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L'Editorial

Au nom du peuple :

Les appels à candidature adressés au Président Paul Biya par les militants et sympathisants du Rdpc ont remis au goût du jour un débat vieux comme la démocratie : qui doit parler au nom du peuple ?

Depuis l’antiquité, cette question devise les théoriciens et les praticiens de la politique. D’un côté les partisans de la démocratie directe dans laquelle le peuple participe activement et directement, et non par le biais de représentants, à la gestion du pouvoir. De l’autre les tenants de la démocratie représentative dans laquelle les citoyens élisent des représentants qui ont mandat d’exercer le pouvoir en leurs nom et place pour une durée limitée. Ces élus représentent la volonté générale.
En fonction des avantages et inconvénients de l’un et l’autre système, la plupart des Etats, depuis des siècles, ont opté pour la démocratie représentative à travers laquelle le peuple souverain délègue le pouvoir à des représentants qui l’exercent par « procuration ».
Depuis l’éclosion et la floraison sur la place publique des appels à candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle, des voix s’élèvent pour contester aux représentants du Rdpc, initiateurs de ces appels, le droit de parler au nom d’une partie du peuple composée de militants.
Les contestataires reprochent aux représentants du Rdpc non pas le principe des appels, mais le fait de parler au nom d’un département, d’une région ou du peuple tout entier sans être mandatés. Toutefois, ces contradicteurs eux mêmes ne se privent pas d’utiliser des méthodes identiques. Ici, un seul jeune se lève dans un département et lance, de manière isolée et solitaire, au nom de la jeunesse du coin, un contre-appel largement relayé par les médias, trop heureux de brandir enfin un contrepoids au Rdpc. Là, le responsable d’un parti de l’opposition en fonction dans le Centre, drapé dans sa propre légitimité autoproclamée, croit pouvoir et devoir dénoncer « l’imposture » du Rdpc au nom de la jeunesse de sa région d’origine où il n’a aucun mandat. Plus loin, des représentants d’un parti de l’opposition distribuent des tracts contre la candidature de Paul Biya, au nom de ce même peuple dont ils interdisent le Rdpc de se réclamer.Alors question : les responsables et les militants du Rdpc ne font-ils pas partie du peuple camerounais ? Ou alors ne sont-ils pas assez légitimes et représentatifs pour parler ne serait-ce qu’au nom du peuple des militants de leur parti ? Plus grave ; les partis de l’opposition sont-ils plus légitimes pour parler au nom du peuple camerounais tout entier alors que sur le terrain ils sont minoritaires et même pas représentés au sein des institutions démocratiques ? D’ailleurs dans quels pays les dirigeants peuvent-ils prétendre agir et parler au nom de tout le peuple ? Or, le grand mérite de la démocratie représentative est de permettre qu’un responsable élu avec 50,1% des voix parle au nom de tous, y compris les 49,9% qui ont voté contre lui.
Un président de Comité de base, de sous section ou de section a le droit de s’exprimer au nom des militants de son unité politique. Ces entités abritent et encadrent des militants et des sympathisants qui constituent une fraction non négligeable de la population camerounaise au regard de l’implantation territoriale du RDPC. Par métonymie, cette partie non négligeable peut constituer un échantillon suffisamment représentatif du peuple tout entier. 
En fin de compte, le peuple n’est la propriété de personne. Il est souverain. Même si selon la formule de John Adams, « il ne peut ni agir, ni juger, ni penser ni vouloir » par lui-même. D’où le rôle des représentants. Et au Cameroun, le Rdpc, qui sort d’une opération électorale où les responsables ont été choisis après un vote populaire et démocratique et  qui compte le plus d’élus au suffrage universel, est plus légitime que beaucoup d’autres à parler au nom du peuple. Sauf si l’on nous démontre que les millions de militants de ce parti ne font pas partie du peuple camerounais. Un peu de métonymie ne ferait pas de mal en politique.

CMZ

Christophe MIEN ZOK

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