Paul Biya, le vainqueur proclamé de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, prêtera serment le 6 novembre prochain devant les institutions prévues à cet effet par la Loi et la Nation toute entière.
L’histoire ne passe jamais les plats deux fois mais mardi prochain, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale à Ngoa Ekelle, tout le monde se souviendra sans doute du 6 novembre 1982, le jour où, pour Paul BIYA, le Cameroun et les Camerounais, tout avait si bien commencé trente-six ans plus tôt.
Les contingences, la providence et « l’alignement des planètes » réservent souvent aux peuples des coïncidences inédites susceptibles de raviver l’espoir et la foi des uns, la nostalgie et la mélancolie des autres, la détermination et l’abnégation chez certains. Mardi prochain, le Président élu, revêtu de la légitimité populaire acquise dans les urnes et couvert par la légalité républicaine que confèrent les lois et les institutions, entrera en fonction pour un nouveau mandat de sept ans, le huitième de son magistère.
À partir de cet instant, les polémiques, les querelles et les batailles sur les chiffres et les péripéties du processus électoral n’auront plus aucun intérêt. Seule comptera l’action que l’élu de tous les Camerounais entend mettre en œuvre pour honorer ses engagements et satisfaire les attentes des populations. En attendant ce jour solennel de consécration, on n’a pas fini de tirer les leçons d’un scrutin pas comme les autres, avec ses confirmations, ses révélations et ses déceptions. * Au rang des confirmations, figure naturellement et incontestablement la victoire de Paul Biya que de nombreux observateurs avaient d’ores et déjà annoncée comme étant inéluctable et sans surprise. Le candidat du Rdpc et des partis alliés a obtenu 71,2%des suffrages, soit sept points de moins que son score en 2011 mais le deuxième ne récolte que 14% des voix. La victoire n’en est pas moins belle et méritée même si une analyse des résultats, Région par Région, département par département, commune par commune, ne devra pas être occultée. * Cabral Libii incarne la grande révélation du scrutin avec ses 6% de suffrages et sa 3ème place devant le candidat du Sdf. Dommage qu’il soit en train de vouloir dilapider cet immense capital de sympathie en s’alignant sur les positions maximalistes et radicales de Maurice Kamto.
Autre surprise de cette élection: le Conseil constitutionnel qui aura fait d’un coup d’essai un coup de maître.* Parmi les déceptions, on ne peut que ranger Joshua Osih, le candidat du Sdf. Son mauvais résultat-3%- est-il une sanction individuelle ou celle de tout le Parti? Les évaluations internes le diront. On mettra néanmoins à son actif son attitude républicaine après la proclamation des résultats; attitude qui a contribué à isoler davantage le MRC sur l’échiquier politique national.* Quoi qu’on dise, la plus grande déception vient de ce parti et de son candidat, Maurice Kamto, celui-là même qui écrivait en 2004 après l’élection présidentielle de cette année: « la campagne électorale est généralement le temps des passions. Le lendemain de l’élection est le temps des désillusions pour ceux à qui la victoire a donné un faux rendez-vous. Mais au-delà de ces temps de turbulences, il y’a le Cameroun éternel. Revenons donc à l’urbanité d’un peuple civilisé, connu pour le raffinement de son esprit et de ses mœurs.
Retrouvons le fil d’une histoire qui nous précède et nous dépasse. » Que ces choses sont joliment dites! Pourquoi leur auteur ne met-il pas en pratique ce qu’il avait alors si bien théorisé et qu’il bafoue allègrement aujourd’hui? Comme disait un contemporain: « le politique a déshabillé l’agrégé ». Le 7 octobre, l’autoproclamé tireur de penalty a raté son tir et son rendez-vous. Qu’il accepte de digérer ses désillusions En tout état de cause, le scrutin du 7 octobre a montré et démontré que les partis politiques camerounais qui, selon la Constitution, « concourent à l’expression du suffrage », vivent dans l’illusion. Ils ont délaissé leur mission constitutionnelle pour exceller dans la contestation. Au lieu de s’inspirer de l’exemple du judoka qui se sert de la force de l’adversaire pour le vaincre, ils passent leur temps à pointer les lacunes, carences et autres insuffisances du code électoral. Au lieu de se concentrer sur les grandes œuvres et le travail politique sur le terrain, l’opposition préfère les basses manœuvres en coulisses. Spécialistes maladroits en…droit électoral et experts en juridisme tordu, ils ont fini par perdre de vue que la victoire à une élection au Cameroun se joue sur le terrain à quatre niveaux: l’inscription sur les listes électorales, la distribution des cartes d’électeurs, la présence au sein des commissions locales de vote(bureaux de vote) et des commissions départementales de supervision.
Le législateur camerounais a défini dans le code électoral le rôle et la prééminence de ces commissions mixtes dont les partis politiques sont membres à part entière. Le vrai travail politique commence donc sur le terrain par la sensibilisation et la mobilisation des électeurs et s’y poursuit par les actions pour les convaincre de s’inscrire. Hélas, pour toutes sortes des raisons, les partis de l’opposition rechignent à s’acquitter de ce devoir. Et ça dure depuis 1992! Même le MRC qui prétend faire la politique autrement a commis la même erreur monumentale. D’où son incapacité à produire les fameux procès-verbaux des 25000 bureaux de vote qu’il n’a pas pu couvrir en totalité. Et c’est sans surprise et sans suspense que le Rdpc récolte, lui, d’un scrutin à l’autre, ce qu’il a semé.Il n’y aura ni troisième mi-temps ni prolongations. L’élection est maintenant terminée.
Christophe MIEN ZOK