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L'Editorial

Après la pluie…

Les climato-sceptiques doivent être bien embarrassés en ce moment. Il pleut des cordes à Yaoundé ces jours-ci. On ne dirait pas un mois de juillet. Le changement climatique est une réalité qui se déroule sous nos yeux. Au rythme où tombent les pluies, la capitale du Cameroun est bien partie pour battre des records de pluviométrie. Dire que la Confédération Africaine de football avait initialement pensé à organiser la coupe d’Afrique des Nations en ce mois de juillet! On l’a échappé belle. Il en est ainsi de la météo atmosphérique comme de la météo politique: changeante, imprévisible, capricieuse.
Voici un peu plus de dix-huit mois que Paul BIYA a prêté serment pour son septième mandat qui court jusqu’en 2025. Certes, avant et même pendant la campagne, la météo signalait déjà un avis de tempête sur le ciel camerounais. De gros nuages s’amoncelaient depuis plusieurs mois au-dessus des Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest; l’Extrême-nord était toujours en proie à la menace de BOKO HARAM. Mais les plus optimistes comptaient sur l’expérience du capitaine du bateau et toutes ses années de navigation par mauvais temps pour conduire le navire à bon port. Il faut dire que Paul BIYA en sait quelque chose lorsqu’on parle de naviguer sur une mer agitée. Depuis 1982, il en a affronté des tempêtes! Il a souvent plié comme en 1984, mais comme le roseau, il n’a pas rompu. Des plans d’ajustement structurel au vent de la démocratie, des années de braise au début des années 90 en passant par l’initiative PPTE, les émeutes de la faim, le conflit de Bakassi avec le Nigeria, la dévaluation et toutes sortes de complots internes et d’adversités externes, le bateau Cameroun a toujours su se frayer un chemin entre ces écueils. On doit ces exploits à la solidité du navire mais aussi à l’habileté de celui qui tient le gouvernail.
Alors qu’on pensait les eaux redevenues calmes et des rivages plus sereins en vue, la météo a tendance à se dégrader de nouveau. Depuis la prestation de serment en novembre 2018, les cieux sont loin d’être cléments; le Cameroun est sous la double menace des activistes issus pour la plupart d’un parti politique dont le leader réclame, à tort, la victoire à la dernière élection présidentielle et des séparatistes revendiquant, par la lutte armée, la sécession d’une partie du territoire. On peut rêver d’un meilleur état de grâce au début d’un nouveau mandat. Et comme en plus, la longévité et les coups de boutoir venus de l’intérieur ont usé et terni la grâce d’Etat, on comprend qu’il n’y aura pas de coup de baguette magique ou de barre miraculeux si tous les passagers du bateau ne regardent pas et ne rament pas dans la même direction. Un navire qui affronte des vents contraires avec à son bord des marins qui rament à contre-courant n’a pas beaucoup de chances d’arriver à bon port.
Telle est la malédiction-ou le mérite-du Renouveau: naviguer de tout temps sur une mer agitée en surface et en profondeur mais aussi se méfier de ceux qui, bien qu’à bord, œuvrent et manœuvrent pour que le bateau coule. Dieu merci, le naufrage nous a été épargné jusqu’à présent. Mais dix-huit mois après le début du mandat, voici que la météo se dégrade encore avec l’apparition de la pandémie du covid-19. En quatre mois elle a déjà causé d’énormes dégâts sur son passage et à l’instar des fortes pluies qui tombent sur Yaoundé en ce moment, personne ne peut prédire quand elle s’arrêtera. Et surtout dans quel état elle (la pandémie) laissera le Cameroun sur le plan sanitaire, économique, financier voire socio-politique. Avec un peu d’objectivité, il est aisé de reconnaître et d’admettre que les 38 ans au pouvoir de Paul Biya n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille. On peut donc lui accorder des circonstances atténuantes même si une certaine lucidité commande également de ne pas négliger le travail de sape des sous-marins qui, de l’intérieur, n’ont ménagé aucun effort pour saborder le navire.
Malgré toutes ces tentatives et ces manœuvres, le Renouveau restera toujours ce phare qui, même par mauvais temps, assure grâce à son faisceau lumineux la sécurité des navires et les conduit à bon port. Après la pluie, vient toujours le beau temps.

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