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Listes électorales : Vers une refonte biométrique

Au cours des consultations qui se poursuivent au siège d’Elections Cameroon (Elecam), une grande majorité  d’acteurs politiques nationaux penchent en faveur de l’établissement des cartes biométriques infalsifiables.

Depuis lundi dernier, des sources concordantes proches du conseil électoral d’Elecam, des partis politiques ayant été reçus au siège de cet organe indépendant et la presse font état d’une possibilité de refonte des listes électorales basée sur la biométrie. L’information est d’ailleurs relayée par notre confrère Cameroon Tribune, qui dans son édition d’hier, cite une une source proche du  président du conseil électoral. Selon le quotidien national en effet, cette affirmation aurait été faite au terme de la séance de travail tenue lundi dernier avec Olivier Bilé, le président de l’UFP.C’était à l’occasion de la deuxième vague des consultations engagées mi février en vue d’arrêter d’un commun accord les modalités pratiques de la refonte des listes électorales, au cours de laquelle outre l’UFP,  l’UFDC de Victorin Hameni Bieleu, le CCP de Edith Kah walla, l’AMEC de Joachim Tabi Owono, le MERCI d’Isaac Feuzeu  se sont relayés au quartier Bastos à Yaoundé, où siège de l’organisme chargé de la gestion du processus électoral au Cameroun. Les consultations des partis politiques ont commencé le mardi 14 février 2012 avec l’accueil de la grande délégation du RDPC conduite par Jean Nkuete, le secrétaire général en personne, et se sont poursuivies le même jour avec l’AFP  de Ben Muna, le Bric de Esther Dang Bayibidio et le Mdr de Dakolle Daïssala, reçus séparément.Si l’information tarde à être confirmée officiellement, il reste que la biométrie est souhaitée par une immense majorité d’acteurs du système électoral camerounais. Elle est en principe destinée à empêcher des fraudes lors des opérations électorales.Mais quoi qu’il en soit, bien de questions relatives à la refonte des listes électorales annoncée sont encore en suspens :1-la régularité juridique  de l’opération de refonte des listes électorales projetéeCette opération a été annoncée par voie de communiqué radio, le 07 février 2012. Jusqu’à présent, l’opinion n’est pas informée d’une décision du directeur général des élections qui ordonne une refonte complète des listes électorales, conformément à l’article 36 (2) de la loi n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d´élection et de suppléance à la Présidence de la République et ses modificatifs subséquents, qui dit clairement que « le directeur général des élections peut, à l’occasion de la révision annuelle, après avis conforme du conseil électoral, ordonner par décision une refonte complète des listes électorales ». C’est donc à juste titre que l’on pourrait se demander si la suspension de la révision des listes suivie de  l’annonce d’une refonte complète du fichier électoral par une instance autre que le Dg des élections est conforme au droit en vigueur.2- les modalités pratiques de cette refonteSera-t-elle biométrique ? Le président du conseil électoral répond par l’affirmative, dans une interview publiée hier sur le site www.cameroon-tribune.cm  signée par Emmanuel Kendemeh.  Si tel est effectivement le cas, comment cette biométrie se manifestera-t- elle ? Sous d’autres cieux, la biométrie se résume pour l’essentiel en une carte d’électeur à puce permettant  l’identification ou l’authentification d’une personne sur la base des données reconnaissables et vérifiables qui lui sont propres, comme les empreintes digitales, la  forme de la main, les traits du visage ou le dessin du réseau veineux de l’œil, etc. Toutes ou partie de ces données doivent donc être enregistrées sur la carte d’électeur pour éviter des fraudes sur l’identité ou des doublons.3- La durée de cette opération et son impact sur le calendrier électoralLe conseil électoral de Elecam, toujours par la voie de son président Samuel Fonkam Azu’u, selon notre source, reste convaincu que les inscriptions sur les listes électorales dans le cadre de l’opération de refonte ne devraient pas durer plus de dix jours sur toute l’étendue du territoire national, si l’on dispose de tous les équipements nécessaires, comme l’a fait le Nigéria. De ce point de vue, le corps électoral pourrait donc bien être convoqué dans les délais fixés par la loi, c’est-à-dire dans le sillage du 22 avril 2012, sans que cela porte à conséquence. Mais le Cameroun n’est pas le Nigéria.  On se souvient en effet qu’il a fallu près de 11 mois  pour enregistrer  7 525 122 électeurs l’année dernière, avec l’appui déterminant du RDPC, et que malgré tout ce temps laissé aux électeurs, les représentations d’Elecam ont été prises en otage par des milliers de personnes qui voulaient encore s’inscrire après la convocation du corps électoral en septembre 2011.  A titre de comparaison pour inscrire les électeurs par biométrie en vue de l’élection présidentielle prévue cette année au Sénégal, la Commission Electorale nationale (Cena) a bien pris huit mois, du 03 Janvier au 16 Août 2011. Le Burkina Faso qui a choisi le leader mondial de la carte biométrique (l’entreprise française Gemalto) à quant à lui besoin de  160 jours (un peu plus de cinq mois) pour enrôler 8 millions d’électeurs.  Il a de ce fait reporté les élections législatives qui étaient prévues en mai 2012.  Le Cameroun ne pourrait-il pas s’en inspirer ?4- le coût Avant de s’attarder sur les coûts de la révision, il faudrait peut-être identifier les besoins d’Elecam, d’abord  pour inscrire les électeurs, en plus pour établir les cartes électorales biométriques, c’est-à-dire disposant d’une puce sur laquelle les empreintes digitales de l’électeur, sa photographie et sa filiation sont enregistrées. De toute évidence, il lui faudra un serveur central capable de détecter tous les doublons, et au moins des serveurs régionaux  et des appareils tout aussi sophistiqués pour les départements et les antennes communales. Elecam aura en plus besoin de matériel pour l’établissement des cartes électorales numérisées, ainsi que de nombreux experts. Selon des sources proches de la direction générale des élections d’Elecam, l’ensemble de l’opération coûterait environ 20,5 milliards de FCFA. Pour l’instant, rien n’est précis. Nos sources font état de ce que le Dg des élections serait encore en mission de prospection en Afrique du sud. Ce n’est qu’à son retour que certaines choses pourraient être clarifiées. Pour ce qui est des sources de financement,  ce pourrait être d’abord l’Etat du Cameroun. Des instructions fermes ont été données par le président de la République pour que les moyens nécessaires soient mis à la disposition d’Elecam pour lui permettre d’assurer convenablement sa mission. Des partenaires ont aussi montré leur intérêt pour l’amélioration du processus électoral camerounais. Certains, comme l’ambassade d’Allemagne, ont déjà offert leur appui logistique et technique au Conseil électoral.  D’autres ne manqueront pas de suivre, compte tenu des enjeux de l’heure.
Longin Cyrille Avomo

Longin Cyrille Avomo

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