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L'Editorial

“Miroir, mon beau miroir…”

Alors que les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) célébraient dimanche dernier le 39ème anniversaire de leur parti politique dans l’euphorie et l’insouciance habituelles, tout en gardant néanmoins un œil rivé sur les échéances de 2025, les électeurs sénégalais élisaient un nouveau président de la République âgé de 44 ans et sorti de prison une dizaine de jours avant le scrutin. Quelques jours plus tard, le Togo actait son passage à la Vème République en adoptant une nouvelle constitution dont la principale innovation est le changement de l’actuel régime présidentiel en un régime parlementaire. Conformément aux dispositions de ce nouveau texte constitutionnel, le chef de l’Etat sera désormais choisi « sans débat » par le Parlement réuni en congrès « pour un mandat unique de six ans ». L’essentiel du pouvoir sera toutefois entre les mains du « Président du Conseil des ministres » qui « représente la République togolaise à l’extérieur et dirige effectivement le pays dans la gestion quotidienne ».
Comme il fallait s’y attendre, les médias africains, internationaux et camerounais ont accordé davantage d’attention et d’importance à l’actualité sénégalaise qu’à celle du Togo. Au Cameroun en particulier, la presse a ressorti son refrain préféré sur un ton jubilatoire: « le Sénégal parle au Cameroun ». Autrement dit, le Cameroun devrait aller se contempler dans le miroir démocratique de ce pays de l’Afrique occidentale et juger par lui-même le reflet qui lui est renvoyé. Bien entendu, pour tous ces observateurs, la comparaison ne peut en aucun cas être à l’avantage du Cameroun. Faut-il engager ce débat ici et maintenant ? Pas nécessaire tellement les avis sont tranchés et les passions exacerbées. Tout au plus, convient-il de rappeler que chaque pays a le droit de se regarder dans le miroir de ses propres réalités. Les uns versent dans le narcissisme, l’autisme et l’autoritarisme ; d’autres préfèrent les vertus de la démocratie alors que certains n’hésitent pas à recourir aux coups d’Etats pour rétablir l’ordre constitutionnel.
Le Cameroun a choisi sa voie même si des voix se font de plus en plus entendre, urbi et orbi, pour soutenir que la solution du statu quo ante envisagée pour les prochaines échéances électorales semble ne pas être la plus glamour. Le Rdpc a le droit d’écouter tous ces sons de cloche avant de faire son choix qui dépendra de son intérêt d’une part et défendra le mieux ceux du Cameroun d’autre part. Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain pour faire plaisir aux directeurs de conscience auto-proclamés ? Il n’y a pas de mimétisme lorsque les enjeux atteignent un tel niveau.
Le moment venu, les militants, les sympathisants et les responsables devront se rappeler qu’en politique, le seul véritable ciment reste la dynamique électorale. Les épreuves traversées, les acquis du passé, les convictions idéologiques ou les états d’âme des uns et des autres ne suffisent plus et ne pèsent pas plus lourd dans la balance. Quelle sera la dynamique électorale de 2025 ? Entre la dynamique qui se met en place depuis quelques mois en faveur d’une nouvelle candidature de Paul Biya et la dynamite de l’implosion que beaucoup lui promettent, le Rdpc n’a aucun droit à l’erreur.
« Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus beau des candidats pour 2025 » ? En attendant les prédictions des futurologues, les militants et les responsables du Rdpc devraient éviter de succomber à la tentation du reflet qui vient de loin et se faire leurs propres convictions fondées sur le réalisme et le pragmatisme afin d’échapper aux pièges du mimétisme moutonnier.

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