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L'Editorial

Le tournant et le tournis :

A la surprise générale, le mois de janvier tire tranquillement, calmement et  péniblement vers sa fin. Et il ne s’est rien passé.

Une trentaine de jours après le mémorable message à la nation du président de la République, la classe politique est sur les dents et le temps semble avoir suspendu son envol. Jamais mois de janvier, mois de tous les carêmes financiers et de toutes les ramadans salariaux, mois des souffrances et des pénitences, des disettes et des pénuries en tout genre après la période des fêtes de fin d’année, n’avait été aussi long et lent. Aux tares habituelles et aux maux traditionnels du mois de janvier se sont ajoutés cette année l’attente et l’attentisme.
Le mois de janvier, qui tire son nom de Janus l’un des plus anciens dieux de la mythologie romaine, mérite plus que jamais sa renommée et sa réputation de mois de toutes les incertitudes. A l’instar des deux faces de Janus, gardien des portes, les Camerounais surveillent attentivement les « entrées » et les « sorties » du gouvernement. Or depuis sa « sortie » oratoire du 31 décembre, Paul Biya s’est tu. Motus et bouche cousue. Et ce silence est loin d’être rassurant. Alors pour se rappeler à son (bon) souvenir, le taquiner, le provoquer ou essayer de le faire sortir de sa réserve ou de ses gonds, la « cour » s’égaille et s’ébroue dans tous les sens.Les Camerounais observent la scène avec amusement, agacement ou commisération. 
En ce mois de janvier finissant, les cérémonies de présentations de vœux battent leur plein dans les départements ministériels et dans les Régions. Elles donnent une impression d’accélération alors qu’on croit que tout tourne au ralenti. Certains observateurs crient à l’agitation et à l’activisme. D’autres y voient un début de prospective et d’anticipation.Des résolutions pertinentes et des recommandations fortes sanctionnent généralement ces grands-messes de retrouvailles entre « responsables des services centraux, déconcentrés et extérieurs » des ministères. Des langues fourchues, forcément méchantes, estiment qu’il ne s’agit-là que de vœux pieux. Pour eux, il ne faut pas confondre mouvement et bougeotte ni agitation et vitalité, action et prestidigitation. L’avenir nous dira. 
Dans cette période de clair-obscur où les supputations et les tergiversations le disputent à la réflexion et aux certitudes, les fantassins et les francs-tireurs sortent du bois. Les missiles des sicaires et les missives des mercenaires se télescopent ou se neutralisent dans un brouhaha et un tohu bohu indescriptibles. Ils n’épargnent aucun secteur, y compris la « grande muette », sanctuaire présumé du consensus, et forteresse de la discipline, de l’honneur et de la fidélité. Qui tire les ficelles de cette campagne et à qui profite-t-elle ? Qui vivra verra. En attendant, il faut condamner avec force ces manœuvres « subversives » susceptibles de saper le moral des troupes. En ces moments de troubles transfrontaliers, l’armée est sacrée. On n’y touche pas. 
Pour revenir à l’attente et à l’attentisme de ce mois de janvier, il y a fort à craindre que le tournant imprimé par Paul Biya le 31 décembre 2013 ne donne le tournis à certains. Pour ne pas périr comme le bourdon qui finit par sombrer au fond du bocal après avoir longtemps tourné en rond, il est temps de tourner la page – après l’avoir bien lue et assimilée – de l’inertie, de l’individualisme, des pesanteurs et des goulots d’étranglement. Tourner la page, c’est reconnaitre et admettre que « l’horizon politique » est dégagé pour les prochains mois et accorder la priorité des priorités aux conditions de vie des Camerounais. L’heure n’est pas aux querelles individuelles et aux combats d’arrière garde ; l’heure n’est pas aux petits meurtres entre camarades et entre amis ; l’heure n’est pas au jeu de massacre et au lynchage. L’heure doit être au sursaut patriotique qui prépare et préfigure la République exemplaire. 

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