La fête de la musique a été célébrée dimanche dernier 21 juin 2020 à travers le monde entier. Malgré des notes dissonantes liées aux sempiternelles querelles d’égo-et d’égouts entre artistes en rapport avec la gestion des droits d’auteur et le contexte de crise sanitaire due au covid-19, les musiciens camerounais ont joué leur partition dans cette célébration. Le défi n’était pas facile à relever en cette période où les regroupements sont interdits. Ils y sont parvenus grâce aux réseaux sociaux et les mélomanes ont pu savourer de vrais concerts diffusés sur les chaînes de télévision. Les musiciens camerounais ont néanmoins raté l’occasion de saisir cette édition comme une opportunité pour réfléchir sur l’environnement difficile et sinistré de leur profession.
En effet, chaque secteur d’activité devrait essayer de transformer la menace du covid-19 en une opportunité. L’injonction la plus répandue depuis le début de la pandémie, le fameux « lavez-vous les mains » qui est répété aujourd’hui comme un mantra ou une incantation, ne doit pas seulement être prise au premier degré. Même les mentalités, les cœurs, les méninges, les cerveaux, les habitudes ont besoin d’un petit lavage pour tirer avantage de cette crise multiforme. D’un mal, il faut pouvoir tirer un bien, a-t-on coutume de dire. Voici une excellente occasion de passer de la parole aux actes.
Les parlementaires camerounais l’ont compris qui ont organisé hier à travers le Réseau des Parlementaires « Espérance Jeunesse » une journée du patriotisme économique à l’Assemblée Nationale sous le thème: « consommons camerounais pour promouvoir l’entreprenariat et l’emploi-jeunes ». L’initiative est louable et salutaire, dans la mesure où elle pose la problématique des opportunités économiques à tirer de cette crise sanitaire. De nombreux secteurs pourraient être concernés et impactés par cette mutation; de l’alimentaire au vestimentaire en passant par notre mode de consommation ainsi que notre rapport à la nature. Il n’est un secret pour personne que dans notre pays comme un peu partout en Afrique, nous consommons davantage ce que nous ne produisons pas. Le paradigme peut-il être inversé « à la faveur » du covid-19? Poser la question est déjà un début de réponse.
Pour revenir à la musique, remarquons que les artistes camerounais se sont diversement illustrés depuis l’apparition de la pandémie. Si certains ont reçu la visite des muses et ont composé des chansons pour contribuer à leur manière à la sensibilisation contre le fléau, d’autres ont complètement dégammé en s’aventurant dans les égouts immondes, soit en abordant des sujets…dégoûtants, clivants et polémiques, sans oublier ceux et celles qui se sont livrés à des spectacles dignes de faits divers les plus croustillants. L’inspiration est certes partout et c’est leur droit d’aborder tous les sujets de leur choix, mais même si elle reste un instrument de combat et d’éveil des consciences, la musique a d’abord vocation à créer l’harmonie; à adoucir les mœurs; à créer de la joie; à rassembler.
La journée du 21 juin aurait pourtant pu être l’occasion d’une profonde réflexion sur un secteur en proie aux difficultés de toutes sortes; de la production à la distribution en passant par la promotion. Les technologies de la communication ont bouleversé l’univers musical et l’industrie du disque. La dématérialisation est passée par là: les CD avaient déjà disparu, les vinyles sont au musée. Les consommateurs font leurs emplettes aujourd’hui via les plateformes numériques alors que la plupart de nos musiciens ont encore recours à l’ancienne technologie pour la commercialisation de leurs œuvres. La piraterie sévit toujours, telle une hydre à plusieurs têtes.
Avec l’interdiction des manifestations populaires et la fermeture des salles de spectacles, le covid est en train de porter un coup de massue qui pourrait être fatal aux producteurs et aux artistes en particulier et à la musique en général. Pas de concerts, pas de spectacles, pas de CD vendus, pas de droits d’auteurs. Bonjour la précarité et la clochardisation. N’en jetez plus, le disque est rayé. Une fois de plus, les musiciens camerounais ont raté l’occasion d’accorder leurs violons et de chanter d’une seule voix pour défendre leurs intérêts. Si la musique, la belle, continue d’adoucir les mœurs et d’attendrir les cœurs, certains artistes risquent plutôt de les durcir à cause de leurs comportements. Vivement un concerto en ré majeur pour mettre un terme à ces fausses notes et à cette cacophonie qui heurtent les délicates oreilles des mélomanes.
Article précédent