mode de recrutement uniforme, ni des compétences similaires, ni un statut spécifique avec des traits suffisamment communs pouvant les rapporter à un modèle.Le sénat ne peut être dissoutL’Etat décentralisé ne peut s’accommoder d’un parlement monocaméral. Le Sénat contribue à améliorer la technique législative. L’existence de deux chambres au parlement permet la division du travail parlementaire. Elle garantit le double examen, ce que les juristes appellent la navette législative. Elle est le gage d’une confrontation d’idées et sert une meilleure qualité de la législation. Le Sénat garantit le droit d’amendement des projets et propositions de loi de l’Assemblée nationaleLa constitution affirme le caractère unitaire et décentralisé de l’Etat camerounais (article 2 alinéa 2). L’article 20 crée le Sénat qui représente les collectivités territoriales décentralisées. Cela signifie que le sénat a une vocation spécifique à représenter les populations en tant qu’elles s’insèrent dans des collectivités locales qui sont des communautés administratives constituées à la fois d’un territoire et d’une population et qui sont gérées par des élus locaux. Mais la deuxième phrase de cet article, « sept sénateurs sur 10 par région sont élus au suffrage universel indirect » permet de comprendre que le sénat émane indirectement du suffrage universel par l’intermédiaire des collectivités territoriales décentralisées. Si on articule cette disposition avec celle de l’article 2 qui stipule que « la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du président de la République et des membres du parlement, soit par voie de référendum », le suffrage peut être direct ou indirect, il est toujours universel, égal et secret, l’on comprend que la représentation des collectivités territoriales décentralisées n’est qu’une forme particulière de la représentation de la nation. Ceci parce que la collectivité territoriale décentralisée est une collectivité de citoyens, qui est une composante de la communauté nationale dans l’Etat unitaire. D’où il suit que le principe de la représentation des collectivités territoriales est à l’origine de la composition spécifique du Sénat, qui lui permet de représenter la nation d’une manière différente. La différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat ne se situe donc pas au niveau de la ou des personnes représentées, mais seulement au niveau des modalités de la représentation. La représentation des collectivités territoriales n’étant qu’une modalité de la représentation du peuple. Une représentation indirecte qui emprunte une voie bien précise : le peuple désigne des sénateurs par l’intermédiaire d’un collège électoral composé majoritairement d’élus locaux (les délégués des départements et les représentants du commandement traditionnel).Plus important encore, selon Jean-Claude Eko’o Akouafane in « Le sénat au Cameroun et en Afrique : Vade-Mecum », en page 148, A la différence de l’Assemblée nationale, le Sénat est une assemblée permanente, car il ne peut être dissout. Tout comme le président du sénat assure l’intérim du président de la République en cas de vacance du pouvoir. Le Sénat camerounais adopte les lois à la majorité simple des sénateurs. Il peut apporter des amendements ou rejeter tout ou partie des textes soumis à son examen. Avant leur promulgation, les lois peuvent faire l’objet d’une demande de seconde lecture par le président de la République. Dans ce cas, les lois sont adoptées, à la majorité absolue des sénateurs. Au Cameroun, du moins en l’état actuel du droit, le sénat ne vote pas la loi des finances de la même manière qu’il ne signe pas la motion de censure, toutes ces prérogatives restant, l’apanage de l’Assemblée nationale.
Serge Williams Fotso