Le Cameroun était à l’honneur les 3 et 4 octobre 2013 au cours d’un forum dont l’objectif affiché est d’aider les économies en quête d’émergence à trouver des partenaires crédibles pour financer les infrastructures et améliorer les conditions de vie des populations.
Tout a commencé jeudi dernier dans une alléchante mise en scène.La salle de conférence d’un grand hôtel de la ville est déjà bien occupée par les investisseurs, industriels, nombreux invités et les modérateurs, au premier rang desquels Ulysse Gosset, celui-là même qui avait interviewé le Président Paul Biya en octobre 2010 sur France 24.
La délégation ministérielle camerounaise fait son entrée, à la queue-leu-leu, conduite par le ministre Emmanuel Nganou Djoumessi de l’Economie, la Planification et l’Aménagement du Territoire, marqué de très près par ses collègues de l’Agriculture, de l’Energie, des Mines, des Petites et Moyennes Entreprises et celui délégué au Budget. Yasmine Bahri Domon, la présidente de la fondation Ema Invest, va chaleureusement remercier le président de la République du Cameroun pour avoir dépêché une si forte délégation à Genève. Les ministres sont souriants. Les Suisses aussi, qui sont surtout impatients de découvrir ce que le Cameroun veut mettre en valeur pour les courtiser, attirer leurs capitaux afin de soutenir le programme des grandes réalisations du Président Paul Biya, qui guide la politique de développement économique actuelle du Cameroun.Comme pour donner un avant-goût des échanges qui vont suivre, Nicolas Imboden, le président de la Chambre de commerce Suisse-Afrique, fait apprécier son humour : « Les Suisses se lèvent tôt et se réveillent tard. Aujourd’hui l’Afrique, le continent du désespoir est devenu le continent de l’espoir. Et il faut savoir qu’une fois que nous y serons, nous ferons tout pour y rester, pour réussir. Nous faisons notre boulot sans fanfare comme certains à côté.
Nous voulons avoir des clients à long terme, car les bons comptes font de bons amis. Et pour vous marquer notre intérêt, j’annonce solennellement que la Suisse sera au salon Promote 2014 au Cameroun ».Le chef de la délégation camerounaise particulièrement à l’aise lorsqu’il se lance. Emmanuel Nganou Djoumessi va dérouler les différentes incitations mises en place par le gouvernement pour faciliter l’installation des investisseurs. Il va parler du potentiel du Cameroun : ressources naturelles à profusion, ressources humaines de qualité, développement infrastructurel avec les barrages, les ports et routes en construction. Il se vantera même un peu en parlant de la maîtrise de l’inflation, du secteur bancaire sain, des 150 millions de consommateurs de l’Afrique centrale, extensible à 300 millions, si on y intègre les consommateurs nigérians. Il ne s’arrête pas : « Le Cameroun est l’Afrique en un pays. Notre économie est diversifiée. Le potentiel agricole est important. L’agriculture contribue déjà pour 27% du produit intérieur brut. Les minerais sont variés mais restent sous exploités. Les réserves naturelles sont abondantes. Le Cameroun a le 2ème potentiel hydroélectrique et de fer du continent ».Préjugés Mais les Suisses décident malgré tout de cuisiner la délégation camerounaise. « Est-ce que le Cameroun peut être le nouveau visage d’une Afrique qui traîne tant de préjugés… L’Afrique inspire beaucoup de questions sans réponses… Quels sont les risques des investissements… pourquoi, malgré les structures mises en place pour lutter contre la corruption et faciliter les investissements étrangers le Cameroun figure-t-il toujours en mauvaise position dans les boussoles que sont Doing Business et le rapport de Transparency International…» entend-t-on çà et là. Les ministres camerounais ne sont pas désarçonnés.
Pierre Titi avoue que les « Problèmes soulevés sont réels. Et l’avantage du Cameroun est d’avoir pris conscience de ces éléments et mis en place des mécanismes pour mieux les cerner. Le résultat est là : chaque année, nous progressons aussi bien dans l’indice Doing Business que dans le classement de Transparency. » André Fotso, le président du Groupement interpatronal du Cameroun, est sur la même longueur d’ondes et dit comment cette organisation travaille en synergie avec le gouvernement pour améliorer de façon significative la situation. La locomotive de la sous-région Afrique centrale est en mode turbo.Roger Gaillard, un retraité de la Banque africaine de développement soutient cette position. Il va même plus loin. « Le secteur privé camerounais est très dynamique. Les indicateurs évoluent bien sur la gouvernance ».La suite ce n’est que valorisation du potentiel du Cameroun qui doit se transformer en opportunités pour les investisseurs de la place de Genève, cette plaque-tournante de la finance et de l’arbitrage à l’international. Et les représentants des sociétés de gestion des capitaux disent sentir l’engouement des fonds d’investissement à investir en Afrique et au Cameroun. Simplement parce que la consommation mondiale bascule progressivement de la Chine vers l’Afrique. D’ici 2050 en effet, la classe moyenne africaine, forte de 300 millions d’individus, va tirer la croissance mondiale.
Avant la fin du forum, quelques bonnes nouvelles circulaient déjà. Comme la décision de Jean Claude Gandur, le président de Addx et Oryx Group, qui avait quitté le Cameroun en 1997, de revenir s’implanter pour mettre en valeur les opportunités camerounaises, comme il le fait déjà en Sierra Leone dans la production du bioéthanol. Cette expérience de production de 100 000 tonnes par an pour 267 millions d’euros d’investissement (plus de 175 milliards Fcfa), a reçu le certificat d’investissement socialement responsable de l’Onu. Arborescence Capital a aussi annoncé sa décision de venir au Cameroun pour y développer un projet de 50 MW de production de l’énergie solaire et 50 MW de l’énergie éolienne.
D’autres contacts ont été pris pour connecter le secteur camerounais de la microfinance aux fonds d’investissement suisses spécialisés tels que Symbiotics ou Blue Orchard. Les Suisses de Swiss Mining Resources sont particulièrement intéressés par le secteur éponyme. Deux autres projets de haute technologie seront bientôt implantés au Cameroun. Un projet de l’université de Californie, qui prévoit de bâtir un campus et un centre de recherche du nom de « Centrer for Integrative Development » sur les nouvelles technologies de développement durable et un projet de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Epfl), déjà en action en partenariat avec l’Ecole polytechnique de Yaoundé, vise à créer à Yaoundé un incubateur de start-ups spécialisées dans les énergies, appliquées au secteur de la santé. Dès ce mois d’octobre certains de ces investisseurs seront au Cameroun. Genève n’était pas un show pour rien.
William Pascal Balla, envoyé spécial à Genève