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L'Editorial

Le tournant, maintenant :

Il est venu, il a vu. A-t-il (été) convaincu ? La réponse à cette question importe peu, au regard du bilan de la visite d’Etat que François Hollande a effectuée à Yaoundé vendredi dernier.

De même, dans quelques années, personne ne se souviendra plus que cette visite n’avait duré que six heures. La postérité, elle, n’oubliera pas de sitôt la date du 3 juillet dans l’histoire déjà fort ancienne des relations franco-camerounaises. Ce jour-là, Paul Biya et François Hollande ont imprimé un tournant majeur à la relation entre les deux pays. Les images et les faits, les mots et les paroles illustrent à suffisance cette évolution significative. En dehors des amabilités d’usage et des civilités diplomatiques, les deux hommes d’Etat se sont livrés à un assaut de sincérité et de vérité. Ils se sont « tout dit », a résumé François Hollande. On imagine aisément la tonalité du tête-à-tête.
Les propos publics ont confirmé l’état d’esprit des deux Chefs d’Etat. Avec en point d’orgue la conférence de presse.
François Hollande s’est dit disposé à déclassifier les documents et les archives de la France sur la période coloniale et les répressions en Sanaga-Maritime et en pays Bamiléké pendant la lutte pour l’indépendance. Ces paroles du président français ont été accueillies avec satisfaction par la majorité des Camerounais. On est certes loin de la repentance mais ces paroles ouvrent la voie à un devoir de mémoire qui devrait déboucher sur la réconciliation et le pardon. 
Si François Hollande était tant attendu au Cameroun, c’est parce que certains à l’intérieur et à l’extérieur, espéraient qu’il viendrait donner des leçons de démocratie et de Droits de l’homme à Paul Biya. Sur ces questions, c’est plutôt Paul Biya qu’on a entendu. 
Sur sa longévité au pouvoir, le président camerounais s’en est sorti avec une pirouette langagière qui a fait mouche et suscite moult commentaires : « ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut ». Qui peut douter de la pertinence d’une telle assertion ? Contrairement à certains qui veulent en faire une lecture et une interprétation biaisées, la signification de ces propos est d’une clarté évidente. Peut-être beaucoup d’observateurs ont-ils oublié que les paris prédisaient en 1982 un court séjour à Paul Biya à la tête de l’Etat Camerounais. Et ses adversaires ont mis les moyens pour parvenir à leurs fins : tentatives de coup d’Etat, complots de toutes sortes, campagnes et lynchages médiatiques. Depuis 33 ans, Paul Biya subit tout cela. Il survit et il résiste. Grâce à la volonté et au soutien du peuple camerounais qui lui renouvelle sa confiance d’un scrutin à l’autre.
Sur l’emprisonnement de Lydienne Yen Eyoum, Paul Biya a été tout aussi clair et catégorique : «  la justice au Cameroun est totalement indépendante (…) Nous avons fait de la lutte contre la corruption une priorité. Et le cas que vous évoquez s’inscrit dans ce combat … ».
Au total, les deux sujets que certains médias présentaient comme des questions qui fâchent ont permis à Paul Biya de « reprendre » la main et de marquer des points. On le dépeint volontiers – à tort – comme un autocrate ? Il démontre qu’il est un démocrate convaincu. On l’accuse de jeter ses « opposants » en prison. Il prouve que la justice est indépendante et qu’il est respectueux des Droits humains. Paul Biya est un Homme d’Etat doublé d’un sage. 
Compte tenu de ce qui précède, cette conférence de presse restera dans les mémoires. Et la visite de Hollande entrera dans l’histoire  des relations franco-camerounaises. Le tournant, c’est maintenant. 

Par Christophe Mien Zok

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