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L'Editorial

Une victoire et une défaite

La sixième édition du championnat d’Afrique des nations (CHAN) s’est achevée dimanche dernier à Yaoundé par la victoire du Maroc qui conserve ainsi son titre acquis en 2018. Le Cameroun termine la compétition au pied du podium, à la quatrième place, piteuse pour certains, honorable et inespérée pour d’autres. Il convient de reconnaître qu’en quatre participations, le Cameroun n’avait jamais franchi le premier tour. Pour les optimistes indulgents, ce résultat est à saluer, au regard de l’environnement et du contexte actuels du football camerounais. Pour les pessimistes et insatisfaits, la performance est un échec pour le pays organisateur. Le verre à moitié vide ou à moitié plein; à chacun son point de vue et son prisme. En réalité, le désenchantement et la désillusion ne peuvent surprendre que les naïfs. Avant même le début de la compétition, les Camerounais savaient que le principal enjeu de ce CHAN n’était pas sportif mais bel et bien celui de l’organisation. À cet égard, il n’y a aucun risque ni crainte à affirmer que si le Cameroun a perdu la bataille sportive, il a sans nul doute remporté la guerre médiatique, psychologique et politique et relevé le pari de l’organisation du tournoi. Les détracteurs et les contempteurs se sont tus au regard de la beauté des stades, de la qualité des pelouses, des hôtels et de l’efficacité de la machine technique et logistique mise en place.
Les observateurs, les invités et les participants s’accordent à dire, presque à l’unanimité, que le Cameroun a organisé l’une des meilleures éditions du CHAN depuis la création de cette compétition. Il convient de reconnaître que le pays de Paul BIYA a su mettre à profit les multiples reports dus à la situation sanitaire pour peaufiner sa stratégie et roder son organisation. Et comme le CHAN n’est que l’antichambre, l’avant-goût, l’échauffement en prélude à la CAN prévue en 2022, les mêmes observateurs salivent déjà et ne doutent pas que moyennant une capitalisation de l’expérience du CHAN et une prise en compte des observations des uns et des autres, la CAN 2022 sera un triomphe. Les Camerounais et leurs dirigeants ne bouderont pas ces plaisirs, d’aujourd’hui et de demain, eux qui ont longtemps subi les moqueries et les sarcasmes des autres pays. Fair-play, les mêmes contempteurs d’hier ont trouvé une parade et une repartie savoureuses: « avant, disent-ils un rire narquois en coin, le Cameroun avait des joueurs qui lui permettaient de gagner des compétitions mais il n’avait pas de stades; aujourd’hui il a de somptueux stades mais il n’a plus de joueurs talentueux. » Cruel dilemme !!!
Et pour cause, la victoire de l’organisation ne peut pas occulter la contre-performance sportive même si tout cela doit être relativisé. En effet, la principale leçon à retenir de la débâcle sportive est qu’on ne récolte que ce que l’on a semé. On imagine mal une équipe en train de gagner un tournoi dans un environnement aussi malsain que celui qui règne au sein du football camerounais et de la sélection des A’: valse des entraîneurs à quelques semaines du coup d’envoi, joueurs non compétitifs en raison d’un championnat à l’arrêt depuis un an, tripatouillage dans la sélection des athlètes, etc. Pour compenser ces lacunes criardes, on a dû recourir à l’irrationnel: marabouts appelés en renfort, séance de prières et d’exorcisme, ésotérisme; n’en jetez plus!
Cette défaite morale et éthique fait autant mal sinon plus que la débâcle sportive en elle-même. Et l’on va s’étonner que les jeunes recourent de plus en plus aux raccourcis faciles pour réussir? Voilà une problématique et une thématique qui pourraient fort bien alimenter les débats à l’occasion de la 55ème édition de la fête de la jeunesse dont les défilés et les parades ont d’ailleurs été annulés pour cause de covid-19. Les victoires et les succès, dans le domaine sportif en particulier et dans la vie en général, passent-ils nécessairement par le recours aux marabouts, aux sorciers et autres préparateurs psychologiques ainsi qu’aux tours de passe-passe comme les porte-monnaie magiques qui ont tendance à envahir les campus scolaires et académiques?
En sport comme dans la vie, il n’y a pas de magie pour gagner ou pour réussir: la seule et vraie magie, c’est le travail, rien que le travail, encore et toujours le travail. Les poulains de NDTOUNGOU MPILE qui se sont laissés entraîner dans des séances interminables de prières au lieu de préparer leurs matches sur le terrain ainsi que les élèves des lycées et collèges qui croient aux vertus miraculeuses des fameux porte-monnaie magiques et se font plumer comme des pigeons auront toujours leurs yeux pour pleurer toutes les larmes de leur corps le jour des résultats. Dans le silence de la méditation de ce onze février 2021, il est urgent d’y réfléchir au lieu de fléchir et de céder à la tentation des solutions faciles, magiques et miraculeuses.

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