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L'Editorial

Les partis ne se cachent plus pour…mourir

Un air de déjà-vu! Rebelote! Bis répétita! On prend les mêmes et on recommence. Comme en 2017, le second tour de l’élection présidentielle française opposera le 24 avril prochain Emmanuel Macron, président sortant et candidat du Parti En Marche à Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national, un parti d’extrême-droite. Les sondages avaient déjà plus ou moins annoncé le duel et l’ordre d’arrivée. La surprise vient par contre des mauvais résultats des partis traditionnels de gouvernement, qu’ils soient de gauche ou de droite: à eux trois, les Républicains, les Socialistes et, dans une moindre mesure les Ecologistes réunissent à peine dix pour cent du total des suffrages. Berezina, cataclysme, séisme, effondrement et anéantissement en prime time et en mondovision pour des partis qui, il y a moins de dix ans à peine, jouaient encore les premiers rôles sur l’échiquier politique français. Preuve, s’il en est, que dans ce domaine, le Capitole est tout proche de la Roche Tarpéienne et que rien n’est jamais définitivement acquis. Comparaison n’est certes pas raison; vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà, a-t-on coutume de dire. Mais le crash de ces partis traditionnels ne peut laisser aucun démocrate indifférent et mérite une analyse minutieuse. Comment des appareils politiques solides en apparence ont-ils pu couler ainsi à pic comme le Titanic? Pourquoi des machines électorales aussi bien rodées et ancrées dans le paysage ont-elles pu se fracasser à ce point dans les urnes? La question interpelle tout militant responsable et consciencieux car, finalement, nul n’est à l’abri de ce type de mésaventure. Un incident de parcours ou un « accident industriel », ça peut arriver à tout le monde. Les causes de ce naufrage sont multiples et pas exclusives à la France.
1 – Si l’élection présidentielle constitue la rencontre d’un homme ou d’une femme avec le peuple, cela suppose de la part du postulant un charisme inné et une autorité naturelle. Pour éviter les « aventuriers », certains partis n’hésitent d’ailleurs pas à « sanctuariser » dans leur statut les critères de candidature à l’élection présidentielle, la mère de toutes les élections. Or, sous prétexte de démocratie et de pluralisme internes, les candidats à la candidature, parmi lesquels de fieffés farfelus, sont de plus en plus nombreux et les partis sont obligés d’organiser des primaires pour les départager. Les vainqueurs de ces batailles fratricides ne sont pas toujours les meilleurs mais généralement les plus manœuvriers et ceux qui maîtrisent le mieux l’appareil du parti. Or, il est souvent difficile de remettre en ordre de bataille un parti qui vient de se diviser pour choisir son candidat. Qui sème la division récolte la discorde! Moralité: il vaut mieux avoir un candidat naturel et consensuel qui s’impose par son charisme et ses qualités intrinsèques sans avoir à passer par la case des primaires. Tous les militants ont certes du mérite mais tous ne se valent pas et ne sont pas interchangeables comme voudraient le faire croire certains. Tout le monde ne peut pas être calife à la place du calife. Les batailles de leadership laissent toujours des traces. Et puis, quoiqu’on dise sur les atouts réels des uns et les compétences supposées des autres, rappelons ce mot d’un penseur: « l’ambition dont on n’a pas les moyens est un crime».
2 – Même s’il dispose d’un homme ou d’une femme providentiel(le), un parti soucieux de son avenir doit cependant veiller à préparer la relève afin de disposer d’un vivier, d’une pépinière de cadres compétents. Toutefois, la compétition interne doit se dérouler sur la base des idées et non sur fond de vaines intrigues de positionnement, des querelles d’ambitions ou des luttes de leadership, en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur du Parti, ses valeurs et ses traditions.
3 – Hormis l’impérieuse nécessité du renouvellement des ressources humaines, les partis peuvent aussi sombrer lorsqu’ils dorment sur leurs lauriers, ne renouvellent pas leur discours ou leur logiciel idéologique; ne changent pas leurs méthodes sur le terrain ainsi que leur façon de répondre aux attentes des populations. À cet égard, il ne faut pas confondre les retouches cosmétiques de surface, les ravalements de façade et les changements en profondeur. En l’espace de deux décennies, le RPR est devenu l’UMP puis Les Républicains. Le contenu idéologique a-t-il changé pour autant? Ces changements de dénomination ont-ils influencé le fond et les méthodes? On peut en douter.
4 – Pour autant, le déclin n’est pas une fatalité. La résurrection et la rédemption sont possibles à travers les urnes moyennant une remise en cause et un vrai travail d’autocritique. Si les partis ne se cachent plus pour « mourir », victimes qu’ils sont de leur propre arrogance, de leur autisme, de leur outrecuidance, de leurs querelles intestines, de la routine et de la facilité, ils peuvent néanmoins reconquérir l’électorat si et seulement s’ils entreprennent une refondation. Cela ne relève pas du miracle et ne ne se fera pas du jour au lendemain mais au terme d’un travail de fond et de longue haleine sur le terrain des idées et de l’action. Ont-ils seulement l’humilité et la patience de se soumettre à un tel exercice d’introspection et de projection? Ceux qui ne le feront pas couleront ou imploseront au fond des urnes. Et les militants et les électeurs n’auront que leurs yeux pour pleurer le jour des résultats.

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