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L'Editorial

Bras de fer :

Ce n’est jamais bon signe, du moins pour la société, lorsque le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel se livrent à un bras de fer sur la place publique.

L’Eglise catholique qui est au Cameroun a décidé de s’opposer à la justice voire à l’Etat camerounais au sujet des circonstances de la mort de Monseigneur Jean Marie Benoît Balla, Évêque du diocèse de Bafia dont la dépouille a été retrouvée le 4 juin 2017 dans les eaux du fleuve Sanaga, non loin de Monatélé. On se souvient que le 4 juillet dernier, le Procureur Général près la Cour d’appel du Centre avait publié un communiqué qui concluait que « la noyade est la cause la plus probable du décès de l’Évêque ». Cette prise de position publique, inédite dans les annales judiciaires au Cameroun, prenait le contrepied de la déclaration des Évêques en date du 13 juin selon laquelle, le prélat avait été « brutalement assassiné» .
Les deux positions sont aussi inconciliables qu’irréconciliables. D’un côté le dépositaire du pouvoir judiciaire dont l’avis se fonde sur l’expertise technique de médecins légistes nationaux et internationaux. De l’autre, les représentants de la Conférence épiscopale, Princes de l’Eglise, qui mettent en avant leur intime conviction forgée et renforcée par leurs propres observations et constatations. Laquelle des deux thèses est la plus…convaincante? Le peuple, croyant ou non, s’est déjà fait sa propre religion de ce drame, « un de plus, un de trop », qui touche l’Eglise catholique. Toutefois, en attendant que toute la lumière soit faite sur cette tragédie, il y’a lieu de rappeler la nécessité du respect des institutions de la République. Et du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs.
Les Camerounais en général et les chrétiens catholiques en particulier ont le droit de connaître les circonstances de la disparition de Mgr Jean Marie Benoît Balla. Pour ce faire il existe une institution nommée justice qui agit et est rendue au nom du peuple camerounais. Si l’Eglise veut se substituer à cette composante du pouvoir temporel, elle n’a qu’à le dire et qu’elle aille jusqu’au bout de sa logique. À savoir qu’elle présente au peuple Camerounais les résultats de ses propres investigations, assortis des noms et des mobiles des suspects et qu’elle organise un procès en bonne et due forme. Le spirituel supplantera alors le temporel et ce sera la fin de la République. 
La disparition d’un évêque, noyé ou victime d’un assassinat, est loin d’être un fait banal. Elle n’autorise pas pour autant toutes les hérésies et les provocations auxquelles assistent, médusés, les Camerounais, croyants ou non. L’Eglise a besoin de la République et vice-versa. Les deux institutions n’ont pas intérêt à s’affronter sur la place publique. Le peuple Camerounais pour sa part attend la vérité. La justice des hommes, celle de la République, doit se dépêcher pour la lui apporter. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Il y va de sa crédibilité. À défaut, la justice immanente ou justice divine, la supplantera. Tôt ou tard. Car Dieu écrit droit avec des courbes. 

Par Christophe Mien Zok

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