Site Web Officiel du Journal L'Action
L'Editorial

Permis de tuer, défense de protester

Que valent toutes les questions aussi embarrassantes les unes que les autres dès lors que les réponses sautent aux yeux et résonnent comme des évidences? Depuis cinq ans que dure la crise dans les deux Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, on se posait à voix basse des questions sur l’attitude complaisante voire complice d’une partie de la population vis-à-vis des exactions répétées des séparatistes. On n’entendait jamais de protestations sur les atrocités et les violences commises de sang froid sur des éléments des forces de défense et de sécurité ou sur des civils et même sur des enfants innocents. Les exemples sont pourtant légion: Florence AYAFOR, dépecée vivante; les enfants de l’école de KUMBA tués froidement dans une salle de classe; un hôpital et des écoles incendiés; la bombe jetée dans un amphithéâtre de l’université de Buea, etc. Pas une seule indignation; pas de dénonciation hormis la récente marche de protestation organisée à Buea au lendemain de l’explosion d’une bombe artisanale dans le campus universitaire. Pas de mobilisation populaire pour condamner ces actes odieux de barbarie intentionnels et prémédités!
À contrario, il suffit d’une bavure commise par erreur par un élément isolé des forces de l’ordre déployés pourtant sur le terrain pour assurer la sécurité des populations et de leurs biens pour voir un raz-de-marée humain se lever et se diriger instantanément et spontanément vers les services des gouverneurs. On l’a vu récemment à Buea et la semaine dernière à Bamenda. À cause de maladresses d’un gendarme-qui a d’ailleurs été lynché à mort par la foule-à Buea et d’un policier à Bamenda, deux petites filles sont mortes par balles. Personne ne peut soutenir de tels actes. Aucune âme sensible ne peut rester indifférente face à la mort de ces innocentes dont le seul tort était de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment; sans parler de la responsabilité voire de la provocation des parents ou des automobilistes qui éprouvent un malin plaisir à défier les forces de l’ordre en refusant de se soumettre aux contrôles d’usage. Les autorités en charge de la gendarmerie et de la police ont d’ailleurs tôt fait de communiquer, de condamner ces actes et d’engager des enquêtes contre les mis en cause.
Et pourtant dans l’opinion, nationale et internationale, tout est mis en œuvre pour monter en épingle ces incidents involontaires. Dans leur acharnement contre les pouvoirs publics, les nouveaux procureurs refusent sciemment de s’interroger sur ce « deux poids, deux mesures ». Comment certaines populations du Nord-ouest et du Sud-ouest semblent être indifférentes aux exactions et aux massacres des séparatistes et si exigeantes pour ne pas dire intolérantes lorsqu’il s’agit des bavures des forces de l’ordre? Les uns peuvent concevoir, préméditer, planifier des actes de violence sur les civils ou commettre des attentats et exécuter de sang-froid des policiers ou des militaires dans l’indifférence générale ou sous les applaudissements du public alors que ceux qui sont censés défendre l’ordre et la loi n’ont pas droit à l’erreur? Les séparatistes ont ainsi le droit et le permis de tuer aveuglément et impunément alors que policiers et gendarmes, détenteurs du « monopole de la violence légitime » pour le compte de l’Etat, ne peuvent même pas se défendre?
Plus que jamais, le syndrome de Stockholm fait des ravages dans certaines mentalités des populations des Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Le geôlier et le bourreau ont droit aux fleurs et aux éloges pendant que le protecteur et le sauveur sont indexés, vilipendés, lapidés. Décidément, les masques sont en train de tomber. Certains ont fini par choisir leur camp: pour eux, mieux vaut désormais mourir de la main de son « frère » que par un « étranger » venu vous protéger. Quelle triste et cruelle ironie du sort! C’est bien la preuve que « si les guerres naissent dans l’esprit des hommes, c’est d’abord dans l’esprit des hommes qu’il faut élever les défenses de la paix. »

Articles liés