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L'Editorial

Voyeurisme morbide

Vous avez détesté la prétendue « dictature des médias » annoncée par certains spécialistes des sciences de l’information et de la communication ? Vous allez sans doute adorer celle des réseaux sociaux qui se permettent de regarder tout et partout par le trou de la serrure et, avec un aplomb débridé, répandent des canulars et des bobards de toutes sortes sans retenue ni vérification préalable. Le voyeurisme est désormais à portée de clic et la course au buzz, aux vues, aux « like » et aux commentaires fait désormais le reste. Depuis quelques jours, la santé du Président camerounais est ainsi étalée dans les réseaux sociaux, sans aucune pudeur ni respect pour la vie privée.

Entendons-nous bien : en tant que chef de l’Etat qui exerce la fonction publique suprême, la santé du président de la République doit être un sujet de préoccupation pour ses compatriotes. Un tel intérêt doit cependant rester sain et s’exprimer dans la sérénité et en toute responsabilité. Ils sont donc nombreux qui, par amour pour leur président et par patriotisme, manifestent une inquiétude légitime face aux nouvelles alarmantes propagées par des oiseaux de mauvais augure. Pour autant, ceux-là ne versent pas dans le catastrophisme et la sinistrose et ne promettent pas des lendemains apocalyptiques à notre pays en cas de disparition du Président Paul Biya, contrairement aux Cassandre et aux prophètes de malheur qui infestent la toile et les réseaux sociaux.

Face à ce déferlement et à ce déchaînement de rumeurs, le Directeur du cabinet civil, le porte-parole du gouvernement et le Secrétaire à la communication du Rdpc ont dû faire des mises au point. Malgré ces clarifications officielles, il y en a qui continuent de douter et d’alimenter la machine à fantasmes. C’est leur droit. Sauf qu’ils font semblant d’oublier un fait majeur : le Président Paul Biya n’est pas au Cameroun mais bel et bien hors du pays. Le communiqué du Directeur du Cabinet civil précise qu’il se trouve à Genève en Suisse même si certains esprits tordus soutiennent mordicus qu’il serait interné dans un hôpital à Paris en France. Dans l’un ou l’autre cas, une telle information n’a pas pu échapper aux médias de ces deux pays, adeptes de la liberté d’expression et du droit à l’information. Pourquoi aucun organe de presse de l’un de ces pays n’a-t-il traité ce sujet « croustillant » ? Imagine-t-on ces médias respecter une consigne de verrouillage ou d’embargo d’une information aussi importante que la mort du chef de l’Etat camerounais ? Soyons un peu sérieux.

Quoiqu’il en soit, ceux qui veulent succomber aux fantasmes et aux élucubrations des réseaux sociaux sont libres de le faire. Ceux des partisans ou des fidèles de Paul Biya qui sont tentés de céder à la panique ainsi créée de toutes pièces prouvent tout simplement « qu’ils n’ont pas la foi » chevillée au corps. Autrement dit et pour reprendre le syllogisme de Socrate : « tous les hommes sont mortels ; Paul Biya est un homme ; donc Paul Biya est mortel ». À partir de là, pourquoi toute cette agitation et cette fébrilité autour d’un événement par nature inéluctable et sur lequel personne n’a aucune prise ou influence ?

Si certains adversaires du Président Paul Biya trépignent d’impatience et se livrent à toutes sortes de conjectures en cachant maladroitement leur jubilation face à une issue qu’ils espèrent, souhaitent, attendent et annoncent depuis plusieurs années, ses partisans et les responsables des institutions en charge de la succession doivent au contraire garder leur calme afin de rester les maîtres du jeu en toutes circonstances. En effet, si Paul Biya doit bien mourir un jour, le Cameroun, lui, doit continuer à vivre. Et il vivra si les mécanismes de succession prévus par la Constitution sont exécutés comme une partition musicale. Cela suppose que chaque acteur connaît parfaitement son rôle jusqu’au bout des doigts. Nous n’y sommes pas encore. Alors, laissons Paul Biya travailler ou se reposer du haut de ses 91 ans et que chacun vaque sereinement à ses occupations !

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