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L'Editorial

La grâce et la disgrâce :

Les pêcheurs en eaux troubles ont encore essayé de troubler les esprits. Après le décret n° 058 du 18 février 2014 du président de la République portant commutation et remise des peines,

ils se sont livrés à leur sport favori : la manipulation, la désinformation, l’insinuation… Aussitôt le décret publié le 18 février 2014, ils ont embouché les trompettes du triomphalisme : « Paul Biya, claironnent-ils, a cédé aux pressions extérieures  ». Comme si la lutte contre les atteintes à la fortune publique résultait d’une pression extérieure ! Ce sont les mêmes qui, il y a quelques années, confondaient sciemment « politique répressive » et « répression politique » en parlant de purges, de procès à tête chercheuse. Devant tant de mauvaise foi, le ministre d’Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux avait dû leur rappeler le 25 octobre 2012 à l’occasion de l’audience solennelle inaugurale du tribunal criminel spécial : « L’opinion c’est l’opinion, la rumeur c’est la rumeur. Les faits sont les faits. La loi c’est la loi ». Et il ajoutait : « L’opinion ne reste que l’opinion. L’opinion ne devient pas les faits. La rumeur non plus ». Heureusement que les polémiques sont toujours passagères. Une semaine après la publication du décret présidentiel, les faits reprennent le dessus. La loi reprend tous ses droits sur les tentatives de manipulation et de désinformation. Que faut-il en retenir en définitive ? 
1- Ce décret du président de la République, pris conformément à la Constitution, n’est pas le fruit d’une quelconque pression extérieure. Si quelques célèbres prisonniers bénéficient de ses effets, ils sont près de 24 000 à espérer remplir les 13 conditions ou critères énumérés par le décret. A cet égard, le crédo de Paul Biya a toujours été : « ni oppression, ni pression »
2- Il ne s’agit pas d’une amnistie mais d’une commutation ou d’une remise de peines. En d’autres termes, le décret du président de la République n’agit que sur la peine d’emprisonnement. Il n’efface ni la condamnation, ni les dommages – intérêts, ni les déchéances, ni les frais de justice. En clair les annales de la justice garderont de manière indélébile que les bénéficiaires du décret du 18 février restent des délinquants économiques. Cette tâche restera à jamais gravée dans leur casier judiciaire. Ceux qui ont été déchus de leurs droits civiques ne les recouvrent pas automatiquement. Avis à ceux qui rêvent d’un destin à la Mandela…
3- Faut-il craindre pour la poursuite de la lutte contre les atteintes à la fortune publique ? La réponse est non ! En effet le décret du 18 février s’applique aux « personnes définitivement condamnées à [sa] date de signature ». En sont donc exclus tous ceux et celles encore en détention préventive ou ayant interjeté appel de leur condamnation antérieure.
4- Le décret du 18 février ne met pas un terme à « l’opération épervier » car il a été pris dans un contexte particulier : la célébration du cinquantenaire de la Réunification. Ce geste de mansuétude, et de « pitié » de Paul Biya à l’égard de certains de ses compatriotes condamnés pour détournement de deniers publics n’enlève rien à sa détermination à assainir la société camerounaise et à lutter contre toutes formes d’atteinte à la fortune publique.
En définitive, Paul Biya, usant des prérogatives régaliennes que lui confère la Constitution, a accordé sa grâce bienfaisante à des compatriotes qui ont violé les lois de la République. La grâce présidentielle n’efface pas la disgrâce sociale. Toutes les tentatives de manipulation n’y changeront rien car comme le disait un auteur contemporain : « La justice, pour être respectable, doit des comptes au droit et non à l’opinion ».C’est ce travail de vérification légale qui est en cours dans les juridictions et dans les prisons. Loin des clameurs de l’opinion et des manifestations de joie, légitimes, de quelques-uns.

Par Christophe Mien Zok

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