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L'Editorial

L’effet boomerang

Un peu plus de trois ans se sont écoulés depuis le début de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Trois ans d’escalades verbales, d’escarmouches armées, d’accrochages entre militaires et milices armées, d’exactions sur les civils, notamment les enseignants, les infirmiers et même les élèves. Aujourd’hui, certaines localités de ces deux régions sont désertes; les dégâts et les pertes sont énormes au plan socio-économique; les habitants ont fui leurs maisons pour se réfugier, au Nigeria pour certains, et surtout dans les régions francophones pour la plupart. Comble de l’ironie et de la contradiction, les « francophones » sont pourtant présentés par les idéologues séparatistes comme les « ennemis » des « Anglophones ». Et voilà que la « victime » vient trouver refuge auprès de son « bourreau »; que l’agneau vient se jeter dans la gueule du loup! Si la situation n’était pas aussi tragique, un haussement d’épaules, synonyme d’indifférence, aurait suffi. Mais quel Camerounais sérieux peut rester un tant soit peu indifférent et insensible aux souffrances de ces compatriotes, victimes, malgré elles, de la barbarie, de la sauvagerie et de la folie meurtrières de ceux-là qui se sont auto-proclamés comme les libérateurs de ces deux régions?
Alors que l’opinion nationale et internationale continue à être manipulée et intoxiquée par la propagande des sécessionnistes et de leurs soutiens qui rejettent à tort la responsabilité des violences et de l’escalade sur les forces de défense et de sécurité camerounaises, la réalité est toute autre sur le terrain. La « guerre de libération » de l’Etat imaginaire dénommé Ambazonie tourne au « cannibalisme », puisque les principales victimes de cette aventure suicidaire sont les…Anglophones eux-mêmes. Le boomerang est revenu à la figure de celui qui l’a lancé. Qui crache en l’air…La démonstration est faite de manière implacable dans un excellent article publié hier par le journal The Guardian Post. Après avoir longtemps succombé à la « dictature » de l’actualité qui forcément occulte et minimise certaines réalités, cette publication a décidé de mettre en perspective l’événement tragique que constitue cette crise.
Faits et chiffres à l’appui, ce journal démontre donc que les populations du Nord-ouest et du Sud-ouest, communément désignées sous le vocable d’anglophones, paient le plus lourd tribut à la « guerre d’indépendance » déclenchée par des aventuriers sans foi ni loi tapis pour la plupart hors du Cameroun. Au plan économique, le journal cite la ruine de la CDC, de la PAMOL, hier fleurons de l’agro-industrie camerounaise, saccagées par les combattants sécessionnistes. Dans le même registre, il accuse les séparatistes de s’enrichir en commercialisant les récoltes de cacao, d’huile et d’autres produits agricoles confisqués aux populations.
Au plan social, l’auteur de l’article rappelle les assassinats et les enlèvements contre rançons de certaines autorités administratives et élites. Le cas le plus emblématique voire énigmatique reste celui de Ni John FRU NDI, enlevé deux fois le 27 avril 2019 et le 28 juin de la même année. Quand on ajoute à toutes ces exactions les tortures que constituent les villes mortes hebdomadaires et les rackets en tout genre, la conclusion coule de source: la prétendue « guerre de libération » tourne au cauchemar, non pas du fait des prétendus « envahisseurs » francophones mais à cause des libérateurs auto-proclamés. Hélas, comme toute révolution digne de ce nom, la crise du NOSO finit par dévorer ses propres enfants. Les événements prennent une tournure à la fois ironique, dramatique et inattendue lorsque les déplacés venus des régions anglophones sont transformés en « mendiants » et les filles en « prostituées », qui plus est, dans les rues des villes francophones. Et, comble de l’humiliation, ils doivent, pour survivre dans ce nouveau milieu, se soumettre à parler cette langue française tant honnie et abhorrée ; « haïe et maudite », à l’origine de cette sale guerre, conclut le journal.
Mention spéciale au journal The Guardian Post pour cet article réaliste et lucide. Il faut maintenant espérer qu’il puisse produire une toute petite étincelle dans l’esprit de ceux qui sèment la mort et la désolation sur le terrain ainsi que dans les consciences -s’ils en ont une- de leurs commanditaires éparpillés et confortablement installés à l’extérieur. Les marionnettistes peuvent quand même avoir pitié de leurs propres « marionnettes » qui font désormais pâle figure.
Si on leur posait la question chère à l’un de nos enseignants à l’Ecole de Journalisme de Yaoundé, lui-même originaire du Nord-ouest, à savoir: « who gains? who loses? » (qui gagne; qui perd?) ils se gratteraient sans doute la tête en signe d’embarras et de circonspection. Et pourtant, la réponse coule d’elle-même: c’est tout le Cameroun, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest qui est perdant dans cette crise dont les fondements légitimes sont aujourd’hui dévoyés et détournés par des opportunistes et des affairistes moyennant la terreur, le racket, le vol, le viol, les assassinats de sang froid.
La morale de cet article et de cette crise, mais on le savait déjà, est la suivante: le vrai bourreau n’est pas celui que l’on croit. Même si nos compatriotes Anglophones semblent le découvrir sur le tard, ils peuvent continuer à faire confiance à Paul BIYA, le « mendiant de la paix », qui ne ménage aucun effort pour la résolution de cette crise qui n’aurait jamais dû durer autant de temps et atteindre le niveau actuel avec un bilan aussi lourd.

Par Christophe Mien Zok

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