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L'Editorial

Le Lion et le Coq :

Le président de la République française effectue une visite de travail et d’amitié ce vendredi à Yaoundé.

François Hollande arrive au Cameroun, précédé par une polémique dont la relation passionnée et passionnelle entre la France et le Cameroun a seule le secret.
En effet, bien avant la confirmation officielle de cette visite par les voix et les voies les plus autorisées, les médias et l’opinion publique s’étaient déjà emparés de la question. Chacun y allait de son couplet et de son argument. Entre ceux qui estiment que le séjour du président français se résume à une escale parce que trop bref et ceux qui auscultent les rapports personnels entre les deux chefs d’Etat, il y a de quoi alimenter tous les scénarios et toutes les intrigues dignes d’un roman. La polémique, aussi stérile qu’inutile, enfle, enfle, enfle… Mais c’est connu : on ne fait pas de bonne politique avec les sentiments encore moins avec des passions et de l’émotion. Il faut toujours savoir raison garder.
Au demeurant, à l’aune de la coopération et à l’échelle de l’histoire, les passions et les émotions cèdent la place à la raison et au réalisme. S’il y a un domaine qui s’abreuve abondamment à la fontaine du pragmatisme, c’est bien la diplomatie qui est à la confluence de la politique,  de la culture, de l’économie, de la science… Avant François Hollande et De Gaulle (1940), d’autres présidents de la Vème République française ont foulé le sol camerounais : Giscard d’Estaing (1978), François Mitterrand (1983), Jacques Chirac (2001). Qu’un chef d’Etat français ne soit pas venu au Cameroun depuis quatorze ans n’y change rien. Les hommes passent et la relation France-Cameroun résiste aux temps et aux sautes d’humeurs. Paul Biya et François Hollande ont le devoir d’écrire une nouvelle page de cette histoire parsemée de hauts et de bas, de malentendus et de complicités, d’incompréhensions et de réconciliations, d’attraction et de répulsion.   Une histoire parfois tourmentée et tumultueuse mais qui ne va jamais jusqu’à la rupture parce qu’en fin de compte, les partenaires se doivent respect mutuel et sont liés par de solides intérêts réciproques.
« Un président n’a pas d’amis », dixit la journaliste Françoise Giroud. Nous ajoutons : les Etats non plus. L’évolution de la relation entre la France et le Cameroun exige de ce fait plus de raison que de passion, de logique que d’émotions. Les vicissitudes de l’histoire et les sinuosités de la géographie ont voulu que la France « héritât» du Cameroun comme butin de guerre en 1916 après le premier conflit mondial. Avant elle, Hanon le Carthaginois aurait pu prendre possession des terres de ce qui deviendra le Cameroun lorsque, pendant son périple, il aperçut le Mont-Cameroun en éruption et le baptisa « char des Dieux ». Avant la France, les Portugais auraient bien pu, au 14ème siècle, ne pas se contenter de désigner « Rio dos Cameroes », le fleuve Wouri qu’ils croisèrent sur leur chemin. Avant la France, les Allemands (1860, 1884) avaient déjà fait du Cameroun un protectorat puis une colonie (1911). Le Cameroun a déjà noué ces contacts avec le monde extérieur lorsque la France et la Grande Bretagne obtiennent de la Société des Nations (SDN) le mandat d’administrer le Cameroun (1919, 1922). En 1946 ces mandats sont transformés en tutelles.
Ce rappel historique démontre à suffisance qu’entre la France et le Cameroun ce ne fut pas un coup de foudre mais un « mariage arrangé ». Un mariage de raison. Un siècle plus tard, le Cameroun symbolisé par le Lion et la France ayant le Coq gaulois pour mascotte sont condamnés à s’entendre en raison de cette histoire ci-dessus rappelée et des sillons profonds creusés par et avec le temps. Le Lion n’a pas besoin de rugir ou de dresser sa crinière pour être entendu.
Le Coq n’a pas besoin de chanter ou de monter sur ses ergots pour être entendu. Les rugissements et les cocoricos peuvent bien devenir symphonie. Le Coq et le Lion n’ont pas besoin d’états d’âme. Ils sont dans une relation rendue… normale par les enjeux stratégiques et les intérêts économiques et humains. Vous avez dit normal ou normalisation ? C’était bien l’un des slogans de François Hollande alors candidat à l’élection présidentielle française. Alors le Cameroun souhaite pour cette visite normale, une chaleureuse et cordiale bienvenue à M. François Hollande, Président de la République française pour une relation franco-camerounaise toujours plus… normale, solide, mutuellement fructueuse et bénéfique. Welcome to Cameroon, Mister Hollande.

CMZ

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