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L'Editorial

Miettes de pain

Même l’éditorialiste le plus placide et blasé peut être décontenancé face aux brusques accélérations et aux embardées de l’actualité. Depuis une dizaine de jours, le Cameroun vit une véritable série noire avec la disparition en cascade de nombreuses figures de la scène socio-politique. Un sombre et lugubre linceul recouvre notre pays et le plonge dans la tristesse: Lamido HAYATOU, Fon MUKETE, le Cardinal TUMI, Guillaume OYONO MBIA, Martin Aristide OKOUDA, Princesse Rabiatou NJOYA… La liste résonne comme une litanie funèbre. Les écluses du ciel semblent être ouvertes pour répandre la mort. Dans le contexte maussade, angoissant et crispant du covid-19, cette actualité morbide prend les allures d’un film d’épouvante et d’horreur; un thriller funeste dont on aurait pu se passer.
La loi du mort kilométrique n’épargne pas notre voisin tchadien dont le président, le Maréchal Idriss DEBY ITNO, à peine proclamé réélu lundi soir pour un sixième mandat, a trouvé la mort mardi au front où il allait galvaniser ses troupes en lutte contre des colonnes de rebelles venus de Libye. On imagine d’ici l’émoi et la stupeur du peuple frère tchadien face à un tel événement et aux incertitudes qu’il charrie. Le retentissement de cette disparition tragique devrait d’ailleurs dépasser les frontières de ce pays voisin compte tenu de l’implication du défunt dans la lutte contre le djihadisme en Afrique centrale et de l’Ouest. Le Président Paul BIYA ne s’y est pas trompé, lui qui a promptement réagi pour « saluer la mémoire de cet éminent chef d’Etat et frère » avant d’ajouter: « La disparition du Maréchal du Tchad est une immense perte pour votre pays, l’Afrique centrale et notre continent ». En effet, si on devait proposer une épitaphe sur sa tombe on écrirait: « ci-gît le Chef de guerre devenu Président de la République et Gendarme du Sahel ».
Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, les gesticulations de quelques partis politiques de l’opposition camerounaise regroupés au sein d’une nouvelle coalition destinée à réformer le code électoral apparaissent dérisoires voire risibles. Sur la demi-douzaine de membres de cet énième regroupement, trois à peine comptent des députés à l’Assemblée nationale. Quel pourrait alors être le sort de leur initiative? Poser la question c’est y répondre. Comme ne dirait pas Staline s’adressant au Pape: « plusieurs divisions mais peu d’élus » !!! Bien entendu, à la lecture de ces lignes, ils vont une fois de plus fustiger « l’arrogance, la condescendance et le mépris » du RDPC. Peu importe. Nous leur rétorquerons qu’une fois de plus ils mettent la charrue avant les bœufs. La loi électorale, comme son nom l’indique, est votée par le Parlement. On voit mal comment vous pouvez la modifier en étant en dehors du Parlement. Tout est possible au Cameroun, certes. Mais en attendant de voir comment se terminera cet autre épisode du feuilleton préféré de l’opposition camerounaise réputée pour ses divisions, rappelons-leur quelques évidences de simple bon sens.
La première est que plusieurs maillons faibles ne peuvent pas constituer une chaîne solide. La deuxième est que contrairement à ce que l’on croit « ce n’est pas l’union seule qui fait la force; parfois c’est la force qui fait l’union ». La troisième et dernière évidence est la suivante: « ce ne sont pas les miettes qui font le pain; c’est le pain qui fait les miettes ». À défaut de comprendre et d’intégrer ces évidences, l’opposition camerounaise restera… émiettée. Et récoltera toujours des miettes lors des élections. À bon entendeur…

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