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L'Editorial

Dans l’étau…

Au moment où les Camerounais, de bonne ou de mauvaise humeur, bon gré ou mal gré, préparent les fêtes de fin d’année, le Père Noël a fait irruption avec quelques jours d’avance dans les chaumières sous les traits d’un jeune homme d’une quarantaine d’années nommé Samuel ETO’O. Ce dernier a été élu haut la main Président de la FECAFOOT samedi dernier au terme d’une élection qui a tenu en haleine le public pendant des semaines et dont le dénouement continue de susciter des commentaires passionnés et des débats enflammés. Cette apparition brusque et soudaine semble avoir transfiguré le paysage et donné de la bonne humeur à beaucoup de personnes. Jamais élection à la tête de la fédération camerounaise de football n’aura connu un tel engouement populaire et pareille mobilisation au-delà du milieu du football. La personnalité, la trajectoire, la carrière, le palmarès, la renommée et la réputation du nouveau Président y sont pour beaucoup. Voilà donc Samuel ETO’O FILS propulsé à la tête du foot camerounais et investi de la lourde charge de Président de la FECAFOOT, avec dans sa hotte des promesses et des espoirs aussi innombrables que contradictoires. Une victoire aussi fulgurante qu’une contre-attaque à l’issue d’un contrepied déroutant. L’enthousiasme et la vague d’espoir que provoque cette victoire-éclair auprès du public sportif et au-delà font plaisir à voir. Le vainqueur mérite par conséquent les félicitations et les encouragements.
Nul doute que Samuel ETO’O FILS est un atout et une chance pour le football camerounais. Il peut être le messie tant attendu dans une maison hantée depuis plus de dix ans par des querelles byzantines, des procédures judiciaires à n’en plus finir et des pratiques peu orthodoxes qui ont fini par détourner les Camerounais, pourtant si friands de football, de leur sport-roi. Au Cameroun, les matches se jouent davantage dans les tribunaux suisses et lorsque, par extraordinaire, ils viennent à être programmés sur le terrain, personne n’est au courant. Résultat: le championnat et la coupe sont devenues des compétitions confidentielles dont l’audience se limite désormais à quelques initiés ou irréductibles fanatiques. Comble de l’incurie et de l’impéritie, il est arrivé que le champion de première division ou le vainqueur de la coupe du Cameroun soit désigné sur tapis vert! Incroyable et inimaginable il y a quelques années!
Le Père Noël est donc arrivé à la FECAFOOT, avec une hotte pleine de promesses, de cadeaux et de miracles. Et à juste titre, toute la grande famille du football est contente et se met à rêver et à espérer des jours meilleurs. Personne ne leur en voudra. Tout le monde a bien droit au bonheur et on doit souhaiter bonne chance au « Pichichi » du fond du cœur. Toutefois, quitte à doucher l’enthousiasme des uns et à réfréner l’euphorie des autres, il convient de demander à tous de garder raison et de faire preuve de lucidité. D’abord parce que bien que revêtu des atours du Père Noël et malgré ses multiples atouts et son immense talent, ETO’O ne pourra pas faire de miracle tout seul. Malgré ses talents de goléador, il sait mieux que quiconque qu’un exploit individuel peut sauver le résultat d’une rencontre mais le football reste par essence un sport collectif. À cet égard, le nouveau Président devra certes se méfier des tacles de ses adversaires-ils sont nombreux- mais aussi des passes trop appuyées de ses amis et de ses partenaires. Il devra davantage se méfier de lui-même en raison d’une certaine tendance à marquer des buts contre son propre camp liée à ses foucades, à son égotisme, à son narcissisme et à la forte tentation du populisme qui lui tend les bras.
S’il résiste à ces travers et à ces écueils, s’il sort de cet étau personnel, un grand destin l’attend incontestablement à la tête de la FECAFOOT voire au-delà. Où cela le conduira-t-il? Vers quel horizon? Déjà, des diseurs de bonne aventure se pressent à ses côtés pour lui susurrer des mots doux à l’oreille et lui faire miroiter un brillant avenir en dehors du football. Les mêmes salivent déjà en établissant un parallèle entre le bulletin unique, vieille et sempiternelle revendication de l’opposition, utilisé lors de l’élection du président de la fédération et les scrutins nationaux dans le domaine politique. Tout est possible; y compris rien. Les réalités du football sont à mille lieues de celles du monde politique. Avis à certains tireurs et néanmoins « rateurs » de pénalties, désormais émules du « Pichichi ». Même recommandation à tous leurs supporters qui ne tiennent plus en place, trépignent d’impatience et croient que le ballon est déjà dans les filets.
Une fois de plus, bonne chance à Samuel ETO’O FILS dans son ambition légitime de redonner au football camerounais sa grandeur d’antan. S’il y a un conseil gratuit à lui donner: qu’il se rappelle néanmoins que dans un stade de football, les clameurs et les huées des spectateurs se confondent souvent dans un brouhaha indescriptible; que les applaudissements et les sifflets du public sont parfois difficiles à distinguer.

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