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Sur le chemin d'Etoudi

Pr Narcisse Mouelle Kombi : « La renaissance diplomatique fait partie des Grandes Ambitions »

L’Action : Monsieur le Directeur, en quarante ans d’existence, l’IRIC a formé des centaines de diplomates, fonctionnaires des relations internationales et cadres d’administration. Visiblement, l’âge n’amenuise pas les résultats ?

Pr Narcisse Mouelle Kombi : La maturation va précisément avec l’âge, sauf dans des cas exceptionnels. En cette année où l’IRIC célèbre ses quarante années d’existence c’est-à-dire sa maturité, votre question me donne l’occasion de parler d’un institut qui a opéré sa mue au cours des cinq dernières années.

Cette mue, continuum logique et exacerbé  d’un travail effectué depuis des décennies par mes devanciers, révèle une institution qui porte fièrement et légitimement son attribut de « vitrine internationale » de l’université camerounaise. D’une soixantaine d’étudiants, l’institut compte désormais plus de 1400 étudiants dans des filières aussi variées qu’actuelles, qui illustrent une volonté permanente de coller notre offre de formation à l’évolution de la scène internationale et aux problématiques en vigueur.

La double mue au plan des infrastructures et de l’offre de formation a permis une transfiguration de l’institut afin de lui donner les capacités matérielles et immatérielles lui permettant d’assumer sa triple vocation d’académie diplomatique, de centre d’excellence en matière d’études internationales et d’observatoire des relations internationales. Je pense pouvoir dire une affinité élective entre le quarantenaire de l’IRIC et la maturité. D’ailleurs, les résultats obtenus confortent cette affinité du point de vue de la qualité des cadres formés et de la variété des nationalités accueillies sur notre campus. Depuis quarante ans des étudiants d’une soixantaine de nationalités ont été formés à l’IRIC et, près de 80% des personnels diplomatiques camerounais en poste dans nos missions diplomatiques et postes consulaires sont des produits de l’IRIC. Au rebours, certains diplomates étrangers en poste à Yaoundé ont été formés à l’IRIC. On peut notamment citer Madame l’Ambassadeur du Sénégal au Cameroun, l’Ambassadeur du Tchad et le Chargé d’Affaire de Tunisie.
 Dans le même temps, l’établissement veut asseoir son emprise au niveau sous régional et en Afrique. Est-ce pour ces raisons là qu’on a enregistré, au cours des dernières années, d’importantes innovations en son sein ?
De par sa vocation, l’IRIC a le tribut d’une institution internationale, c’est-à-dire sous-régionale, régionale et tout simplement mondiale. Ces niveaux de focalisation de l’action de notre structure de formation sont lisibles au travers des étudiants formés et qui étaient issus de plusieurs continents (l’Afrique, l’Asie, l’Amérique…). De même, son emprise mondiale est faite par les enseignants qui y interviennent et qui sillonnent le monde entier comme des pèlerins de la science. Dans l’autre sens, des enseignants étrangers de renom interviennent à l’IRIC dans le cadre des invitations et des missions d’enseignements et de recherche. Mais vous avez tout à fait raison de souligner les innovations de ces dernières années. Elles sont en fait une réponse naturelle que nous essayons d’apporter aux défis qui interpellent un institut diplomatique tel que le notre. Les processus de régionalisation et de regroupement des Etats au sein d’ensembles sous-régionaux et régionaux est une condition d’efficacité et d’efficience de l’action des gouvernements. L’IRIC doit accompagner cette action par les cadres qu’il forme et qui seront les porte-faix de l’action des Etats de la sous-région et du continent. Un arrimage des programmes de formation s’impose dès lors et le parcours Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC) est une réponse à ce défi. D’autre part, l’intégration régionale pour ne pas se présenter comme une arlésienne, doit prendre corps dans les populations et dans la circularité des valeurs communes telles que l’éducation et l’enseignement supérieur. L’IRIC apporte sa contribution à cette intégration par le bas en accueillant au sein de ses parcours de formation, des ressortissants de plusieurs nationalités africaines.  La coopération internationale en matière de formation apparait dès lors comme un moyen des plus efficaces pour exorciser les démons de la guerre en dotant les jeunes cadres de demain d’un viatique commun moulé dans la pate de la conscience des enjeux communs, des valeurs communes et d’une humanité qui partage par delà ses horizons d’implantation, la terre comme bien commun. Ces éléments sont contenus dans l’un des derniers nés des masters de formation à l’IRIC ; il s’agit du Master « Coopération internationale, action humanitaire et développement durable » (CA2D) qui est mis en œuvre en partenariat avec l’Université Cà Foscari de Venise (Italie). En somme, par les innovations en cours à l’IRIC, nous prenons conscience de la réalité que sur la vaste plaine de la mondialisation, l’enseignement supérieur à l’ère du LMD impose un seul choix : innover ou disparaitre.
 La diplomatie camerounaise dont l’IRIC se veut le laboratoire vous semble-t-elle aujourd’hui adaptée aux enjeux de la mondialisation ? Sinon que reste-t-il à faire ?
Le propre de la mondialisation est d’être une exportation des schèmes et grilles d’un « ici » vers les « ailleurs» qui souvent, doivent faire l’effort de la compréhension et de l’assimilation des nouveaux archétypes, paradigmes et parangons.  Tous les domaines de la vie sociale et politique de nos Etats subissent cette réalité. La diplomatie camerounaise n’échappe guère à cette loi de la nature internationale. Il faut donc à mon sens, saluer l’action quotidienne des porteurs de la diplomatie camerounaise qui s’agrippent au train de la mondialisation afin de ne pas permettre une marginalisation de notre pays sur une scène internationale travaillée par des logiques rapides de changement induites par la mondialisation. Hier, les TIC n’occupaient qu’une place résiduelle dans le travail des diplomaties mais aujourd’hui, il s’agit d’un outil de travail incontournable. Cet exemple illustre que la vitesse de la mondialisation tutoie quelques fois nos lourdeurs institutionnelles qui sont la marque de l’Etat bureaucratique. En même temps que l’IRIC reste collé aux logiques de la mondialisation et met continuellement à jour et à niveau son offre de formation, les diplomates sur le terrain usent de génie pour porter haut la flamme de notre rayonnement.
Au demeurant, nul ne peut contester de bonne foi la réalité d’un déficit d’effectif, la nécessité d’une ouverture vers les nouveaux horizons de la diplomatie et le devoir de visiter les nouvelles formes de la diplomatie. En effet,  une offensive de la diplomatie économique, une synchronisation de notre diplomatie culturelle, un investissement plus conséquent dans la cyber-diplomatie où se joue désormais une grande part de la diplomatie mondiale…sont quelques chantiers que la diplomatie camerounaise se doit d’engager en vue de son amélioration. L’IRIC que vous qualifiez à juste titre de laboratoire de la diplomatie camerounaise a d’ailleurs inscrit dans ses programmes des enseignements centrés sur les nouvelles formes de la diplomatie, les questions de la mondialisation, le développement durable, autant de thème qui ont remis à l’ordre du jour  un questionnement sur les outils et perceptions classiques de la diplomatie.
 A cet effet, quelle partition joue l’IRIC dans l’accomplissement des Grandes Ambitions du président Paul Biya dans le volet diplomatique ?Il est heureux que lors de son discours de fin d’année à la nation en 2010, le Chef de l’Etat chef de la diplomatie camerounaise ait parlé de « Renaissance Diplomatique ». Cet important aspect de sa politique des Grandes Ambitions conforte en même temps qu’il interpelle l’IRIC. Notre institut qui est depuis quarante ans au service de l’excellence académique et diplomatique est comme vous l’avez justement perçu, le centre où est formée l’armée de notre diplomatie. A ce propos, il faut signaler que le corps de la diplomatie qui est resté très longtemps un corps d’officiers, aura désormais des soldats. J’emprunte volontiers au jargon militaire pour vous parler de l’importance de la décision prise récemment par le chef de l’Etat d’autoriser l’ouverture d’un concours pour la formation des attachés des affaires étrangères à l’IRIC. Cette parenthèse vous permet de voir que l’IRIC est un établissement capital dans le succès des Grandes Ambitions du chef de l’Etat dans leur volet diplomatique. En réalité, puisque que la renaissance diplomatique est une expression sectorielle de la politique des Grandes Ambitions, et que ladite renaissance sera portée par des acteurs de notre diplomatique, de façon naturelle, l’IRIC qui a la vocation de former nos futurs diplomates se présente comme le lieu par excellence où l’incarnation de la renaissance diplomatique commence. Autrement dit, la parole du chef de l’Etat étant performative, l’IRIC est à l’avant-garde du déploiement des énergies nécessaires pour donner une réalité à l’énoncé programmatique du Président Paul Biya. L’IRIC est donc à la fois partie prenante et réceptacle de la politique des Grandes Ambitions du chef de l’Etat en matière de diplomatie.
Vous défendez depuis toujours la souveraineté des Etats. Aujourd’hui les ingérences étrangères en Afrique mobilisent la classe politique. Les intellectuels africains et l’Union africaine s’y opposent. Comment expliquez-vous ce positionnement ?
La position des intellectuels africains et de l’Union africaine est emprunte de sensibilité et de rationalité. Nul africain ne peut et ne doit rester insensible devant la paix qui se fissure sur le continent et sourd face au cri de la population victime des affres de la violence consécutive à quelque ingérence. Cette exigence de compassion, mieux cette expression de l’africanité des intellectuels africains et de l’Union africaine s’abreuve de la conviction que l’humanité en général et l’Afrique en particulier a besoin de paix et de stabilité pour un développement durable. La paix positive impose que la soif de développement puisse être étanchée  au creuset de la paix comme construit et construction impliquant des acteurs multiples de la scène internationale. Cependant, ce positionnement n’est pas uniquement justifié par la fibre sensible et l’attachement ombilical à une terre qui les a vu naitre. Au plan du droit international, les ingérences étrangères en Afrique sont une négation, une remise en cause des fondements même de la scène internationale. L’élan solidariste porté par la Charte des Nations Unies et tous les codex sur lesquels sont inscrits les principes régissant la vie internationale comme autant de lois gravées sur la pierre est la colonne vertébrale de la société internationale contemporaine qui a jailli des cendres de la seconde guerre mondiale. Notre société internationale actuelle est un palimpseste, l’ancien ordre évacué et obombré par le nouvel qui par la Charte de San Francisco a donné la vie à cette scène internationale post-bismarckienne. Dans cet ordre nouveau, la souveraineté des Etats est une pierre angulaire, un consensus autour de la distinction entre « nous » et « eux », le « notre » et le « leur », une délimitation du possible et du proscrit dans l’ordre des interférences. Les principes de non ingérence, d’indépendance des Etats, le droit des Etats à disposer d’eux-mêmes…sont le corollaire de la société internationale post-San Francisco. La prévalence de la « diplomatie de la canonnière » à laquelle le spectacle des évènements actuels nous convient est un gauchissement  regrettable du droit et une inversion de la logique. C’est le droit de la force qui prime sur la force du droit. Cela rappelle la triste réalité d’une scène internationale régie par le rapport de force qui tord le droit international et l’invoque au gré des intérêts des puissants.  Ne soyons pas non plus naïfs, telle est la transposition de l’état de nature hobbesien à l’échelle internationale et il en sera ainsi pour des siècles voire des millénaires encore. Peut-être la voie du salut de l’Afrique se trouve-t-elle dans le développement d’une voix qui porte, à partir des innombrables ressources dont elle est un cadre munificent.
Concernant l’élection présidentielle d’octobre 2011 au Cameroun, après le débat qui vous a récemment opposé à une certaine opinion sur l’éligibilité du président Paul Biya, comment le militant du RDPC que vous êtes entrevoit-il l’issue de ce scrutin ?
La tentation est grande en tant que militant du RDPC de pronostiquer une victoire de mon parti. Cela procède de l’ordre normal des choses, en raison de l’affect et de l’affection partisane qui autorise à une passion de la victoire du parti comme victoire de la passion sur la raison tant le parti dont il est question est celui de mon attachement militant. Rien n’est encore joué certes, car il faut éviter un certain triomphalisme béat qui serait propice à l’inertie et à l’inaction. Les élections sont un moment important dans la vie d’un Etat et il s’agit assurément d’un moment capital dans l’histoire politique de notre pays. Aussi, le bon sens conseille-t-il de prêter une attention prudente aux concurrents du RDPC. Cependant, si l’on considère des éléments objectifs qui procèdent de la présence effective sur le triangle national, du déploiement des moyens pour satisfaire les besoins des populations, la capacité de mobilisation du RDPC, la sensibilisation des troupes et de la pertinence même du projet politique du parti par rapport aux autres acteurs en présence pour ne citer que ces éléments d’analyse inter alia, force est de constater que sur la jungle politique de notre pays, le RDPC est un pygmalion. C’est fort de ces constats que je regarde avec sérénité les prochaines échéances électorales et par la raison et par la passion, je ne peux entrevoir qu’une issue heureuse pour mon parti le RDPC. Ce serait d’ailleurs un juste retour d’ascenseur à l’endroit du Chef de l’Etat au regard de sa politique des Grandes Ambitions par laquelle il s’est mis à l‘écoute de tous les camerounais pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Joseph Wylphrid Mikoas

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