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La Politique

Agriculture : Cultiver les excédents

Malgré le potentiel du secteur agricole camerounais, il a toujours du
mal a trouver la bonne semence, capable de booster la production et
ravitailler à volonté les marchés nationaux, sous-régionaux et
internationaux.

140 milliards. C’est la provision que l’Etat camerounais met chaque année à la disposition des projets et programmes du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, afin de financer leurs activités. Malheureusement, les résultats obtenus au bout de plusieurs années ne sont pas encore à la hauteur des espoirs et des moyens placés dans notre agriculture, au point où Paul Biya, le président de la République, a choisi d’en faire une véritable cause nationale. Le 31 décembre 2011, vantant les atouts de notre secteur productif, il affirmait qu’ « Une agriculture disposant de vastes espaces disponibles et de conditions climatiques favorables » devrait logiquement assurer sa révolution, un thème déjà abordé à Ebolowa le 17 janvier, à l’ouverture du comice agropastoral.L’urgence est signalée. Les prix des denrées agricoles, produites localement, ne cessent de grimper. Tomate, banane plantain, manioc, igname, maïs, sorgho, mil, pomme de terre, fruits et autres légumes ne suffisent pas à satisfaire l’appétit des Camerounais. Résultat : l’Etat se retrouve à importer les denrées alimentaires pour près de 500 milliards de Fcfa, comme en 2010 et 2011. ProblèmesA Ebolowa justement, Paul Biya avait identifié les tares qui minent le développement du secteur rural en général, l’agriculture en particulier. A l’index : « L’insuffisance de financements […] le manque de matériel végétal et animal amélioré, les difficultés d’accès à la terre, la faiblesse du taux d’encadrement, la médiocre productivité des terres, l’ampleur des pertes post-récoltes,  l’enclavement des bassins de production, la longueur des procédures de paiement, l’inadéquation du système des marchés par rapport au calendrier agricole. » Ces problèmes sont connus ; et des solutions préconisées. Seulement ils persistent du fait de la bureaucratie et de la corruption qui ont envahi les champs. Au ministère de l’Agriculture, principalement concerné, l’on explique ce phénomène par la mauvaise tenue des projets et programmes sensés permettre aux Camerounais de manger à satiété et de revendre les excédents de production aux pays voisins notamment. « La majorité des coordonnateurs de ces projets résident à Yaoundé et ne se contentent que de séminaires de renforcement de capacités, explique un ingénieur en service à la direction du Développement rural du Minader. Avec çà il ne peut y avoir d’impact direct sur la productivité des exploitations. Les seuls projets qui fonctionnent à peu près normalement sont ceux qui sont dirigés par des coordonnateurs qui vivent sur zone. Le projet de développement du Mont Mbappit par exemple a des résultats éloquents aujourd’hui et justifie, sans transpirer, les financements reçus. »Mais l’autre grain de sable dans la machine agricole reste les circuits qu’empruntent les financements mis à disposition. Plusieurs fois on a mis le doigt sur les détournements savamment orchestrés par les personnels du Minader, transformés en promoteurs de Gics agricoles réels ou carrément fictifs. D’importantes sommes d’argent prennent des directions autres que celles des champs, comme l’a par exemple décrié André Belebegne, président de l’Association nationale des producteurs de cacao et de café du Cameroun (Anpcc), lors de la dernière cérémonie de lancement de la campagne cacaoyère à Mfou, le 18 août 2011. S’adressant au vice Premier ministre d’alors, l’agriculteur suppliait : « Nous souhaitons que les financements destinés au monde agricole atteignent nos pieds de cacaoyers et de caféiers, au lieu qu’ils empruntent des destinations que nous ne maîtrisons pas. […] Les agriculteurs espèrent un meilleur encadrement cette année, afin de leur permettre de faire de meilleures récoltes et de répondre à la demande sans cesse croissante des consommateurs. »Aux grands maux, de grands remèdes. C’est la raison pour laquelle, conscient de l’espace à défricher, le président de la République, toujours à Ebolowa lors du dernier comice, a fixé le cap.  Paul Biya indiquait alors que ces contraintes « Appellent des réponses urgentes et appropriées. Parmi les plus importantes, je citerai : la mise en place d’une unité de production d’engrais, la mise en activité de l’usine de montage de machines agricoles dont la construction est en cours ici à Ebolowa, la réhabilitation des fermes semencières, la préparation d’une réforme foncière visant à répondre aux exigences de l’agriculture de seconde génération, la construction de marchés et de centrales d’achat de produits agro-pastoraux et halieutiques, la réforme de la formation et de l’enseignement agricoles, le renforcement du dispositif de financement des activités rurales par l’ouverture de la Banque Agricole […] ».Pour un secteur qui contribue à hauteur de 35% au Pib, qui mobilise plus de 60% de la population active et qui est un gigantesque réservoir d’emplois directs et indirects, l’on ne saurait continuer à faire des constats. C’est la raison pour laquelle le Président Paul Biya a lui-même sifflé la fin de la récréation et indiqué que, plus que jamais, « L’heure est à l’action » dans les champs.

William Pascal Balla

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