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L'Editorial

De la propriété électorale

La période légale des inscriptions sur les listes électorales s’est achevée le 31 août dernier pour l’année en cours. Depuis la fin des opérations, certains partis politiques se livrent déjà à des comptes d’apothicaires pour revendiquer le contrôle et la mainmise sur les électeurs inscrits. La revendication est certes légitime puisque chaque suffrage compte dans une élection et on peut perdre un scrutin pour une voix. Vigilance, vigilance ! Les réclamations doublées de récriminations sont d’autant plus fondées et fortes que le nombre d’inscrits a augmenté et chaque parti a tendance à s’approprier ces nouveaux électeurs. La tactique est de bonne guerre, puisque des campagnes de mobilisation tous azimuts et d’appel aux inscriptions massives ont été menées aussi bien par des partis politiques que par des organisations de la société civile. Cependant, à qui appartiennent les électeurs en général et les nouveaux inscrits en particulier ?

La question mérite d’être posée, au regard des déclarations intempestives et des postures de circonstance de certains leaders de partis politiques. Au Cameroun, la contestation électorale commence toujours par des appels divergents concernant les inscriptions sur les listes. Le parti au pouvoir et ceux de l’opposition sont toujours à hue et à dia. Quand le Rdpc appelle à la mobilisation citoyenne pour les inscriptions, ses adversaires prônent et prêchent généralement le boycott. La perspective de l’élection présidentielle de 2025 semble avoir changé la donne et depuis huit mois, tous les partis se sont impliqués pour faire inscrire massivement les citoyens. À la bonne heure ! Mieux vaut tard que jamais. Pour autant, les inscrits d’hier et d’aujourd’hui sont-ils la propriété d’un parti politique ?

Même à l’époque de son ultra domination, le Rdpc n’a jamais eu l’outrecuidance d’exprimer une telle revendication. Même si l’on est tenté de comprendre la logique qui sous-tend les postures de ceux qui estiment avoir remporté la bataille des inscriptions sur les listes électorales, l’on ne peut néanmoins s’empêcher de penser que ces déclarations assorties de menaces et de demandes d’audit du fichier électoral préfigurent les prochaines et inévitables contestations pré et post-électorales.  Pour sa part, le Rdpc laisse le soin aux institutions, notamment Elecam, de gérer ces revendications et d’assumer leurs responsabilités. Il a joué pleinement son rôle de catalyseur et d’éveil des consciences citoyennes ; ce faisant il a accompli son devoir tel que la constitution le prescrit aux partis politiques, à savoir concourir à l’expression du suffrage.

Il sait mieux que quiconque que les électeurs ne sont la propriété de personne même s’ils brandissent la carte de votre parti politique au moment de leur inscription. Une fois seuls dans l’isoloir, ils votent en leur âme et conscience. Le Rdpc sait également qu’après les inscriptions, il y’a encore d’autres étapes : l’établissement et la distribution des cartes électorales, la campagne électorale et la présentation des programmes, la formation et la désignation des scrutateurs dans les bureaux de vote, etc. Sans oublier le mal suprême : l’abstention, synonyme de désaffection des populations vis-à-vis de la classe politique et de rejet des candidats ou de leurs programmes. Chaque étape nécessite des stratégies particulières de marketing et de persuasion.

En tout état de cause, inscrire le maximum des électeurs sur les listes ne suffit pas et ne permet nullement de crier victoire avant le scrutin. On ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Tous les partis politiques devraient s’inspirer de ce conseil, y compris le Rdpc. Un peu d’humilité !

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