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Lettre de Marafa à Paul Biya : A l’épreuve des faits

Le pamphlet de l’ancien ministre d’Etat ne cache pas les faits qui lui sont reprochés dans l’affaire de l’achat d’un avion présidentiel.

Qui ne se souvient de la formule enjolivée de Gilbert Andze Tsoungui, ancien ministre de l’Administration territoriale qui, réagissant aux jérémiades d’Augustin Frédéric Kodock après une mémorable déculottée de l’UPC aux élections, affirmait : « Ce sont des élucubrations d’un politicien aux abois. » La semaine dernière, du fond de sa cellule de détenu préventif à la prison centrale de Kondengui, Marafa Hamidou Yaya a adressé, via les médias, une « lettre ouverte » au président de la République. Cette initiative, à défaut d’apporter sa vérité à lui sur les faits qui lui sont reprochés, a au moins le mérite de présenter un autre visage d’un homme qui avait, malgré tout, bâti dans l’opinion l’image de quelqu’un à l’épreuve des pressions. Dans sa lucide défiance et les menaces à peine voilées, l’ancien ministre fait le pari de se présenter comme la victime expiatoire de manœuvres politiciennes, qui ont fait de lui, depuis des années, une personne à abattre dans l’entourage du Président Paul Biya. Et pourtant, reconnait-il lui-même, à maintes reprises le Président Biya lui a renouvelé sa confiance et ne l’a laissé partir, toujours selon lui, que parce que lui-même Marafa l’avait décidé. Extrait : « J’ai dit au directeur du cabinet civil de vous dire que j’étais blessé  aussi bien par le contenu du message que par la manière dont il a été délivré. Je lui ai dit par ailleurs (…) qu’après cette élection, (…) je n’entendais plus continuer ma collaboration avec vous au niveau du gouvernement. (…) Ma décision de ne plus faire partie du gouvernement après l’élection présidentielle était non négociable. »La tournure politique que veut donner l’ancien ministre Marafa à son arrestation, qui selon lui trouve sa source dans “la liberté de ton“ qu’il a toujours affichée dans la relation avec le Président Paul Biya et son refus de s’associer « au folklore des Appels du peuple » a été questionnée par le politologue Célestin Kaptchouang. Ce dernier a publié une tribune dans les journaux La Météo et La Nouvelle du lundi 7 mai 2012. Morceaux choisis : « L’opinion publique à qui a été servie l’insipide et incohérente prose “marafaienne”, reste alors suspendue aux interrogations ci-après : sa prétendue “liberté de ton” serait-elle la cause des fantasmagoriques ennuis de monsieur Marafa avec le président de la République ? A cette interrogation l’ancien ministre d’Etat répond lui-même par la négative, lorsque dans sa lettre, il relève qu’il “a eu l’impression que cette position était malgré tout appréciée de vous (le Président), ce qui justifierait l’exceptionnelle durée et je dirais même l’intensité de la collaboration…”, situation en rupture avec “l’environnement et le contexte camerounais”, alors qu’il n’était ni “un proche de longue date”, ni un “originaire de votre aire culturelle” (celle du Président). » Le politologue poursuit : « Pourquoi l’ancien ministre d’Etat, après avoir observé qu’il n’avait plus la confiance du président de la république, n’avait-il pas choisi de démissionner librement, lui qui revendique “la liberté de ton”. Le voulait-il réellement ? Ou avait-il peur de le faire ? Et pourquoi aurait-il eu peur de faire un choix pour lequel monsieur Garga Haman Adji, plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle contre Paul Biya, et d’autres anciens collaborateurs du chef de l’Etat, n’ont rien risqué, ni socialement, ni civilement, ni pénalement, ni politiquement, ni économiquement… ? Au juste, qui a inculpé le justiciable Marafa ? Le président de la République ? Ou bien le juge d’instruction qu’il accuse d’avoir tenté de négocier un allègement de charge avec lui ? »D’autres intelligences ont également passé au crible les déclarations de Marafa. Le journaliste Charles Atangana Manda, dans le décryptage auquel il s’est livré dans La Nouvelle, trouve qu’en « Lisant et en relisant la lettre ouverte de Marafa Hamidou Yaya au Président Paul Biya, il s’est dit sans hésiter que l’ancien ministre vient de prendre un raccourci, pensant par là se tirer d’affaire, s’assurer l’adhésion de l’opinion publique sans frais, alors que justement et malheureusement, au bout du raccourci ainsi emprunté se trouve l’obstacle incontournable qui a pour noms : la conscience collective et l’Histoire. Ici (…) la police se nomme valeurs de la République, filiation et attachement réciproque entre le peuple et le chef qu’il s’est librement choisi. »En réalité, le positionnement de Marafa se brise à la dure réalité des faits : en août 2001 Marafa Hamidou Yaya, ci-devant ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République, ordonne le versement de 31 millions de dollars US à la société GIA International chargée de négocier l’achat d’un aéronef présidentiel aux meilleures conditions. Cette société ne versera que 4 millions de dollars à Boeing et disparaît de la circulation quelques années plus tard. Où sont passées les 27 millions de dollars manquants ? Là est toute la question qui intéresse la justice, qui a désormais entre ses mailles la presque totalité des principaux acteurs de ce feuilleton.Marafa dit lui-même avoir demandé, avec insistance,  au Président Paul Biya de lui permettre de se mettre à la disposition « des instances judiciaires compétentes », pour qu’il dise sa part de vérité, afin de « contribuer à la manifestation de la vérité dans cette scabreuse affaire » qui a failli, faut-il le rappeler, décimer la famille présidentielle camerounaise.Le vœu de Marafa a été exaucé. Il n’a plus à se plaindre de ne pouvoir contribuer à la manifestation de la vérité. Il a été libéré de ses charges ministérielles. La justice camerounaise, qui a estimé bien longtemps avant qu’il ne soit sorti du gouvernement avoir suffisamment d’éléments pour l’inculper, a saisi la balle au bond et lui donne là une occasion en or de se disculper. Voilà le vrai combat marafaien.
William Pascal Balla

William Pascal Balla

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