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Charles Metouck : « La Sonara est compétitive »

Le Directeur général de la Société nationale de raffinage s’explique sur le rôle de son entreprise sur la vraie fausse crise des produits pétroliers du mois de mars 2011 et, surtout, parle de la portée du projet de modernisation et d’extension entamé de la raffinerie.

L’Action : Comment se porte la Sonara, un peu plus de deux mois après ce qu’il faut qualifier de vraie fausse crise du mois de mai dernier ?Charles Metouck : Vous êtes là, vous avez fait le tour, je crois que la réponse, vous pouvez la donner vous-mêmes. Globalement, la Sonara se porte très bien. Mais, il faut quand même développer. La Sonara, c’est d’abord une unité de production ; c’est une usine qu’il faut considérer comme telle. Elle peut avoir des problèmes techniques. La Sonara étant une usine de production, elle vend ses produits. Ce qui signifie qu’elle peut également avoir des problèmes commerciaux et financiers. Quand on dit que la Sonara se porte bien, il faudrait savoir de quel volet nous voulons parler. Sur le plan technique, vous avez rencontré mes collaborateurs qui vous ont expliqué. L’unité tourne à merveille.
 Nous avons profité de l’arrêt de 2009 pour rénover un certain nombre de parties principales de notre unité. Nous avons mis des unités neuves en prévision de l’extension. Ce qui fait qu’aujourd’hui, notre unité a une nouvelle vie. De ce côté-là, il n’y a aucun problème. Les rumeurs qu’il y a eu il y a deux mois, je ne sais pas si elles parlaient du problème technique ou autres. La Sonara n’a aucun problème technique. Nous avons d’ailleurs augmenté notre capacité de production. Maintenant, au niveau commercial, puisque c’est un de nos clients qui a diffusé l’information qui a créé la panique, nous n’avons pas de problèmes commerciaux avec nos clients et surtout pas avec celui-là qui est le leader du marché camerounais. Mais, en réalité, il ne faut pas non plus qu’on se voile la face. Le risque d’arrêt de la Sonara est bien pendant. Il est lié à d’autres raisons qui portent sur les relations entre Sonara et le gouvernement. Je pourrais dire singulièrement avec le ministère des Finances. Mais c’est un problème qui pourrait se régler à court terme, puisque la Sonara appartient à l’Etat à 82% ; est-ce que nous devons laver notre linge sale en public ou nous nous débrouillons avec le gouvernement pour trouver des solutions et ne pensons pas qu’il faille le faire en public. Je pense que le rédacteur de la note sur la pénurie qui a circulé et qui a failli créer la panique s’est fait manipuler.A vous entendre la Sonara n’a aucune responsabilité dans cette affaire de vraie fausse pénurie des produits pétroliers !Non seulement on a dit dans ce document que le directeur général aurait déclaré que, Je dis,  aurait mais, ils ont affirmé que le directeur général a déclaré qu’ à telle date, la Sonara ne serait plus capable d’assumer ses responsabilités. Le directeur général ne l’a jamais écrit et, qui plus est écrit au directeur général de la SCDP au sujet d’une quelconque pénurie ! Le directeur général de la Sonara ni aucun de ses collaborateurs n’a jamais écrit dans ce sens-là. La SCDP avait un problème de stock qu’il fallait gérer entre les marketeurs et le gouvernement, c’est tout. La Sonara n’était pas mêlée à cette affaire.Doit-on comprendre que le Cameroun est définitivement à l’abri d’une pénurie des produits pétroliers du fait de la Sonara ?La Sonara, telle qu’elle est faite, ne peut pas mettre le pays en pénurie de carburant. Je dis, techniquement parlant, la Sonara a aujourd’hui une capacité de production de deux millions cent mille tonnes de traitement de brut. Ce qui donne globalement, un million huit cent à un million neuf cent mille tonnes de produits finis. Le Cameroun consomme un peu plus qu’un million deux cent mille tonnes. Donc, quand la raffinerie tourne, le Cameroun ne peut pas avoir de problème de pénurie. Il faut savoir bien que ce soit une usine, elle peut avoir des problèmes financiers. Le gouvernement doit de l’argent à la Sonara et cet argent permet à la Sonara de se ravitailler en matières premières pour faire tourner les unités. Si effectivement, il y a une défaillance côté matières premières, une usine ne tournant pas à vide, dans ces conditions-là, il peut arriver que la Sonara ne puisse pas livrer les produits. Mais, dans ce cas, comme cela a été envisagé au mois de mars, il est possible de procéder à des importations. C’est quelque chose qui doit être réglée au ministère de l’Eau et de l’Energie ou au niveau du gouvernement d’une manière générale. Si la Sonara est normalement et régulièrement payée, si ses matières premières sont à disposition, il n’y a pas de risque de pénurie du fait de la Sonara. Il faut qu’on soit assez claire là-dessus.Des informations ont pourtant fait état d’une possible paralysie de la Sonara du fait d’un projet que certains ont qualifié de pharaonique un projet de l’ordre de 400 milliards de francs CFA. Qu’est-ce qu’il en est exactement ?Vous êtes journaliste, vous êtes informateurs. Cette information, je ne la connais pas. Je sais qu’il y a un journal de la place qui a écrit cela, je ne vois pas très bien quel est le lien. Au fond quand on donne des informations sur la Sonara, je me pose toujours la question : qu’est-ce qui motive ce genre de réflexion ? Quel est le lien entre le projet et la paralysie d’une usine ? Je n’en vois pas ! Effectivement,  on a un projet dont le coût est de l’ordre de 380 milliards de francs CFA qui est en cours de réalisation. Vous avez certainement vu les installations. Dans le fonctionnement de la Sonara, ce projet se gère à part. Nous avons un EPCC comme on l’appelle dans notre jargon, qui est Foster Wheeler qui s’occupe de piloter le projet.
 Le personnel de SONARA accompagne la réalisation. Il assiste et veille à ce que le projet se passe tel que nous l’avons prévu. Nous ne sommes pas directement impliqués dans la réalisation du projet. Le compte de financement du projet est également séparé du compte de fonctionnement de la Sonara. Il n y’a donc pas de risque de paralysie de l’unité actuelle par rapport au projet. Quant au projet, nous n’en sommes qu’au niveau de la première phase. Cette phase est évaluée à 140 milliards de francs CFA et nous avons déjà la totalité du financement. Depuis 2009, les investissements se déroulent en toute quiétude, sans aucun problème. Nous sommes aujourd’hui rendus je crois, à environ 60 à 65% de réalisation. Il n’y a aucun problème de ce côté-là. La raffinerie, telle que vous l’avez vue, fonctionne. Le risque de paralysie, c’est de ne pas avoir la matière première. Mais, ça n’a rien à avoir avec le projet ! Nous avons également lancé la deuxième phase de notre projet pour laquelle j’ai signé le 21 juin 2011, la convention pour une première partie du financement. Le projet va continuer. Ces informateurs devraient faire comme vous, venir à la source, avoir des informations, au lieu d’écrire des choses qui n’ont rien à voir avec la réalité.Je peux tout simplement vous dire que les banques qui nous financent sont des institutions sérieuses. La partie camerounaise a été financée par Afriland First Bank. A l’étranger, c’est Calyon Londres qui a syndiqué d’autres banques européennes et africaines, dont Calyon Londres, Société Générale Paris, BNP Paribas, First Bank Nigeria, Medicapital, CA-SCB Douala. Ce n’est pas avec ces banques-là qu’on va faire ce genre de choses, que vous avez lues. On sait néanmoins que ce projet de déroule avec l’aval du chef de l’Etat et qu’il est nécessaire à la survie de la SonaraCe projet se déroule avec l’aval du chef de l’Etat bien sûr. Et c’est la survie de la Sonara. Nous avons bénéficié de la crise pétrolière qui fait que les marges de raffinage aujourd’hui, sont intéressantes. Mais, si ces marges revenaient au niveau des années 2002-2003-2004, la Sonara pourrait, dans ce cas-là peut être, ne plus fonctionner correctement. Uniquement parce qu’une usine doit être rentable.
La Sonara ne bénéficie plus de subventions ni de l’Etat, ni d’ailleurs. Elle doit se suffire à elle-même. Elle doit être rentable. Elle doit pouvoir amortir son matériel et se débrouiller auprès des sources de financement. Il faut, dans ce cas, gérer la Sonara comme une entreprise privée. C’est-à-dire, qui trouve ses propres ressources et qui doit vivre de ces ressources-là. Il se trouve que, heureusement pour nous, la conjoncture pétrolière s’est nettement améliorée avec une montée fulgurante des cours de brut. Mais, il faut dire que demain, la tendance peut se renverser. Il faut donc mettre la Sonara à l’abri de cette tendance-là. Le fait de permettre à la Sonara aujourd’hui d’augmenter sa capacité lui donne les moyens de réduire les coûts de production à la tonne. Cette production passera de 2 millions de tonnes à 3,5  voire 4 millions de tonnes et le personnel augmentera 2 à 3 % au niveau de l’unité de production ; la rentabilité à la tonne sera améliorée.
 La Sonara, sur la base des démarches commerciales que nous avons faites, a une ouverture très importante sur l’extérieur. En 2002, nous faisions à peine 30 mille tonnes de produits en Cemac et à peine 150 mille tonnes à l’export en dehors des ventes à Total qui s’était réservé une partie de ses produits à l’export. A ce jour, nous faisons plus de 200 mille tonnes de produits en Cemac et environ 700 mille tonnes à l’export à l’international. On a besoin de se développer, parce qu’à la date d’aujourd’hui, nous ne livrons que 40% de nos commandes à l’export international.
Nous avons un déficit de 60% de produits et avons donc intérêt à augmenter notre capacité. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, la raffinerie du Tchad ne gêne en aucun cas la Sonara. Le marché du Tchad pour nous,  compte pour 200 mille tonnes. Or,  nous avons une demande de 600 mille à 1 million de tonnes à l’export ;  donc , il n’y a vraiment pas de problèmes de ce côté-là.  Des sources indiquent des difficultés réelles et même des blocages pour ce qui est de l’exécution du financement de la seconde phase du projet. Qu’est-ce qu’il en est ?Une fois de plus, ces problèmes ne sont pas inhérents à la Sonara. Je l’apprends comme vous, je ne sais pas exactement quelles sont les raisons et quelles sont les motivations de cette tentative de blocage ? Une fois de plus, je vais vous dire, la Sonara a un programme. Nous avons un projet qui a été élaboré. Le conseil d’administration a donné l’accord pour que ce projet se réalise et cet accord a été obtenu en décembre 2008. Sur le plan financier, je vous le dis encore, les banquiers nous font confiance. La première phase est financée à 100%. Nous avons tous les moyens qu’il faut pour la deuxième phase. J’ai pris langue avec un certain nombre de banques et nous allons commencer à dérouler le déblocage des fonds après la signature des conventions avec EDC Afrique auprès duquel nous avons structuré une première partie. Calyon également et EDC Canada doivent développer la deuxième partie en off shore pour laquelle, nous avons programmé terminer les discussions je crois, d’ici la fin de l’année 2011. Vous me dites, qu’il y a des difficultés. Il y a peut-être des risques de blocages. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit intelligent de bloquer ce projet. Le Tchad a décidé de faire sa raffinerie après nous, il l’a terminée avant nous. Est-ce normal ? Pourquoi est-ce que le Tchad se fait une raffinerie d’environ 2 millions de tonnes  et le Cameroun veut rester à deux millions de tonnes ? Il faut que nous soyons ambitieux. Le chef de l’Etat parle de grands projets, il faut que nous fassions de grands projets. Il faut qu’on arrête de faire des petites choses. Quel est le risque aujourd’hui pour la Sonara de terminer son projet alors que nous avons des déficits de livraison à l’export international ? A la date d’aujourd’hui,  j’ai pour 1,5 millions de tonnes de contrats de commandes en cours pour 2013 ! Pourquoi arrêter notre projet ? Pour le moment, je ne sais pas quelles sont les motivations ? J’ai du mal à vous répondre. Ce que je sais, c’est que le projet a l’autorisation du Conseil d’administration. J’ai l’aval des hautes autorités du pays pour que ce projet aille jusqu’au bout. Ceux qui sont contre le projet mettent en avant les problèmes de gouvernance notamment les problèmes de rétro commissions exorbitantes que les intervenants se seraient  attribués, dont le directeur général pour justifier qu’on mette un peu le frein sur ce projet-là ? Oui c’est ça ! Mais j’ai lu aussi dans un journal qu’il n’y avait pas que le directeur général. Il semble que le partage s’était mal passé entre les ministères de la Justice, des Finances et de l’Industrie. Mais, tout ça n’est pas vrai. Vous ne pouvez pas aller emprunter 130 milliards de francs Cfa et vous faites des rétro commissions de 60 milliards de francs Cfa tel que c’est écrit dans ce journal ! On me l’a envoyé, puisque le partage s’est passé avec eux, pourquoi veulent-ils donc bloquer le projet ? Non, regardons les choses en face et soyons sérieux. Si un projet coûte 140 milliards de francs Cfa et s’il se déroule comme vous l’avez vu, vous ne pouvez vous prendre 50% du budget ! Ca n’a aucun sens ! Je dis encore que ces messieurs qui s’imaginent ce genre de choses se disent certainement, si j’étais à la place du directeur général, voici ce que je ferai. Mais, dites leur que cela ne se fait plus. Ce sont des choses qui n’existent plus et qu’on comprenne que certains de nos projets sont bloqués à cause de toutes ces imaginations-là.  Toutes ces conditions qu’on pose font que la plupart du temps, les investisseurs qui viennent chez nous repartent, parce qu’ils ne comprennent pas beaucoup ce genre de pratiques. Aucun banquier à l’international aujourd’hui, ne peut faire confiance à un chef d’entreprise qui, d’emblée, commence à poser ce genre de conditions. J’ai obtenu les financements de la première phase sans engager la caution de l’Etat, sans le nantissement du matériel existant, bref sans aucune garantie. Je ne vois pas comment on peut avancer ce genre d’arguments à ces banques internationales qui viennent financer un projet en Afrique,  pas en centaines de millions, mais en centaines de milliards ! Excusez –moi, je profite de votre tribune pour dire à ces gens qui s’imaginent des choses, d’oublier ce genre de pratiques,  ça n’existe pas. S’ils pensent qu’au Cameroun, il n’y a pas de gens sérieux, qu’ils sachent qu’il peut exister une, deux  ou trois personnes. Je crois même que beaucoup de personnes sont capables de travailler honnêtement et se sacrifier pour la nation et non pas pour des intérêts personnels.Comment entrevoyez-vous l’avenir de la Sonara dans le contexte actuel de libéralisation donc, de perte du monopole et surtout dans un contexte de concurrence ?Le secteur pétrolier est libéralisé depuis longtemps. C’est vrai que dans un premier temps, il avait été libéralisé à 20%. Cela veut dire que Sonara a un monopole sur 80% du marché et dans les 20% du marché libéralisé, la Sonara participe aux appels d’offres et d’une manière générale, nous gagnons la moitié de ces appels d’offres. Aujourd’hui, compte tenu du niveau des cours du pétrole, les appels d’offres sont infructueux et Sonara est tenue de livrer la totalité du marché, la Sonara livre le marché à 100% non pas parce que c’est un monopole, mais c’est tout simplement parce que la Sonara est compétitive. Nous n’exportons pas parce nous sommes “très beaux”, mais nous exportons parce que nos produits sont non seulement de bonne qualité, mais ils  sont compétitifs. Nous livrons non seulement dans la zone du golfe de Guinée, mais aussi au-delà. Nos produits vont aux USA, en Amérique latine et également en RDC. Le problème de libéralisation du marché n’inquiète pas la Sonara. A la fin du projet, sur le plan commercial, nous aurons une activité à 30% au Cameroun et 70% à l’export. Si vous n’êtes pas compétitifs, vous ne pouvez pas envisager cela. L’avenir de Sonara, à mon avis, sera  radieux pour peu qu’on nous laisse travailler dans de bonnes conditions et  que l’on comprenne que le raffinage n’est pas une activité locale,que c’est une usine ouverte au monde extérieur et qu’on nous donne les mêmes conditions de travail que toutes les autres raffineries. La Sonara subit aujourd’hui les choses que nos confrères du Gabon, de Côte d’Ivoire du Sénégal, etc. ne subissent  pas. Et ça, c’est malheureux. Mon combat aujourd’hui, c’est de dialoguer avec nos gouvernants, essayer de les amener à comprendre. Certains de mes collègues du secteur font également la même chose, en essayant d’expliquer ce qu’il y a lieu de faire. J’ai bon espoir que nous arriverons à quelque chose, parce qu’au niveau où nous sommes, nous ne pouvons plus reculer. Au regard de ce qui a été investi, si nous arrêtons, ce sera une très grosse perte. La masse de ferraille que nous avons commandée va débarquer au mois d’août, que ferons-nous de tout ça ? Il faut qu’on nous laisse continuer. Ceux qui ont décidé de faire ce projet ont vu clair et ils savent pourquoi on le fait. Qu’ils nous fassent confiance et  dans deux ans, nous verrons le résultat.

Simon Meyanga

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