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L'Editorial

“Veni, vidi, vici”

Après sa participation-surprise et très réussie au deuxième sommet Russie-Afrique qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg du 27 au 28 juillet 2023, Paul Biya, pur produit des humanités gréco-latines ne se risquera pas à emprunter la célèbre formule de Jules César: « je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu ». Par tempérament, par expérience et en raison de son caractère et de son éducation, il n’est pas adepte des coups de menton, des déclarations tonitruantes et des roulements de mécaniques. Il vous dira de sa voix calme et posée qu’il n’y a aucune victoire dans ce déplacement mais une posture et une démarche normales dictées par des convictions anciennes et des certitudes fortes selon lesquelles les États n’ont pas d’amis mais des intérêts à défendre. Il ne fera donc pas dans la démonstration ou dans la gesticulation qui, selon lui, n’est pas synonyme de vitalité ou d’efficacité.

Son voyage en Russie constituait pourtant à lui tout seul un événement et il aurait pu se contenter d’une présence discrète et silencieuse qui suffisait à occuper les observateurs, les commentateurs et les exégètes de tous bords. Il ne s’agissait nullement d’une version contemporaine de la campagne de Russie menée au 19ème siècle par l’empereur français Napoléon 1er.  Mais pour les tenants de l’ordre dominant occidental qui veut absolument contrôler et régenter les relations internationales, ce qui s’est passé à Saint-Pétersbourg n’est pas loin de rappeler la Berezina, du nom de ce désastre militaire que connut l’armée napoléonienne, incapable de franchir la rivière éponyme. Ils ont tout tenté pour dissuader les Chefs d’Etats africains de se rendre en Russie: menaces, chantage, intimidations, interdiction de survol des espaces aériens européens, etc.

Paul Biya en tête, les dirigeants africains n’ont pas cédé.

D’abord sceptiques et dubitatifs, les Camerounais ont laissé éclater leur fierté devant les prestations physiques et intellectuelles de leur Président tout au long de ce séjour en terre russe. Non, Paul Biya n’a pas la fougue et la vigueur juvéniles de certains de ses homologues ou le caractère impétueux, tempétueux et belliqueux assorti de déclarations martiales des jeunes loups aux dents longues qui découvrent le pouvoir suprême. Patricien madré, il use de mots avec parcimonie mais avec une efficacité chirurgicale. Toujours posé, courtois, il délivre son message sans émotion ni pathos mais avec un sens de la maitrise et de la litote qui devraient être dispensées pendant les cours de rhétorique.

Avec lui, il ne faut pas s’attendre aux effets de manches. Seuls comptent les actes, dépouillés de tout ce qui est vanité et fatuité, rodomontade et hyperbole. En quelques mots justes et appropriés, il a délivré le fond de sa pensée, convaincu ses interlocuteurs sur sa sagacité et sa perspicacité tout en confondant de nombreux détracteurs et contempteurs qui se faisaient un malin plaisir à mettre en doute sa lucidité et ses capacités intellectuelles. Paul Biya est donc allé en Russie et les observateurs peuvent dire en chœur: on l’a vu et il a convaincu. Il a surtout fait l’essentiel: défendre les intérêts du Cameroun et de l’Afrique.

Plus rien ne sera comme avant dans les relations internationales après ce deuxième sommet Russie-Afrique. Paul Biya y a joué un rôle majeur et c’est tout à son honneur et à celui de son pays. Et le coup d’état intervenu au Niger pendant cette période illustre à merveille cette nouvelle donne. Il n’est pas question d’accorder une prime aux putschistes mais la concomitance entre les deux événements envoie, urbi et orbi, un message subliminal qui mérite d’être décrypté.

Par Christophe Mien Zok

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