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L'Editorial

De l’alchimie à la chimie :

Commençons par les faits de l’actualité qui ne doit rien au hasard. Après un court séjour privé en Europe, Paul Biya est rentré lundi dernier à Yaoundé où il doit accueillir dans les prochaines heures, le président de la République italienne.

Hier l’Assemblée et le Sénat ont renouvelé leurs bureaux conformément à leurs règlements intérieurs respectifs. Un renouvellement sans bouleversement majeur.
Le chef de l’Etat est donc rentré au bercail quelques jours seulement après la rentrée des deux Chambres du Parlement. La session du mois de mars, la première de l’année législative, est généralement consacrée au renouvellement des mandats des membres des bureaux et des commissions spécialisées du Sénat et de l’Assemblée nationale. Si cette échéance a toujours alimenté les supputations et les pronostics, cette fois-ci elle ne semble pas avoir focalisé toute l’attention des observateurs. En effet, tous les regards sont plutôt tournés vers l’agenda législatif des députés et des sénateurs. A cet égard, une seule question taraude les esprits : quels sont les textes importants qui seront soumis à l’examen des Parlementaires ? La question se justifie par le contexte dominé et agité depuis le début de l’année par des appels et des contre-appels à la candidature de Paul Biya. Question subsidiaire à ce débat : faut-il anticiper l’élection présidentielle initialement prévue en 2018 ? Et par conséquent modifier la Constitution qui ne prévoit pas une telle éventualité. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour créer un débat, voire une polémique dont raffolent les Camerounais. Et s’il a semblé baisser en intensité ces derniers jours c’est parce que tous les regards scrutent l’agenda présidentiel et parlementaire. 
Le Chef de l’Etat revenu, la rentrée parlementaire ayant eu lieu et les bureaux désormais en place, la « conjonction astrale » est favorable aux supputations et aux conjectures en tout genre. Principale interrogation : la Constitution sera-t-elle à l’ordre du jour de la session parlementaire ouverte jeudi dernier ? 
Après le choc des arguments des uns et des arguties des autres, force est de constater que vingt ans après la promulgation de la Constitution du 18 janvier 1996, le Cameroun est à nouveau à un carrefour… constitutionnel. Au-delà des arguments de politique politicienne, beaucoup de Camerounais se prennent à rêver et à espérer. Et si c’était l’occasion ou jamais de réconcilier les Camerounais avec leur Constitution en allant plus loin que les dispositions relatives à l’élection du président de la République ?
 L’heure n’est-elle pas venue de faire la synthèse, l’amalgame entre les humeurs, les états d’âme, les intentions hypocrites ou inavouées des auteurs des appels et contre-appels ? Est-il possible de trouver la bonne formule entre l’alchimie qui bouillonne des profondeurs des partis politiques, des militants, du peuple et la chimie plus rationnelle, plus objective, plus scientifique du Législatif et de l’Exécutif ? Si l’on admet que 2018 sera une année surchargée sur le plan électoral ; les municipales, les législatives, les sénatoriales et la présidentielle doivent se tenir cette année ; si l’on admet que l’organisation de la CAN 2019 requiert plus de sérénité ; alors il faut bien admettre qu’il existe une fenêtre d’opportunité pour une révision de la Constitution. A condition de ne pas se contenter d’une opération cosmétique ou d’un ravalement de façade. Plus qu’une mutation, l’heure de la transmutation a peut-être sonné si l’on veut espérer la transformation du plomb de nos hésitations et de nos tergiversations en or massif. 
Le peuple s’est déjà exprimé de manière à la fois claire et diffuse, parfois confuse et contradictoire. Il appartient maintenant au Président de la République et aux parlementaires de mettre tous ces éléments dans une éprouvette, de la secouer, d’en filtrer le contenu pour le purifier, afin de trouver la bonne dose, le précipité idéal dont le Cameroun a besoin pour continuer sa marche en avant. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », disait Lavoisier. Voici venu le temps de la transformation. En ce mois de mars où bourgeonnent et éclosent de jeunes pousses dans la nature à la faveur du retour des pluies, la République s’enrichit et se nourrit de ce foisonnement politique  et de cette germination intellectuelle afin de continuer à être le berceau de nos aïeux et le jardin des prochaines générations. Non, la République n’est pas un désert. Elle est une jachère encore fertile qui ne demande qu’à être labourée, ensemencée et porteuse de beaux et juteux fruits. L’alchimie du pouvoir et la chimie de la politique, la vraie, la seule qui est au service de l’Homme, peut transformer le plomb de nos égoïsmes, de certains archaïsmes et de nos antagonismes en or massif dans l’intérêt de la Nation. Les alchimistes du Parlement et les chimistes de l’Exécutif ont de la matière dans leurs alambics.
PS : Avertissement à l’attention du lecteur : malgré l’usage d’un certain vocabulaire qui pourrait à première vue paraître hermétique et prêter à équivoque, ce texte n’a rien d’ésotérique. L’auteur a choisi ce champ lexical car il traduit mieux sa pensée.

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