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L'Editorial

L’unité par l’ascèse et la foi

Comme en 1984 au lendemain de la tentative de coup d’Etat du 6 avril, la fête nationale de l’unité ne sera pas célébrée ce 20 mai 2020. Les pouvoirs publics ont annulé toutes les manifestations en guise de mesures supplémentaires pour lutter contre la pandémie liée au coronavirus. On imagine à quel point il a dû être difficile de prendre une telle décision. Mais la santé des populations n’a pas de prix. Toutefois, l’annulation des manifestations ne signifie nullement le gommage pur et simple ou la disparition de l’événement dans les cœurs et les esprits. Le 20 mai sera célébré d’une manière ou d’une autre; la fête restera allumée dans la mémoire des Camerounais telle la lueur d’une bougie qui vacille mais ne s’éteint pas dans la nuit. C’est vrai qu’en raison des agissements de certains de ses enfants, l’unité du Cameroun a tendance à plonger dans les ténèbres du séparatisme et l’abîme du tribalisme mais la lumière finira toujours par l’emporter sur l’obscurité. Ce 20 mai 2020, dans le silence du recueillement et la méditation du confinement, chaque camerounais devrait saisir cette occasion pour faire son introspection et son autocritique: « qu’ai-je fait pour l’unité et l’intégration de mon pays? Suis-je du bon côté de l’histoire? Suis-je un pompier ou un pyromane du vivre-ensemble? »
Les hasards du calendrier et la providence ont d’ailleurs voulu que la célébration dans le recueillement et le silence de cette 48ème édition de la Fête de l’unité soit prolongée par deux événements religieux de grande importance. Bien qu’étant un État laïc, le Cameroun ne peut pas rester indifférent à cette succession d’événements républicains et religieux. Au lendemain de la célébration, sans manifestations publiques, de la fête nationale de l’unité, les catholiques célèbrent le jeudi 21 mai la solennité de l’Ascension, c’est-à-dire la montée de Jesus Christ au ciel quarante jours après sa résurrection. Peu importe s’il s’agit d’un dogme ou d’un acte de foi. C’est la symbolique forte de l’ascension qui nous intéresse ici, comme pour nous rappeler que les peuples ont besoin d’une forme d’ascèse dans leur cheminement vers leur destin. En d’autres termes, notre quête de l’unité et de l’intégration nationales passe par une discipline volontaire, individuelle et collective, du corps et de l’esprit vers la perfection. Or, tout le monde sait que la perfection n’est pas une vertu humaine mais divine. Faut-il pour autant baisser les bras, se décourager ou démissionner? Que non! La quête de l’unité est une démarche à la fois ascétique et asymptotique: on doit faire l’effort de tendre vers ce but malgré les difficultés et les épreuves.
Quelques jours après l’Ascension célébrée par les catholiques, les musulmans seront en fête à l’occasion de la fin du Ramadan, au terme d’une trentaine de jours marqués par le jeûne, les privations et les sacrifices en tout genre. Grand moment de piété et de foi, la fête de fin du Ramadan constitue un autre symbole fort à mettre en relation avec la quête de l’unité. Un tel hasard dans la succession des événements relève de l’alignement des planètes. À nous de savoir décrypter ces signaux épars venus de nulle part et ces signes du temps. Les intentions et les prières des fidèles, les incantations des profanes et les évocations des mécréants ne serviront à rien si chacun ne s’élève pas et ne se prive pas d’un peu de lui-même pour se mettre au service des autres, de la collectivité, de la communauté et de la Nation. L’unité nationale est une épreuve d’endurance à l’instar de l’ascension d’une montagne. Sans ascèse, sans foi et sans esprit de sacrifice, individuel et collectif, l’objectif sera difficilement atteint. Inch Allah et que la volonté de Dieu accompagne le Cameroun, son peuple et ses dirigeants vers leur destin pour un pays davantage uni, prospère et en paix.

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