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La Politique

Cemac : La libre circulation tant attendue

S’il y a des institutions communautaires qui se portent politiquement bien, la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), de ce point de vue, n’a pas à se plaindre.

Il suffit de voir la fréquence de sommets statutaires et la volonté renouvelée des dirigeants, de bâtir une communauté solide.  Ce qui se traduit dans les faits par des résolutions récurrentes qui sanctionnent les réunions au sommet.  La dernière rencontre en date des chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Libreville dans la capitale gabonaise, les 14 et 15 juin 2013, à laquelle a pris part le Premier ministre camerounais, Philémon Yang,  représentant personnel du président Paul Biya, le démontre à suffisance. A l’issue des travaux sur les grands dossiers communautaires tels que l’entrée en vigueur du passeport biométrique commun, les réformes institutionnelles, les problèmes d’insécurité en RCA, la libre circulation des personnes et des biens, les dirigeants des six Etats de la sous-région ont pris d’importantes résolutions qui, si elles sont appliquées, contribueront à fortifier l’institution communautaire. Il en va ainsi notamment de la libre circulation des personnes et des biens qui sera désormais effective à partir du 1er janvier 2014. Quoique les crises politiques dans certains Etats de la communauté appellent à plus de vigilance, la libre circulation des personnes est un des principes fondamentaux sur lesquels repose tout type de construction communautaire à l’échelle interétatique. Or, il se trouve que dans la zone Cemac, l’entrée de tout citoyen dans autre Etat est toujours subordonnée à l’obtention d’un visa, de même qu’un séjour excédant trois mois soumet le migrant au régime du permis de séjour. Autrement dit, malgré les discours officiels incessants en faveur de l’intégration sous-régionale qui prônent par ailleurs l’effacement des frontières, et en dépit des propositions et décisions des commissions mixtes entre les Etats, les nationalismes de certains pays restent vivaces. En décidant de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cemac, les chefs d’Etat et de gouvernement ont, pour ainsi dire, levé un bouclier qui retardait l’émergence de la communauté. FissureMais il ne faut pas pêcher par un excès d’optimisme. Car la plupart des pays de la Cemac sont à l’épreuve des faits, concernés par des lignes de fissure qui entravent la bonne marche de l’édifice. Certains pays membres de la communauté refusent d’appartenir à un système asymétrique d’intégration où le Cameroun fait figure de géant économique. Ce faisant, la suppression totale des discriminations étoufferait leurs économies beaucoup moins compétitives. Tandis que sur le plan structurel, le processus d’intégration économique en Afrique centrale s’inscrit beaucoup moins dans un esprit de concurrence entre partenaires que sur la base de la complémentarité. Au reste, l’examen des flux migratoires entre les Etats montre alors de sérieuses entraves au principe de la libre circulation des personnes. On l’aura compris, la perméabilité physique des frontières (notamment du fait de l’homogénéité des populations situées de par et d’autre de celles-ci), contraste avec son imperméabilité juridique. Du coup, la conclusion se dégage d’elle-même. Si les lignes de fissure aussi bien entre les Etats que vis-à-vis des populations ne sont pas assainies,  notamment à travers la mise en œuvre des directives communautaires et par l’éducation et la sensibilisation des populations et des forces de maintien de l’ordre sur la culture communautaire, l’on peut craindre que l’idéal communautaire, pourtant une voix incontournable de développement dans un monde globalisé, ne reste qu’un vœu pieux.

Joseph Wylphrid Mikoas

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