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L'Editorial

L’existence sans…essence

Comme un feu de brousse qui se répand dans la savane en saison sèche, la pénurie de carburant oblige les stations-service à fermer les unes après les autres et les automobilistes à parcourir des dizaines de kilomètres afin de se ravitailler. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la circulation est perturbée par les files et les bouchons qui se forment à l’entrée et aux alentours des stations. La peur de la panne sèche plane ainsi sur la plupart des villes camerounaises et un peu partout en Afrique. Les automobilistes découvrent avec amertume les affres d’une existence sans essence. Les raisons de cette situation sont connues: la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l’économie mondiale, les sanctions prises contre la Russie, troisième producteur mondial en hydrocarbures, par les pays occidentaux. À ces causes, il convient d’ajouter, pour le cas du Cameroun, l’incendie survenu à la Sonara il y a quelques années. Le cocktail ne pouvait être qu’explosif. Mais il n’a pas explosé.

Conscient de la place, du rôle et de l’importance des carburants dans l’économie d’un pays, le gouvernement camerounais ne ménage aucun effort pour éviter et la pénurie et l’augmentation des prix à la pompe qui constituerait l’étincelle pour faire flamber davantage les prix. L’inflation est déjà en nette augmentation depuis le début du conflit ukrainien et toute revalorisation des prix des carburants aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses. Le gouvernement est donc obligé de maintenir artificiellement le prix du carburant à la pompe à un niveau relativement bas. Il le fait à coups de subventions qui s’élèvent à des centaines de milliards de francs. Dans un contexte où les finances publiques sont déjà très sollicitées, le sacrifice est énorme et ne peut pas tenir sur la durée. Tels des vautours qui tournoient autour d’une proie blessée, les bailleurs de fonds internationaux arrivent en courant avec leur potion préférée: la fin des subventions accordées aux produits pétroliers. Le corollaire est déjà connu: la hausse vertigineuse des prix à la pompe et une inflation généralisée, terreau des troubles et des remous sociaux. Le prix à payer sera énorme politiquement et socialement.

Aucun pays au monde ne peut échapper à une telle spirale. Et chacun se protège comme il peut pour éviter le scénario catastrophe. Les pays européens, chantres du libéralisme à outrance, n’hésitent pourtant pas à prendre des mesures dignes des pays marxistes-léninistes. On reparle alors des nationalisations. Le gros mot est sorti et les institutions de Bretton Woods regardent ailleurs et ne disent rien! L’Etat Français par exemple, déjà détenteur de 84% des parts, envisage de reprendre le contrôle total d’Electricité de France(Edf) en lançant une offre publique d’achat de neuf milliards d’euros pour renationaliser la production et la fourniture d’électricité. D’autres pays relancent les filières nucléaire et le charbon délaissées il y a quelques années au nom de la protection de l’environnement. C’est le sauve-qui-peut et le branle-bas général.

Nos pays, beaucoup plus fragiles économiquement et financièrement, gagneraient à s’inspirer de ces démarches qui relèvent d’un certain patriotisme économique voire du simple bon sens. Pour une fois, il est permis de ne pas respecter les oukases et les diktats du Fmi. Certes on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments mais il est des circonstances qui vous imposent le réalisme. Ce n’est pas non plus en tombant dans le piège de la surenchère de certains syndicats qui exigent la fin des pénuries que nous sortirons de l’auberge. La résilience passe par la concertation, le dialogue, le sens de l’écoute et du partage. Et le retour aux fondamentaux.

Aux militants et sympathisants du Rdpc en particulier et aux Camerounais en général, une relecture de la Charte du Parti de Paul Biya est recommandée par ces temps difficiles. La thèse no 2 stipule en effet; « …l’indépendance politique n’est pas une fin en soi. Elle n’a de sens que si elle tend vers la réalisation d’une indépendance économique, sociale et culturelle car un pays n’est réellement indépendant que s’il trouve en son sein les moyens de satisfaire d’une manière relativement autonome l’ensemble des besoins économiques, sociaux et culturels, c’est-à-dire s’il est en mesure de promouvoir l’épanouissement total de ses habitants. » Il est…essentiel de se réapproprier ces fondamentaux politiques pour éviter la panne sèche qui menace nos stations-services.

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