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L'Editorial

Dent pour dent…

Un destin en… dents de scie! Ainsi peut se résumer la vie de Patrice Emery Lumumba, éphémère Premier Ministre du Congo post indépendance assassiné en 1961 dans des circonstances atroces parce qu’il n’était pas assez docile aux yeux des anciennes puissances coloniales. Après avoir subi d’affreuses tortures, son corps fut découpé et dissout dans de l’acide. Un de ses tortionnaires, un policier belge, eut la macabre idée de conserver une dent de la victime comme relique de cet acte barbare. Soixante et un ans après, la Belgique a enfin consenti à restituer le 20 juin ce curieux « trophée » à la famille et au Congo. Au passage, le gouvernement belge, après moult atermoiements, a fini par présenter des excuses en bonne et due forme au peuple congolais pour tous les crimes commis pendant la période coloniale. Mieux vaut tard que jamais. Les relations entre la Belgique et la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, ex-Congo belge, se sont longuement cassées les…dents sur ce contentieux historique et l’on ne peut que se réjouir de cette issue honorable même si ce crime odieux reste indélébile et imprescriptible dans les mémoires des Congolais en particulier et des Africains en général. Après les excuses officielles, les Congolais vont-ils cesser pour autant d’avoir la dent dure contre les Belges? Rien n’est moins certain.
Car en dehors de ce contexte et depuis la nuit des temps, la politique reste avant et après tout une affaire de…dents. Celui qui a les plus solides broie sa proie, mâche tout sur son passage et si son tube digestif est tout aussi solide, il avale les débris à la manière d’un boa constricteur. Observez bien la scène politique camerounaise par exemple; les rancunes y sont tenaces; on se garde mutuellement dent pour un oui ou pour un non. Tous ces jeunes et vieux briscards aux dents longues se regardent en chiens de faïence, livrent des batailles rangées par institutions et administrations interposées pour, dit-on, contrôler le pouvoir. Chacun montre ses crocs pour effrayer l’adversaire; les uns sont armés jusqu’aux dents de toutes sortes de munitions, aussi dévastatrices que paradoxalement dérisoires. Les autres sont sur les dents, obligés d’en découdre pour ne pas subir les coups de boutoir et les assauts d’ennemis réels ou supposés. Un peu comme Don Quichotte qui se battait contre les moulins à vents. Gare cependant à celui qui se cassera les dents ou prendra la poudre d’escampette! Comble de l’ironie; les protagonistes de ces batailles de leadership proclament et se réclament des disciples du Lion mais, en réalité, ils sont davantage des adeptes de la Loi du Talion. Œil pour œil, dent pour dent; telle est leur devise. Heureusement pour le Cameroun, le vieux, le vrai et l’unique Lion, qui a gardé toutes ses dents et ses griffes malgré le temps qui passe, veille au grain. Quelques dents cariées ne contamineront pas toute la bouche.

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