Le chef de la Division de la communication du ministère de la Défense a littéralement crevé l’écran lors de l’émission « La vérité en face » diffusée sur ÉquinoxeTélévision dimanche dernier. Portrait.
Il est venu, il a vu et il a vaincu. Il est arrivé, vêtu de sa tenue d’apparat d’un blanc immaculé. Comme une colombe blanche. Les boutons dorés et les galons noirs ornés de trois barres jaunes et deux blanches correspondant au grade de capitaine de frégate dans la Marine camerounaise lui donnaient une silhouette d’ange face à ses contradicteurs vêtus de noir. Cyrille Serge Atonfack Guemo, Chef de la division de la communication du ministère de la défense depuis bientôt deux ans, ancien Conseiller technique dans ce même département ministériel, est donc apparu aux téléspectateurs dimanche soir sur Équinoxe télévision. Les réseaux sociaux avaient abondamment annoncé le rendez-vous médiatique. Mais le créneau horaire et le format de l’émission ne garantissaient rien en termes d’audience, d’autant que le paysage télévisuel camerounais regorge de clones dans ce registre et à la même heure. Et puis, ce « client » presque spécial avait déjà pointé son crâne dégarni et ses fines lunettes qui lui donnent un air d’intellectuel sur d’autres plateaux. C’est un habitué des médias et on le voit régulièrement assis aux côtés du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, lors des points de presse relatifs à la situation et à l’actualité sur la sécurité. Ce n’était donc pas à proprement parler une surprise de le voir sur un plateau de télévision. La Grande Muette a décidé de s’ouvrir et de parler. Le Capitaine de frégate Atonfack, recruté au sein de l’armée camerounaise en 1996 et formé non pas à Saint-Cyr comme l’aurait prédestiné l’un de ses prénoms Cyrille, mais à la prestigieuse École du Commissariat de la Marine de Toulon en France, en est devenu l’un des porte-voix. Il est donc arrivé sur le plateau de Equinoxe Télévision comme sur un terrain miné, c’est le moins que l’on puisse dire, prêt à voir sa belle vareuse d’un blanc étincelant être « salie » face au feu nourri des questions de ses contradicteurs. Les sujets d’actualité s’y prêtaient. On se serait attendu à ce qu’il use de la langue de bois. Que non! Le marin au long cours, né à Dschang le 27 juin 1972, sait certes nager entre deux eaux comme le poisson, mais il ne dédaigne pas le corps à corps. Normal quand on a grandi non loin de Koutaba, à quelques encablures du Bataillon des troupes aéroportées. Ses intervieweurs l’ont appris à leurs dépens: quand ils l’attendaient de pied ferme sur tel sujet, au lieu d’ouvrir le parachute, il avait déjà enfilé les palmes des hommes grenouilles ou emprunté un véhicule amphibie pour leur glisser entre les doigts comme une anguille. Torpilles La couleur blanche est synonyme de pureté, de vérité, de franchise, de…paix. Pendant plus de 90 minutes, on a entendu la vérité de l’armée camerounaise sur la plupart des sujets de l’actualité militaire et des griefs qui lui sont faits. Avec une bonne dose de franchise et d’humilité: « l’Armée peut commettre des erreurs; cela s’appelle des dégâts collatéraux ». Sur l’affaire Wazizi, du nom de cet animateur mort alors qu’il faisait l’objet d’une exploitation opérationnelle en raison des soupçons de complicité avec les séparatistes, il a balancé quelques « torpilles » qui ont atteint leur cible: « Wazizi était un petit terroriste que l’on peut classer à une échelle de 20 sur 100. Son cas n’est pas emblématique. Il est mort de maladie. Il n’a pas été torturé. Son corps est scellé en attendant les résultats de l’enquête prescrite par le Chef des Armées ». Sur Ngarbuh, il a été offensif et droit dans ses bottes blanches, tâclant au passage les médias et les Ong de défense des droits de l’homme: « Ce que dit Human Rights Watch n’est pas la bible. Pourquoi les médias ne parlent pas de ces terroristes qui tuent, violent, éborgnent les innocents ou brûlent écoles et hôpitaux ? ». Embarras des journalistes, obligés de se défendre. L’audimat de l’émission a failli exploser lorsqu’il a acculé les journalistes sur le cas de Kingsley Njocka, un « vrai » journaliste, contrairement à Wazizi, et qui aujourd’hui est en détention préventive à la prison de Kondengui. Alors que les journalistes, semblaient visiblement mal à l’aise avec ce sujet qu’ils n’avaient pas vu venir, l’artificier Atonfack n’a eu de cesse d’y revenir et lorsqu’il a enfin obtenu la fenêtre de tir, il a sorti ses missiles mer-sol: « si Njocka Kingsley ne vous dit rien, c’est que vos investigations ont des limites; vous êtes enfermés dans votre bulle ». Et d’asséner le coup de grâce à ses contradicteurs: « Wazizi était un petit terroriste alors que Njocka est à l’échelle de 120 sur cent. C’est un terroriste convaincu, coordonnateur des Bui Warriors. Il est la preuve vivante qu’on peut être journaliste et terroriste. Si Njocka, qui a fait pire que Wazizi, n’a pas été torturé, alors Wazizi ne l’a pas été. » CQFD. Les téléspectateurs ont finalement eu droit à une belle émission, un bon moment de télévision avec des révélations, des scoops croustillants-l ’arrestation des assassins de Florence Ayaforet en prime une leçon de civisme et de droit constitutionnel de la part d’un invité ayant un bon bagage en droit sous son képi: « l’Armée camerounaise est républicaine et légaliste. Elle ne soutient pas un camp politique. Elle soutient et défend les institutions et ceux qui les incarnent. Comme ces derniers ont reçu mandat du peuple, l’Armée défend par conséquent le peuple. » Imparable. C’est au nom de ces valeurs républicaines que nous avons cru devoir consacrer ce portrait instantané à cet officier supérieur de notre armée qui se bat avec honneur et fidélité sur le front, ô combien difficile, de la communication. Si ses intervieweurs en ont eu pour leur grade le temps d’une émission, ils n’étaient pas au « garde-à-vous » et n’ont pas démérité pour autant. Si la prestation de l’interviewé a été aussi brillante, ils y ont sans doute leur part de mérite. Sur un autre plateau, la confrontation aurait sans doute tourné à la complaisance et à la connivence. Chacun a rempli sa mission. Mention spéciale au Capitaine de frégate Atonfack qui n’a pas hésité à affronter le feu roulant des questions des journalistes sur un plateau réputé « difficile », voire hostile pour le pouvoir en place. Il s’en est sorti avec brio et son habit de lumière n’a pris aucune tache. Il est venu, il a vu et il a vaincu et convaincu par la force des arguments.
CHRISTOPHE MIEN ZOK