Emmanuel Macron est donc venu au Cameroun; il a vu et il a…vécu en direct les réalités locales et les réparties célèbres du Président Paul Biya. Le Président de la République française a quitté le sol camerounais hier tard dans la nuit après un séjour de 24 heures à peine. La durée importe peu finalement, au regard de la densité du programme, de l’intensité des échanges et de l’importance tant des résolutions que des engagements pris de part et d’autre. Après un premier mandat de cinq ans caractérisé par une volonté disruptive dans sa vision des relations franco-africaines, Emmanuel Macron semble être rattrapé par le réalisme et la réalité. Trois mois après sa réélection, il choisit le Cameroun, objet dans un passé récent de toutes sortes de railleries, de chicaneries et de provocations, pour entamer la première visite africaine de son deuxième et dernier mandat. Le ton est moins condescendant et arrogant, fidèle en cela aux engagements pris devant le peuple français pendant et après la campagne électorale.
Dans le fond, l’on retiendra donc les engagements du Président de la République française en faveur du renforcement du partenariat économique avec le Cameroun, de la sécurité autour du Bassin du Lac Tchad ou de la lutte contre le terrorisme. Avec une certaine lucidité -d’aucuns parleront d’humilité- il a admis que ce n’est pas un hasard si le Cameroun constitue la première étape de cette tournée africaine. Motif: « la profondeur de la relation exceptionnelle » franco-camerounaise à laquelle il compte consacrer plus de temps et d’intérêt au cours des cinq prochaines années. Il a également relevé son admiration pour la vitalité et le génie de la jeunesse camerounaise. Poursuivant son exercice d’introspection, Emmanuel Macron a reconnu que la France a des ambitions économiques légitimes au Cameroun et qu’elle est obligée de faire plus d’efforts afin de conserver ses parts de marché « dans la transparence »: « nous avons été moins bons que les autres; il n’y a pas de chasse gardée »; une expression utilisée par le Président Paul Biya il y a quelques années et qui lui avait valu l’ire de certains néocolonialistes. Décidément, les temps changent!
Le passage obligé de la conférence de presse a permis au Président français de réitérer sa détermination par rapport à la question mémorielle. Il a ainsi proposé la mise en place d’une commission conjointe d’historiens à laquelle pourraient se joindre des artistes pour examiner les dossiers noirs de la guerre d’indépendance du Cameroun ainsi que les exactions commises par l’armée française. Mais Macron a prévenu: la responsabilité des acteurs camerounais de l’époque ne devrait pas être occultée dans cet exercice de vérité. Pour sa part, Paul Biya a saisi cette occasion pour apporter de plus amples précisions sur l’accord de coopération militaire signé récemment entre le Cameroun et la Russie. De « la routine » diplomatique qui participe de la nécessité de diversifier les partenariats, y compris sur le plan militaire; a-t-il affirmé.
Au total, la visite d’Emmanuel Macron au Cameroun a permis aux deux dirigeants français et camerounais de tourner la page des malentendus, des piques, des chamailleries et des provocations aussi vaines que stériles, puériles et inutiles. Elle a surtout permis de réaffirmer et de souligner avec emphase le partenariat gagnant-gagnant que les deux pays entretiennent depuis plusieurs décennies, malgré les hauts et les bas. S’il avait pu aller jusqu’au bout de son nouveau crédo basé sur le pragmatisme, Emmanuel Macron aurait pu dire, comme Francois Mitterrand s’adressant à Paul Biya en 1983: « Monsieur le Président, nous sommes à l’aise avec vous ». Peu importe; les temps et les contextes ont changé. Pourvu que ces clarifications et ces explications résistent toutefois au double langage, aux non-dits et aux allusions perfides de certains médias et dirigeants français.
Dans la forme, on ne manquera pas de souligner le petit jeu du chat et de la souris auquel se livrent les médias français avec le Président Paul Biya. Heureusement ou malheureusement pour eux, le locataire d’Etoudi a plusieurs tours dans sa besace et garde par conséquent une longueur d’avance. Répondant à la sempiternelle question d’un journaliste français sur sa longévité au pouvoir et sa succession, il a encore pris l’auditoire à contrepied grâce à son sens consommé de l’humour et de la formule assassine: « quand ce mandat arrivera à expiration, vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Vous serez informé à la fin du mandat sur le point de savoir si je reste ou si je m’en vais au village ». Les présidents français défilent au Palais de l’Unité et Paul Biya reste égal à lui-même tout en gardant ses pieds sur terre.