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La Société

Catastrophe de Mbankolo : Si l’histoire du lac m’était contée?

Beaucoup d’eau a coulé sous le pont, depuis la survenance de l’effroyable éboulement dans ce quartier de Yaoundé. Avec des boucs émissaires sacrifiés sur l’hôtel des réseaux sociaux. Qu’en est-il exactement? L’Action livre ici les résultats de sa propre enquête.

Aucune œuvre humaine n’est parfaite, dit l’adage. Mais il y a des œuvres qui ne sauraient être celles d’un seul être humain.
Pour comprendre l’ampleur de l’éboulement de Mbankolo, il faut par exemple s’imaginer, toutes proportions gardées, les dégâts que pourraient causer les eaux libérées d’un bassin de retenue d’eau du barrage hydroélectrique comme celui de Songloulou ou de Lagdo. C’est gigantesque, c’est immense, c’est inoui. C’est tout simplement monstrueux.

L’histoire de ce lac artificiel connue de tous et racontée ça et là depuis plus d’une semaine, semble convaincre monsieur tout le monde. Mais…
Au commencement était l’arrivée des Allemands au Cameroun, dans les années 40. Comme partout où ils sont passés, ces derniers adoraient les sommets des montagnes. Surtout ceux qui donnent la plus large vue sur la ville. Ils voudront prendre leurs quartiers sur les flancs du Mont Febe, mais l’endroit pressenti ne favorise pas cette vue. Ils décident quand même d’y laisser leurs marques. « Je ne peux pas vous dire exactement quand est-ce que le lac a été fait. Parce que même ma mère décédée il y a quelques années, n’en a pas été témoin », avoue Catherine Evouna, octogenaire, la doyenne des autochtones et voisine du lac. Elle se souvient quand même que son grand-père leur racontait qu’il -le lac- a été construit en 1841 par les Allemands. L’ouvrage était complété par une immense digue. « Au départ, c’était une retenue à partir d’un filet d’eau qui prend sa source dans la montagne, avec des tuyaux en béton qui arrivaient jusqu’au carrefour de l’actuel palais des congrès pour alimenter en eau potable les européens et plus tard, les indigènes qui habitaient les alentours », déclare Thomas Mewouli, originaire de Mbankomo, mais établi ici il y a plus de soixante ans. Avant d’ajouter: « A un moment donné, après l’indépendance, le gouvernement voulait exploiter cette opportunité pour étendre le projet dans toute la ville. Mais il y avait un autre site mieux entretenu du côté de Nkolbisson qui a été retenu à cet effet ».
En effet, les Français qui débarquent au Cameroun après les nombreux traités, refusent de valoriser cette infrastructure allemande, et décident d’aller en créer une autre dans ce qui n’était encore qu’une périphérie de la capitale politique. Ils vont donc créer leur lac à Nkolbisson, pour les mêmes besoins que celui des Allemands. Ainsi naquit l’usine des eaux de Nkolbisson, qui alimente toute la ville de Yaoundé en eau.

Entre temps, les différentes canalisations du lac de Mbankolo commencent à se boucher, y compris les voies de respiration faites dans la digue. Pendant ce temps, le bassin ne désemplit plus et commence à déverser son trop plein d’eau sur l’ancien lit du ruisseau, qui est en fait l’un de ceux d’où la rivière Mfoundi tire sa source. C’est ce qui va inspirer Jean Pierre Sidjouwe, d’après de nombreux voisins. Jean Pierre, qui s’est toujours dit très occupé pour répondre à notre sollicitation aux fins de cette enquête, a d’ailleurs construit sa propriété à quelques mètres du lac. Le propriétaire de la villa baptisée maison blanche par le voisinage, décidera donc de construire un étang attenant au lac, en creusant un bassin où il va commencer à élever ses poissons.
En son temps, le chef du village va s’y opposer, au point d’être traîné devant les tribunaux à maintes reprises par le propriétaire de l’étang et échappant de peu à la prison. Entre temps, c’est un mince passage qui est créé pour écouler les eaux du lac. Or du temps du maire Luc Assamba, de regrettée mémoire, celui-ci avait sollicité le gouvernement pour une meilleure exploitation de l’infrastructure. Il lui avait même proposé de dégager des moyens financiers pour réaliser un captage à partir de la source dans la montagne, afin d’alimenter cette bourgade. Comme il l’avait fait avec une situation similaire du côté de la carrière, avec l’aide d’un partenaire au développement. Son initiative est restée malheureusement lettre morte. Aujourd’hui, les habitants d’une partie du quartier Carrière ont non seulement de l’eau potable provenant de la montagne, mais sont à l’abri d’une catastrophe comme celle dont viennent d’être victimes les populations d’une partie de Mbankolo.
L’érosion et le poids de l’âge aidant, la digue a commencé à se fragiliser à partir de sa fondation.
Bien plus:  » Ce site est une vallée à forte capacité d’encaissement et de d’éjection, qui reçoit des ruissellements d’un peu partout à partir de cette chaîne de montagnes. Contrairement aux autres vallées qui encaissent peu », explique Jacques Evende, un géographe rencontré à l’Institut national de la cartographie à Yaoundé.

William MONAYONG

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