Site Web Officiel du Journal L'Action
L'Editorial

La graine et le fruit :

Que peut-on dire ou écrire sur la rentrée scolaire qui n’apparaisse pas comme un lieu commun ou un poncif ?

Tout ou presque a déjà été dit sur la plupart des aspects de ce moment important de la vie socio-économique voire politique et culturelle du pays. D’une année à une autre, chaque mois de septembre ou d’octobre est rythmé par la fièvre, le stress et l’effervescence de la rentrée scolaire. 
Aucun secteur d’activité n’y échappe : les BTP pour les infrastructures, les menuisiers, les transporteurs, les restaurateurs, les tailleurs, les libraires, etc. Au premier rang de ces « acteurs » figurent également les parents et les enseignants, les deux principaux pôles sur lesquels repose l’éducation. De la collaboration et de la synergie entre tous ces acteurs dépend la réussite d’une rentrée scolairePlus que jamais, l’expression « communauté éducative » prend tout son sens : chaque maillon de la chaîne a son rôle à jouer et il n’est pas des moindres. Que serait l’année scolaire sans les transporteurs, les tenanciers des petits commerces au sein des établissements ou les tailleurs qui confectionnent les tenues scolaires et bien d’autres ?
Toutefois, le retour des classes ne se limite pas seulement aux fournitures scolaires, aux frais de scolarité et aux aspects financiers, matériels, logistiques et économiques d’un tel évènement. Peut-on s’attarder sur les conséquences sans réfléchir sur la cause de cette effervescence ? Peut-on broder sur l’épiphénomène au détriment du phénomène lui-même ?
La cause, le phénomène de ce branle-bas cyclique qu’est la rentrée scolaire, reste tout de même l’école, moule et creuset de l’éducation. Malheureusement, notre société a tendance à la reléguer au second plan. Et pourtant une question fondamentale demeure : que vaut l’école camerounaise aujourd’hui ? Mérite-t-elle vraiment toute cette débauche d’énergies et ces sacrifices financiers ? Question subsidiaire : l’école et l’éducation véhiculent-elles encore des valeurs au sein de la société camerounaise ?
Ces questions méritent d’être posées, sans toutefois ignorer que l’éducation aussi est largement influencée, en bien et en mal, par la société. Ces questions méritent d’être posées d’autant plus que l’environnement et le climat qui règnent dans ce secteur ne sont pas des plus reluisants. En effet, comment peut-on parler de valeurs et de principes lorsque des rumeurs de plus en plus persistantes font état d’achats de postes de nomination dans les établissements scolaires ? Les montants avancés donnent le tournis. A chaque poste son tarif : les plus convoités étant les postes de proviseurs ou de directeurs de CES… Le calcul mental n’a plus beaucoup d’adeptes dans les salles de classes mais il a du succès sur le terrain.
Comment peut-on encore parler de valeurs lorsque les parents eux-mêmes sont prêts à toutes les compromissions pour la réussite de leurs enfants : âges truqués, bulletins trafiqués, notes arrangées ou achetées… ?
Au-delà des aspects matériels et commerciaux c’est-à-dire la quincaillerie de la rentrée scolaire, il est temps de s’intéresser au contenu et au logiciel de notre système éducatif. Que vaut-il ? Que représente-t-il ? Où mène-t-il ? Ses produits et ses fruits sont-il succulents ? Assurément, ils sont nombreux les produits et les fruits de notre système éducatif : chaque année des diplômes tombent de l’arbre éducatif par milliers. Si l’on s’en tient seulement à la quantité de ces fruits, on dira que l’arbre est productif. Mais quid de la qualité ?
L’erreur de notre système éducatif est justement d’avoir privilégié le fruit au détriment de la graine. Certes la graine est à l’intérieur du fruit mais il faut le rappeler : « un fruit dépérit, la graine se conserve pendant des siècles ». Notre système éducatif doit avoir à cœur de produire de belles graines. Le fruit ici est synonyme de savoir et la graine symbolise la connaissance. Or, « le savoir vieillit, la connaissance non ».
Faut-il encore le rappeler ? Connaître signifie étymologiquement naître avec. En cette année 2015, faisons de la rentrée scolaire et de l’Ecole non un signe éphémère, un phénomène passager, mais un symbole durable : « un signe subit l’usure du temps, le symbole, non ».
Bonne rentrée à toutes et à tous. 

CMZ

Articles liés