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L'Editorial

Le volatile et les reptiles

Par Christophe Mien Zok

Si le football était encore une référence et une valeur sûres au Cameroun, on aurait parlé d’un contrepied dévastateur ou d’un dribble déroutant s’agissant de l’intense activité déployée par le Président Paul BIYA sur le front diplomatique depuis le mois de juillet. Le périple, qui avait commencé par la participation à la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris, s’est poursuivi à Toulon pour les 80 ans du débarquement en Provence et vient de s’achever le week-end dernier à Beijing en Chine par une présence remarquée et remarquable au 5è Forum économique entre la Chine et l’Afrique (Focac). Paul Biya, que certains, par paresse d’esprit, présentent à tort comme un absentéiste lors des grands rendez-vous internationaux, vient de leur administrer la preuve qu’il préfère « voyager utile ». Il y’a un an à peine, il était à Saint-Pétersbourg pour le sommet Russie-Afrique. En décembre 2022 déjà il avait répondu présent à l’invitation du Président américain pour participer au sommet Etats-Unis-Afrique. Alors que l’ancien Premier ministre camerounais Philemon Yang vient de prêter serment au siège de l’Organisation des Nations Unies (Onu) avant de prendre ses fonctions en qualité de Président de la 79ème assemblée générale pour un mandat d’un an, rien n’exclut un autre voyage présidentiel à New-York.

Comme quoi, Paul Biya le prétendu casanier « celui qui ne va jamais chez les gens », selon le persiflage d’un de ses homologues, peut aussi être un excellent Voyageur-Représentant-Placier (Vrp) de luxe qui ne choisit pas ses destinations au hasard. France, Etats-Unis, Russie, Chine : que du beau monde faisant partie du gratin et du gotha de la diplomatie mondiale et des membres influents du sacro-saint Conseil de sécurité de l’Onu !

Les voyages en Russie et en Chine démontrent à suffisance le pragmatisme et le volontarisme d’un Paul Biya volontiers équilibriste dans ses choix. Il pourrait bien reprendre à son compte la célèbre maxime de Deng Xiao Ping, le père de la réforme et de l’ouverture en Chine : « peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape la souris ».

Si le mot albatros n’avait pas acquis une connotation aussi négative au Cameroun depuis la malheureuse affaire du même nom désignant le foireux processus d’acquisition d’un aéronef pour la flotte présidentielle, on aurait dit que Paul Biya plane littéralement sur la scène diplomatique comme un…albatros. Mais laissons l’albatros à ses malheurs et à ses piaulements funestes. Paul Biya reste néanmoins ce volatile gracieux et majestueux qui s’en va, par monts et par vaux, dans le vaste monde à la quête des opportunités en vue du progrès et de la prospérité de son peuple. Il peut donc être heureux comme Ulysse après son huitième voyage en Chine et les bonnes nouvelles qu’il en ramène sur le plan de la coopération entre la Chine et le Cameroun désormais érigée à un « niveau stratégique global ».

Quelle doit cependant être sa déception quand il revient au bercail, et qu’il retrouve tous ces « reptiles » pleins de venin qui fourmillent dans le paysage politico-administratif camerounais. Même si le Roi Salomon avait compris, il y’a plusieurs siècles, que le principal adversaire des gens de pouvoir c’était eux-mêmes, et que le propre des reptiles est parfois de mourir de leur propre venin, il ne serait pas superfétatoire de taper de temps en temps du poing sur la table et de rappeler les uns et les autres à l’ordre. Après quoi, le volatile peut reprendre son envol majestueux et laisser les reptiles à leurs reptations.

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