Professeur, la célébration du 37ème anniversaire du Renouveau national coïncide cette année avec l’an 1 de la prestation de serment du président Paul Biya, après sa réélection à la présidentielle du 07 octobre 2018. Elle intervient notamment alors que des revendications postélectorales se prolongent, couplées à la situation toujours préoccupante dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Au regard de cet état de choses, le temps est-il propice à la fête ?
Le 37e anniversaire du Renouveau national est un temps propice pour l’évaluation et la projection. Le Renouveau national a un bilan qu’il ne faut surtout pas évoquer et décrire de manière anecdotique. Il s’agit d’un programme de société qui a fait ses preuves tant au niveau social, politique, économique ou culturel. Tout n’est pas rose certes, mais un travail de fond est entrepris depuis son avènement pour conduire les populations au bien-être. Dépeindre le Renouveau national sous le prisme des situations de tensions politiques, notamment au Nord-ouest et au Sud-ouest, ou sous le prisme d’une certaine crispation politique construite et entretenue par des revendications postélectorales, c’est par exemple avoir une lecture spontanée, évènementielle voire diachronique de l’historicité du Renouveau national. L’âge d’or du Renouveau national est une promesse d’émergence du Cameroun à moyen terme. Les pesanteurs et les aléas de l’émergence voulue de tous ses vœux par le promoteur de ce programme de société ne changent rien à la détermination affichée de conduire le Cameroun vers la prospérité. Sous ce rapport, si le temps n’est pas propice à la fête, il est tout au moins à la recherche des ressources nécessaires à l’émergence d’un Cameroun fort, uni, prospère et émergent. Le promoteur du Renouveau national en est conscient. Et les récents évènements sont le témoignage d’une volonté politique, d’une détermination à toute épreuve que rien ne saurait surseoir ou sortir le Renouveau national de ses rails. Le 37e anniversaire du Renouveau national apparaît donc comme un temps d’évaluation et de projection qui intervient au cours d’un mandat placé sous le signe des « Grandes opportunités » et qui a été annoncé comme un tournant décisif dans l’histoire politique du Cameroun par le Président de la République.
On sort du Grand dialogue national avec les premières mesures prises par le Chef de l’État, dans le sens de la décrispation de l’atmosphère. Quelle peut-être la place de ce rendez-vous dans le bilan de l’An 1 du mandat des Grandes opportunités ?
Le Grand dialogue national a tout d’un accélérateur d’apaisement social. C’est certainement le temps fort par excellence de l’an 1 du mandat des « Grandes opportunités », en ce sens qu’il aura contribué à impliquer les camerounais de toutes les régions, dans la recherche d’une solution nationale à la crise dans les régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest. Pris dans ce sens, le Grand dialogue national apparaît à la fois comme un temps d’arrêt pour faire l’état des lieux du vivre ensemble et un moment de projection pour ajuster et régler des paramètres importants et décisifs pour le contrat social renouvelé. Ce rendez-vous a une place essentielle et décisive dans la politique de sortie de crise et dans la prévention des crises susceptibles d’affecter durablement la cohésion sociale. Il s’agit d’exorciser le mal et de lui administrer une thérapie collective pour en garantir la légitimité. Véritable dialogue inclusif, le Grand dialogue national est la preuve qu’une crise peut avoir des solutions endogènes, afin d’éviter les effets pervers d’une médiation très souvent impartiale, intéressée et porteuse de germes d’ingérence arrogante et de déstabilisation programmée. Par le Grand dialogue national, les camerounais ont pu donner la preuve qu’un problème interne doit pouvoir trouver des solutions endogènes. Le Grand dialogue national s’inscrit donc dans le registre de la nécessaire camerounisation de la gestion des crises politiques, en droite ligne avec « la tripartite » administrée au Cameroun du 30 Octobre au 15 Novembre 1991, au plus fort des années dites de « braise » comme politique de sortie de crise. En s’appuyant sous ce prisme, le Grand dialogue national participe d’un processus de socialisation à la nationalisation des politiques de sortie de crise. C’est une tradition camerounaise qui a fait ses preuves dans l’histoire politique du Cameroun mutatis mutandi. Le timing avec lequel ce Grand dialogue a été convoqué et l’issue de cette grand-messe de réconciliation et de renouvellement du contrat social traduisent à suffisance la détermination à faire de ce septennat une étape décisive dans l’histoire politique du Cameroun. En filigrane, le message est celui selon lequel : « il faut passer à autre chose, cela n’a que trop duré ».
La situation sécuritaire dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, on l’a dit, reste délicate. Y a-t-il une garantie que la mise en œuvre des recommandations du GDN telle que promise par le Chef de l’État peut y faciliter le retour de la paix ?
C’est la raison d’être de ce Grand dialogue national, à savoir : contribuer à l’apaisement durable dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Pour y parvenir, il fallait nécessairement impliquer les forces vives du Cameroun pour formuler des recommandations susceptibles de contribuer à l’apaisement durable de ces régions. Au regard de l’ambiance qui a prévalu avant, pendant et après le Grand dialogue national, on peut légitimement espérer que ce temps fort par excellence de l’an 1 du septennat des Grandes opportunités contribue à un retour nécessaire à la paix dans lesdites régions. La garantie est celle de la bonne foi. Il s’agit des recommandations formulées de manière collégiale et consensuelle pour servir d’outil d’aide à la décision politique. En mettant en œuvre les recommandations issues précisément du Grand dialogue national, le chef de l’État implique le peuple camerounais, notamment à travers les parties prenantes à ce GDN dans le processus de sortie de crise et d’apaisement social. Les recommandations formulées par les différentes commissions sont donc des outils de coproduction du retour à la paix. En cela, il faut souligner que le Chef de l’État n’a pas attendu la fin du GDN ou la transmission des recommandations formulées dans ce cadre pour donner une chance au retour à la paix, comme l’atteste fort à propos l’arrêt des poursuites contre certains responsables et militants de partis politiques. Il faudra donc aussi compter sur la bonne foi de tous les autres acteurs pour que la mise en œuvre des recommandations issues du GDN contribue au retour à la paix.
Le pays a également subi nombre d’attaques au plan international venant d’individus et d’ONG. Comment appréciez-vous l’effort du gouvernement dans la défense de l’image de marque du Cameroun ?
Pour un État qui aspire à son émergence et travaille pour atteindre un tel objectif à moyen terme, l’enjeu des représentations construites par l’opinion autour de l’image d’un tel État est capital. Aucun pays au monde n’accepte, même par résignation que son image soit ternie, de quelque manière que ce soit. Il y a des enjeux politiques, économiques, sécuritaires, diplomatiques, culturels attachés à l’image d’un État. Il faut donc absolument défendre cette image sans lésiner sur les moyens, puisqu’il y va de la réputation et de l’attractivité du pays cible des attaques au plan international. Face aux attaques répétées des ONG et des individus à la solde de la déstabilisation et du ternissement de l’image de marque du Cameroun, le gouvernement a régulièrement donné sa version des faits au sujet de l’objet de l’attaque. Ces efforts sont louables et encourageants à bien des égards. Car, ce qui se joue dans ces attaques itératives des ONG très souvent sur le prétexte de la protection des droits de l’Homme est l’attractivité du Cameroun à l’égard des investisseurs. Par conséquent, il faut travailler à donner une autre image du Cameroun, particulièrement autre que celle qui est vendue et promue par ces ONG derrière lesquelles sont tapies des forces hostiles au Cameroun. Pour ce faire, le gouvernement gagnerait aussi à être résolument proactif dans la promotion de son image, comme le démontre de plus en plus la stratégie de markéting et de communication sur son image. L’approche défensive est certes louable, mais être résolument proactif et éviter de se montrer sur la défensive pourrait aussi contribuer à promouvoir autrement l’image de marque du Cameroun. En plus, cet état d’esprit de devrait pas être une affaire du seul gouvernement de la République, mais davantage une cause nationale et citoyenne. Et dans ce combat pour la promotion de l’image de marque du Cameroun, les médias ont une part importante à prendre puisqu’ils seraient aussi affectés si cette image venait être durablement ternie. Ce détail semble souvent leur échapper dans leurs entreprises tacite ou expresse de promotion d’une image moins rentable du Cameroun, en lieu et place d’une communication constructive. Il serait donc utopique, voire naïf pour ces médias de penser que seul l’État ou le gouvernement en pâtirait.
Au plan économique, d’importants défis restent à relever malgré la construction de nombreuses infrastructures. Le rythme actuel vous semble-t-il efficace pour l’accélération de la croissance ?
Certains investissements économiques qui impactent positivement la croissance économique, ou qui ont pour objectif de l’impacter durablement, ont un rythme mesuré pour leur réalisation. Il en est ainsi des travaux à forte capacité d’accélération économique, à l’instar des grands projets structurants (barrages hydro-électriques, ports en eaux profondes, etc.). Accélérateurs de croissance économique par vocation, ces infrastructures ne se réalisent pas suivant le timing préétabli précisément du fait de leur importance au plan économique. Ce sont des investissements essentiellement lourds. Leur réalisation nécessite la mobilisation des financements conséquents, et leur mise en service aussi. Vu sous ce rapport, il convient d’apprécier le rythme de leur réalisation, en tenant compte des aléas de tous ordres qui ont pu contribuer à différer ou à décaler leur livraison et leur mise en service. Ce qu’il faut par contre saluer, c’est l’état d’avancement de ces travaux dans un contexte de résilience économique. Ce qu’il faut davantage louer, c’est la détermination affichée de voir ces réalisations booster véritablement l’économie nationale à moyen terme. Cette projection est importante pour le projet d’émergence à l’horizon 2035. La croissance économique a partie liée avec la création des richesses. Ceci n’est possible que si les conditions pour la création de la valeur ajoutée sont réunies. On appréciera mieux l’impact de ces projets structurants dans l’accélération de la croissance économique, qu’à l’aune de la mise en service effective de ceux-ci.
Pour ce qui est de l’amélioration des conditions de vie des camerounais, léger mieux ou statu quo ?
L’amélioration des conditions de vie des populations est le cheval de bataille du Renouveau national et du septennat des « Grandes opportunités ». L’état des lieux affiche une certaine résilience de l’économie nationale. C’est un facteur important pour apprécier les conditions de vie des camerounais dans la mesure où l’amélioration de celles-ci est tributaire de la croissance économique. L’approvisionnement en eau et en électricité devrait s’améliorer, au regard des investissements du gouvernement dans ces domaines. De même qu’un conducteur ne saurait passer du feu rouge au feu vert, sans passer par l’orange ; de même, il convient d’analyser l’état des lieux de l’amélioration des conditions de vie des camerounais sous le prisme de l’entre-deux. En effet, le rythme avec lequel l’État s’investit dans la création des emplois, de la richesse et de la valeur ajoutée permet d’envisager un léger mieux en perspective. De ce point de vue, le statu quo semble très provisoire dans la mesure où, à date, on commence à ressentir de légères avancées dans l’amélioration de l’approvisionnement en électricité, tant en zone rurale qu’en zone urbaine, avec la mise en service des barrages comme Lom Pangar ; une mise en service qui a rendu possible la traversée de l’étiage le plus calme depuis une décennie.
La mobilisation observée du gouvernement est rassurante quant à l’organisation des prochains rendez-vous sportifs continentaux, notamment le CHAN 2020 et la CAN 2021 ?
Au rythme ou se font les descentes sur le terrain et les visites des stades devant abriter ces compétitions par le Ministre des Sports et de l’Éducation Physique, on peut être certain que le gouvernement ne ménage aucun effort pour offrir à l’Afrique et au monde des belles fêtes sportives. Les Camerounaises et les Camerounais, voire le mouvement sportif camerounais le mérite. La création du « COCAN 20-21 » par décret présidentiel le 04 juin 2019 est l’illustration parfaite que cette mobilisation gouvernementale est supervisée par le président de la République dont la détermination pour la tenue effective de ces rendez-vous sportifs n’est plus à démontrer. À l’évidence, on peut légitimement penser que le pari sera effectivement tenu au regard de la mobilisation observée.
Par AZIZE MBOHOU
Paru dans « Cameroon Tribune » Edition de ce mercredi 06 Novembre 2019