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L'Editorial

Leçons de démocratie :

Six mois après l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, la classe politique camerounaise entre à nouveau en effervescence.

Objet des discussions : le code électoral unique. Depuis le début de l’année et tirant des leçons des dysfonctionnements constatés lors du dernier scrutin, opposition et majorité, sous l’impulsion du président Paul Biya, s’étaient mises d’accord pour franchir une nouvelle étape vers l’amélioration du système électoral Camerounais. Des consultations organisées tant par Elecam que par le Premier ministre, chef du Gouvernement lui-même, se dégagea rapidement un consensus : oui à la refonte des listes électorales et à l’adoption de la biométrie. Longtemps réclamées à cor et à cri par l’opposition, ces deux mesures résonnaient comme deux coups de tonnerre dans le ciel électoral camerounais. Les citoyens n’avaient pas encore fini de mesurer leur impact et leur ampleur sur le processus, qu’un troisième retentissait, dans des circonstances quelque peu confuses. La semaine dernière, 24 heures avant la fin de la session ordinaire du mois de mars, le gouvernement déposait à l’Assemblée un projet de loi portant sur le code électoral unique. Le texte était attendu avec impatience, c’est indéniable. Mais pour quoi confondre vitesse et précipitation ? Les députés du groupe parlementaire RDPC – c’est tout à leur honneur – décident alors comme un seul homme de ne pas examiner un texte aussi important en si peu de temps. Le gouvernement cède et accède à leur demande. Une session extraordinaire est convoquée. Là s’arrête le récit, place à l’analyse. Elle s’articule  autour de cinq points. 1- Les institutions de la République fonctionnent normalement au Cameroun. Le gouvernement a déposé sur la table des députés un projet de loi. Les élus du parti majoritaire, en l’occurrence le RDPC, ont estimé, à juste titre, que le temps qui leur était imparti pour examiner le texte était court. Ils ont obtenu une session extraordinaire. Chacun a fait son travail, sans empiéter sur les prérogatives de l’autre. Si ce n’est pas de la démocratie, cela y ressemble étrangement !2- Au niveau de la majorité, le gouvernement, le parti au pouvoir et le groupe parlementaire ont poursuivi leurs échanges. Certes, ils ont parfois été vifs et houleux, mais ils sont restés globalement courtois et constructifs. De part et d’autre, on a senti une réelle volonté d’aller plus loin dans le perfectionnement du système électoral camerounais. Du côté de l’Exécutif, contrairement à certaines mauvaises habitudes, l’humilité est de règle : « Le gouvernement n’est pas omniscient » a confessé le MINATD, prêt à prendre en considération les observations, suggestions et recommandations des députés. Si ce n’est pas de la démocratie, cela y ressemble furieusement ! 3- Pendant que le texte est en discussion au sein de la Commission des lois constitutionnelles, le débat continue au sein de l’opinion et dans les médias à travers des forums, des tribunes libres, des émissions interactives… Le tout assorti de propositions d’amendements et de nouvelle rédaction des articles. Au point où il n’est pas exagéré d’affirmer qu’à travers ce débat citoyen, le nouveau code est sur la place publique. Il appartient maintenant aux députés d’en tenir compte au cours de leur travail parlementaire. Et que le gouvernement reste à l’écoute et joue le jeu de l’ouverture et de la transparence jusqu’au bout ! Si ce n’est pas de la démocratie, ça, alors qu’on nous dise ce que c’est !4- « L’opposition camerounaise est capable du meilleur comme du pire mais c’est dans le pire qu’ils sont meilleurs »… Illustration : alors que le texte est encore en examen à l’Assemblée nationale, sept partis politiques réunis à Bamenda le week-end dernier entonnent le refrain déjà entendu du maximalisme, de la surenchère et du radicalisme. On se demande d’ailleurs si ces hommes politiques d’une certaine époque, qui réclament tant la biométrie et l’introduction des nouvelles technologies dans le système électoral, ne sont pas eux-mêmes déjà en retard d’une évolution mentale et comportementale. 5- Pour le RDPC, enfin, l’adoption du code électoral unique, à l’instar de l’élargissement des collèges électoraux, pose avec plus d’acuité que jamais l’enjeu de la transparence. Un parti qui aura à mobiliser bientôt des centaines de milliers d’électeurs lors de ses consultations internes ne peut pas laisser le monopole et la paternité de la transparence des élections à d’autres institutions. Cette revendication est légitime et les députés du groupe parlementaire du RDPC ont raison de la porter comme ils le font, dans le strict respect des lois et des institutions. C’est aussi cela la démocratie !En tout état de cause, quelles que soient les critiques et les réserves qui l’accompagneront jusqu’à sa promulgation et à son application, le nouveau code électoral unique marque une étape décisive et significative dans la longue marche du Cameroun vers un système électoral crédible et transparent. A condition que tous les acteurs électoraux, les partis politiques en tête, jouent le jeu.

Christophe MIEN ZOK

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