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L'Editorial

État de droit et droit de l’Etat

Le sujet est suffisamment pointu, ardu et complexe pour que les profanes s’y aventurent. À intervalles réguliers, au Cameroun comme ailleurs, le débat sur l’état de droit fait irruption sur la scène politique, provoque des éclats de voix et divise les spécialistes avant de disparaître momentanément des écrans et des radars. Pas pour longtemps, rassurez-vous, car le sujet revient toujours très rapidement au-devant de l’actualité. Tel est le cas depuis quelques semaines au Cameroun à l’occasion des marches que le Mrc voulait organiser le 22 septembre et qui ont connu un échec retentissant. Avant, pendant et après cette initiative foireuse, le ban et l’arrière-ban des juristes de ce parti ont écumé l’espace médiatique pour vitupérer contre de prétendues atteintes à l’état de droit et aux libertés individuelles de la part des pouvoirs publics dont le seul « crime » est d’avoir pris des dispositions en amont pour étouffer cette entreprise illégale dans l’œuf.
Du côté du pouvoir, des arguments ont également été brandis pour soutenir et justifier l’arsenal des mesures prises en vue de préserver l’ordre public. Ces arguments trouvent leur fondement juridique dans …l’Etat de droit. Quelle est donc cette notion que chaque partie peut convoquer à sa guise pour défendre sa cause et justifier les moyens utilisés pour parvenir à ses fins? L’Organisation des Nations unies définit l’état de droit comme un « principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’Etat lui-même, ont à répondre de l’observation des Lois promulguées publiquement appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de Droits de l’homme. » Bien entendu, chacun lira cette définition avec des œillères et n’en retiendra que les aspects qui lui conviennent, mais on retient que l’état de droit s’applique à « l’ensemble des individus », aux institutions et à l’Etat lui-même.
Or au Cameroun, une tendance largement répandue voudrait faire croire que seul l’État est soumis au respect obligatoire de l’état de droit; son application étant facultative pour les citoyens et même pour certains responsables politiques. Au nom de cette interprétation abusive et erronée, des séparatistes peuvent tuer, violer, voler impunément des civils innocents sans que l’Etat ne riposte. S’il a la mauvaise idée de le faire, il s’attire immédiatement les foudres des organisations de défense des droits de l’homme. Dans la même logique, des responsables d’un parti politique peuvent appeler à manifester pour faire partir un président démocratiquement élu avant la fin de son mandat! État de droit à tête chercheuse, mon œil! Comment consolider l’état de droit sans renforcer le droit de l’Etat? Poser cette question c’est déjà reconnaître que le droit de l’Etat est aussi le maintien de la tranquillité et de l’ordre publics. Toute autre conception relève de la myopie et de la mauvaise foi. En d’autres termes, si l’Etat ne peut pas exercer son droit régalien qui consiste à préserver l’ordre public et les libertés de l’ensemble des citoyens, il n’y a pas d’état de droit du tout.

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