«On ne joue pas avec le Cameroun ». La lointaine mise en garde de Paul BIYA se perd de plus en plus dans le brouhaha et la fureur de l’actualité socio-politique. La mémoire est essentiellement oublieuse surtout lorsqu’elle est atteinte d’une forme d’amnésie sévère et collective. La pandémie du coronavirus, confinement des corps et des esprits oblige, semble avoir soumis beaucoup de nos compatriotes à une certaine introspection qui ferait bien l’objet d’une psychanalyse. En effet, depuis quelques mois, le Cameroun donne l’impression d’une grande cour de récréation où se côtoient de mauvais garnements, des polissons et des enfants relativement bien élevés mais à l’ego parfois démesuré. Tous ou presque ont puisé dans leurs coffres à jouets au contenu bien garni: ballons toutes disciplines sportives confondues, instruments de musique, téléphone dernier cri, colin-maillard, pétards, boules puantes, jeux de société, etc. Ça chahute, ça chuchote, ça complote dans tous les coins et recoins.
Des affinités se créent, des groupes, des groupuscules et des clans se forment, des réseaux et des alliances plus ou moins occultes se nouent; des coalitions s’agrègent, des coteries se désagrègent au gré des circonstances et des intérêts du moment. Le pays est tenu en haleine à travers les réseaux sociaux, les médias et sur le terrain à grand renfort de fanfaronnades, de « matches de gueule », de forfanterie, de coups d’éclats sous la forme de déclarations narcissiques et d’attitudes égocentriques. Quelle effronterie! La concurrence est rude, la compétition âpre et les coups bas nombreux; y compris, ceux portés en dessous de la ceinture.
Les jeux favoris consistent à montrer les muscles, à exhiber les attributs et les atouts physiques mais aussi financiers. Les frasques ne sont jamais loin même si leurs auteurs ont la naïveté de croire que ce faisant, ils construisent une fresque à leur gloire.
L’enjeu, paraît-il, reste, bien entendu, le contrôle du pouvoir dans cette cour de récréation qu’on croit devenue, à tort, incontrôlée et incontrôlable. Les camps sont constitués. Entre les uns et les autres, des challenges, drôles, bizarres ou saugrenus sont initiés, Des défis ridicules, enfantins et inutiles sont lancés. Des paris insensés sont pris. D’autres se livrent à des comptes d’apothicaire, de grenouillages sectaristes sous le couvert de regroupements par affinités tribales, régionales ou d’intérêts occultes. Ils se préparent, disent-ils en chœur, à garder ou à prendre le pouvoir. Grand bien leur fasse!
Et le Cameroun dans tout ça? Personne ne s’en soucie. Il faut pourtant bien plus que des complots de salons, des alliances de cour de récréation parfois contre nature, des OPA opaques ou des joint-ventures tribalo-claniques sur fond de deals financiers pour diriger le Cameroun. Qu’ils jouent donc avec le pouvoir mais pas avec le Cameroun! « On ne joue pas(impunément) avec le Cameroun ». Quelle impudence! Quelle imprudence!
Diriger le Cameroun aujourd’hui requiert, plus que l’algèbre et l’arithmétique, une alchimie particulière que ces charlatans et pieds nickelés de la politique sont loin de maîtriser. Au lieu de changer le plomb des opportunités de notre pays en or, ils risquent plutôt de le plomber davantage et de le transformer en…ordures. Pour diriger le Cameroun d’aujourd’hui on n’a pas besoin de cocktail Molotov et de boules puantes mais d’un savant dosage dont la recette pourrait tenir en cette formule: un zeste de patience et de tolérance, une once d’humanisme et de charisme, une pincée de rectitude morale et de conviction, un doigt de nationalisme et de patriotisme, du doigté et de la vista, une grande force de rassemblement, une aptitude au don de soi, au sacrifice et au sacerdoce, et enfin une grande dose de transcendance pour s’élever au-dessus des miasmes, des remugles, des reptations et des tentations du pouvoir pour le pouvoir.
Il est temps de sonner la fin de cette récréation. Et si parmi la galerie de portraits esquissés ci-dessus certains reconnaissent être, de près ou de loin, des militants ou des sympathisants du RDPC, ou des soutiens de Paul BIYA, qu’ils rentrent dans les rangs. À bon entendeur, chahut!