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La Politique

Manœuvres : Voici ce qui fait courir Kamto

Accusé de plagiat par le professeur Mouangue Kobila de l’université de Douala, menacé de déchéance,

Maurice Kamto veut maladroitement politiser son procès en escroquerie, abus de confiance et plagiat, qui s’est ouvert le 28 août 2012.Il est des coïncidences qui n’en sont pas. C’est encore plus vrai en politique où l’on sait qu’il n’y a pas de hasard. Point n’est besoin de lire dans une boule de cristal pour comprendre que la machine de communication de Maurice Kamto s’est mise en branle depuis le début du mois d’août 2012 dans l’unique but de politiser son procès pour escroquerie, abus de confiance et plagiat qui s’est ouvert à Yaoundé, le 28 août à 7h30, après plusieurs renvois inutiles.L’on peut légitimement penser que, probablement en panne de créativité, Maurice Kamto essaie de reproduire la tactique de l’ex-ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya qui a vainement essayé de politiser le procès dans lequel il est poursuivi pour complicité de détournement de deniers publics. La manœuvre ayant lamentablement tourné court, le procès se déroule normalement sous les yeux et dans les oreilles des Camerounais qui reçoivent quotidiennement le compte-rendu et les verbatims qui leur sont servis par la presse nationale.Maurice Kamto a encore moins de chances d’atteindre son objectif de politisation du procès pour escroquerie, abus de confiance et plagiat dont les débats se sont ouverts, car ce n’est pas l’Etat du Cameroun qui le poursuit. Ce n’est pas non plus le RDPC qui le poursuit. Mais un collège universitaire, le professeur James Mouangue Kobila, comme lui, agrégé de droit public. Celui-ci l’accuse d’avoir usé de manœuvres pour s’approprier frauduleusement ses travaux.L’ancien doyen de Soa ne saurait davantage évoquer quelque persécution politique, l’affaire ayant ébruité dans les médias nationaux (voir notamment le journal Les Nouvelles du pays du 18 novembre 2011 et le trihebdomadaire Dikalo du 25 novembre 2011 et le site 237online.com) et internationaux (voir Le Lettre du Continent du 17 novembre 2011 et le site Njanguipress.com) plusieurs semaines avant sa démission du gouvernement, ce qui avait du reste valu au plaignant d’essuyer le courroux de l’ancien recteur de l’université de Douala.Les faits, tels que présentés par le plaignant, sont accablants pour celui qui veut apparaître comme paré de toutes les vertus et comme l’un des représentants les plus éminents de la fine fleur de l’intelligentsia camerounaise. Après une décennie d’enseignements en travaux dirigés de droit public à l’université de Douala, le professeur Mouangue Kobila, qui n’était alors qu’assistant sans thèse de doctorat, a proposé à Maurice kamto, dont il avait besoin de la caution scientifique, de publier collectivement une série d’ouvrages d’exercices corrigés en droit public. Afin de procéder par étapes, l’idée de commencer par un Manuel de méthodologie et d’exercices corrigés en droit international public fut retenue par les deux universitaires. Une fois le manuscrit de 90 pages dactylographiées remis au professeur Kamto afin qu’il y ajoute du sien, ce dernier a imposé à Mouague Kobila un troisième contributeur, en la personne de Jean-Claude Tcheuwa, alors docteur en droit public et aujourd’hui agrégé dans cette spécialité.LarcinUne fois le projet finalisé avec les contributions des trois auteurs, celle du professeur Mouangu Kobila étant de loin la plus importante, Maurice kamto a finalement décidé de publier l’ouvrage qui en a résulté en 2010. Mais sous deux signatures : la sienne et celle de Jean-Claude Tcheuwa. Du même coup, il commettait un larcin contre le professeur James Mouangue Kobila, dont le nom a été purement et simplement rayé, alors que sa contribution était intégralement conservée dans l’ouvrage.Comme par hasard, celui qui apparaît comme complice est de la même région que lui. Il est encore plus parlant de constater que la couverture de cet ouvrage est ornée de peintures traditionnelles de sa région d’origine. Comprenne qui pourra.Mais comme dans certains jeux de téléréalité, les indices ne manquent pas. Il suffit de jeter un regard sur la région d’origine de l’émissaire qui a distribué la lettre de démission de celui qui se posait comme l’adversaire de toute « Démocratie tribale ou ethnique » Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, p. 237), à la presse ; la région d’origine du propriétaire du journal qui a publié sa critique du Code électoral ; la région d’origine du président du parti qui entend porter son projet politique et la région choisie par celui qui envisage la nation comme un cadre d’homogénéité culturelle exalté par l’Etat-nation, dans lequel les individus « Perdent leurs identités locales ou paroissiales et notamment ethniques pour s’identifier à la nation » (Luc Sindjoun) pour tenir la convention de son parti politique pour se faire une idée précise de l’homme et de la portée de son message. Peut-on se risquer à conjecturer qu’en s’inspirant d’un libraire bien connu au Cameroun, le secrétaire général de son parti sera issu de la même région ? L’on ne perd rien à attendre.Mais d’ores et déjà, l’on peut se demander pourquoi ne pas par exemple organiser la convention de ce parti dans la partie septentrionale du pays, si le port de la gandoura arborée le 13 août 2012 à l’hôtel Hilton par cet universaliste libéral abstrait n’est pas purement mystificateur. L’on pourrait lui suggérer de s’inspirer de Paul Biya, le Grand Maître de la politique au Cameroun, qui a organisé le congrès inaugural de son parti à Bamenda, loin de sa région d’origine. Revenant à son procès pour escroquerie, abus de confiance et plagiat, celui qui a décidé de se lancer à la conquête du pouvoir suprême sept ans avant l’échéance de 2018 pourra d’autant moins crier à la persécution politique que, contrairement à tel ou tel autre justiciable, il ne saurait remettre en cause l’indépendance de la justice camerounaise qu’il a dirigée en tant que ministre délégué auprès du vice-Premier ministre, ministre chargé de la Justice pendant un septennat complet. Une justice qu’il a du reste lui-même saisie le 9 décembre 2011 pour faire condamner son adversaire pour diffamation et devant laquelle il a, par le passé, remporté d’importants procès contre l’Etat du Cameroun aussi bien en tant que plaignant qu’en tant que conseil de tierces parties.Déchéance Dans cette affaire, Maurice Kamto risque, en vertu du droit pénal camerounais et pour plusieurs chefs d’accusation pris séparément, « un emprisonnement de 5 à 10 ans et […] une amende de 100 000 à 1 000 000 de francs » ainsi que les déchéances de l’article 30 du code pénal, à savoir : « La dégradation physique : la destitution et l’exclusion de toutes les fonctions, emplois ou offices publics ; l’incapacité d’être juré, accesseur, expert, juré-expert ; interdiction d’être […] conseil judiciaire […] ou membre d’un conseil de famille ; l’interdiction de porter toute décoration ; l’interdiction de tenir une école ou même d’enseigner dans un établissement d’instruction et, d’une façon générale, d’occuper des fonctions se rapportant à l’éducation ou à la garde des enfants ». L’opinion retient son souffle, se demande si celui qui a été incapable d’improviser quelques mots à l’adresse des médias qui le pressaient de questions après sa déconvenue de l’hôtel Hilton de Yaoundé sera plus à l’aise pour se défendre des graves accusations portées contre lui. L’on se demande également quel masque il choisira pour l’occasion, entre celui de l’adorateur de l’outrance verbale qui fait encore tressaillir tous ceux qui se sont rapprochés de lui en position d’infériorité et celui du « modéré » aux allures inoffensives, mais incapable de se départir de sa légendaire arrogance, aui emporte apparemment ses préférences depuis qu’il assume au grand jour son ambition politique.Quoiqu’il en soit, il est difficile de perdre de vue l’appréciation portée sur sa thèse de doctorat consacrée aux rapports entre Pouvoir et droit en Afrique par Etienne Le Roy, un éminent politologue français, dans la revue Politique africaine : « L’exercice intellectuel laisse perplexe et suscite le malaise […] Cette thèse n’est ni totalement originale (puisque déjà abordée lors du colloque “Sacralité, Pouvoir et Droit en Afrique”[…]) ni vraiment justifiée. […] On a l’impression que l’auteur n’a pas perçu la part de sacralité dans le pouvoir d’Etat, en France par exemple, et qu’il particularise un phénomène sans doute universel. » Ce commentateur fustige son « Art d’user des textes (et donc des yeux et des expériences des autres) sans y avoir été voir et au risque de sacrifier à la théorie pour la théorie. » Constatant que Maurice Kamto « Plaide pour la généralisation d’un Etat républicain [de type français] avec les accent d’un Michel Debré », Etienne Le Roy se demande avec à-propos s’il faut « Toujours reproduire le paradigme développementaliste de l’adaptation du sujet de droit au modèle exogène alors que les problématiques changent profondément et qu’on assiste actuellement à la domestication du Léviathan par les population ».Etienne Le Roy n’a pas hésité à pourfendre la « Relative cécité » de celui que certains essaient de présenter comme l’intellectuel par excellence, ne voyant finalement dans sa thèse de doctorat – en droit constitutionnel – qu’un « Mélange de provocationet d’argumentation savante ». Une critique encore plus radicale de l’importation abrupte du modèle républicain français au Cameroun se trouve dans le livre de son adversaire James Mouangue Kobila ayant pour titre La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, entre renaissance interne contrastée et consécration universelle, paru en 2009 et dans plusieurs travaux et publications du chef de département de droit public de l’université de Douala.Assurément, la bataille judiciaire entre les deux hommes se déroulera sur fond d’un antagonisme doctrinal profondément enraciné.

William Pascal Balla

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