Le maire de Garoua-Boulaï évoque les rapports entre les refugiés centrafricains et ses administrés, ainsi que les difficultés que ceux-ci rencontrent du fait de la proximité de la frontière.
L’Action : Comment vos populations vivent-elles le voisinage avec la République Centrafricaine ?Les relations entre nos administrés et les voisins centrafricains sont délicates. Si nous les examinons du point de vue de la présence des refugiés centrafricains dans notre commune, nous relevons quelques difficultés en rapport avec le contrôle de cette catégorie de personnes. Il y en a qui sont arrivés régulièrement et que les autorités ont pu identifier. D’autres par contre sont là à cause de la porosité de la frontière qui rend quasiment impossible le contrôle des mouvements de personnes. D’autres problèmes naissent de la cohabitation entre nos populations et ces étrangers. Au départ, les réfugiés se croyaient supérieurs aux nationaux, car ils pensaient que leur statut leur donnait plus de droits dans notre pays que nous-mêmes. Ils pensaient ainsi qu’ils pouvaient enfreindre nos lois et règlements en toute impunité. Mais à force de sensibilisation, ils se sont progressivement améliorés.Comment leur présence est-elle gérée par les autorités camerounaises ? Leur mode de gestion pose un véritable problème. En fait, tout part de ce que le gouvernement, en les accueillant, n’avait pas pensé à les caser dans un camp comme cela s’est fait ailleurs. Conséquence, ils se sont infiltrés dans la population, se confondant avec elle. Cela n’a pas été facile à gérer car parmi des refugiés peuvent se glisser de véritable criminels. Quand ceux-ci se mêlent aux nationaux, on ne peut plus les contrôler.Au-delà du problème des refugiés, votre commune rencontre-t-elle d’autres difficultés du fait de la proximité de la frontière centrafricaine ?Bien évidemment. Certes, on a coutume de dire qu’eux et nous sommes un même peuple ; ce qui, du reste, est vrai. Nous parlons la même langue, avons, de part et d’autre de la frontière, les mêmes coutumes. Mais nous sommes un peuple avec deux éducations différentes. Autant nous, camerounais, sommes évolués, ouverts et tolérants, autant ils ont du retard en tout et développent un complexe d’infériorité. D’où une certaine récurrence des incidents. En plus, ces gens n’ont aucun sens de l’honneur. On ne peut donc pas leur faire confiance, car chaque situation qu’on pense définitivement réglée resurgit toujours. Quelles solutions préconisez-vous pour surmonter toutes ces difficultés ? Nous pensons que l’Etat doit absolument revoir notre position ici à Garoua-Boulaï, en renforçant les investissements pour améliorer la vie des populations. Il faudrait par exemple que dès la traversée de la frontière, le Centrafricain perçoive, à travers la qualité des infrastructures, des bâtiments publics et des équipements collectifs, la vrai image du Cameroun. Ensuite, il va falloir amener la partie centrafricaine sur la table des négociations et régler définitivement tous les points d’achoppement entre les deux pays, notamment la démarcation de la frontière. Cette frontière n’est pas matérialisée et les Centrafricains revendiquent la zone comprise entre la douane camerounaise et leur barrière. Or nous pensons aussi que cet espace de 100 mètres nous appartient parce que faisant partie de la route bitumée qui va de Bertoua jusqu’à la frontière. Cette solution est urgente pour que nous puissions dormir tranquille à la frontière. En tant que premier magistrat de Garoua-Boulaï, je peux affirmer que nous n’avons pas le temps de fermer les yeux. On se dit qu’à tout moment, tout peut arriver.
Longin Cyrille Avomo
Longin Cyrille Avomo